Orgasme

Blocage : la frigidité, c’est rare


Si la frigidité signe l’absence de désir et de sensualité, l’anorgasmie, plus fréquente, se limite à un blocage de l’extase. Nuance d’importance.
 A 28 ans, j’éprouvais une satisfaction certaine avec mes partenaires, mais je n’avais jamais connu l’orgasme, se souvient Lucia. Je ne m’en plaignais pas, convaincue que ma mère était pareille. Or un jour, alors que nous parlions des rapports homme-femme, à mon grand étonnement, elle a eu ces mots : “Si un homme reste assez longtemps à l’intérieur, forcément le plaisir vient.” Cette phrase a provoqué un déclic, une sorte de libération. "
Si pour les hommes, l’explosion orgastique est une donnée naturelle, rien de semblable chez les femmes. Le vagin, contrairement au pénis, est peu sensible. "C’est essentiellement le contexte émotionnel qui déclenche le plaisir : l’idée d’être désirée, pénétrée par un homme aimé, observe Françoise Goupil-Rousseau, gynécologue et psychothérapeute. Et, à la vérité, avant la jouissance, les femmes orgasmiques ne ressentent pas plus de plaisir physique que celles qui n’y parviennent pas. Pour toutes, durant le coït, les voies de la sensibilité remontent jusqu’au cortex cérébral. Mais certaines auront un orgasme et d’autres non. On ne sait pas très bien pourquoi."

Une privation inconsciente

Chez les très jeunes femmes, l’anorgasmie vaginale est la norme. Si celle-ci perdure à la maturité, les spécialistes se refusent à la considérer comme une pathologie, sauf dans des cas extrêmes où l’acmé du plaisir ne peut jamais être atteint, même au moyen de la masturbation. Alors seulement, on parle de frigidité qui, à l’inverse de l’anorgasmie, se caractérise par une inhibition du désir et concerne la vie sexuelle dans sa globalité. Le plus souvent, il s’agit d’une privation inconsciente – la personne s’interdit de désirer, de ressentir – liée à la culpabilité ou à une honte transmise par l’éducation.
En fait, pour toute femme, l’accès à la petite mort reste toujours très fragile. Un événement déprimant ou entamant l’estime de soi – séparation, deuil, licenciement, découverte de l’infidélité du partenaire, notamment – est susceptible de provoquer une anorgasmie transitoire. C’est le cas également lorsqu’un malaise surgit dans le couple, et que la femme, malheureuse, ne parvient pas à exprimer sa souffrance avec des mots. « Si la situation perdure, l’anorgasmie peut être utilisée par l’inconscient féminin comme une vengeance contre le responsable supposé de la situation », affirme la psychanalyste Catherine Muller. Frustrée dans sa vie, la femme punit l’homme dans sa sexualité pour qu’il le soit lui aussi.

Le poids de l’enfance

Lorsqu’elle est permanente, et sans motif apparent, « l’anorgasmie doit être décryptée comme un symptôme renvoyant à une problématique individuelle inconsciente », déclare la psychanalyste Janine Revel. Pour l’une, elle exprimera le désir enfoui de ressembler à une mère « virginale » idéalisée, pour l’autre, elle résultera d’une fidélité inconsciente à son père. « Je rencontrais toujours des hommes ayant des problèmes sexuels et avec lesquels je n’arrivais jamais à l’orgasme, explique Aude. Jusqu’à ce que ma mère m’avoue que, depuis mes jeunes années, l’abus d’alcool avait rendu mon père impuissant ! »
Souvent aussi, l’anorgasmie est la conséquence d’un rapport exécrable à son propre corps remontant à l’enfance. « Je me suis toujours vue froide, pas aimable, raconte Sonia. J’étais complexée par rapport à ma jeune sœur, la préférée de mon père, que l’on disait plus jolie, plus féminine que moi. Très tôt, avant l’adolescence, je me suis sentie désincarnée. Aujourd’hui, je ne me maquille jamais et je ne vois aucun intérêt à m’habiller. Au lit avec un homme, je me sens en trop, pas à ma place, je suis glaciale. » Est-ce un hasard ? Sonia travaille dans la congélation !
Dans certains cas rares, une femme peut être bloquée physiquement et émotionnellement au point de « passer à côté » de l’orgasme. Son corps jouit sans qu’elle éprouve la moindre sensation de plénitude, comme certaines personnes sont incapables de ressentir la faim, la soif ou le froid. Selon Janine Revel, ce phénomène résulte d’une éducation trop dirigiste, qui n’a pas permis à la personne de s’approprier réellement son corps.

Le refus d’être un réceptacle

Toutes les femmes réfractaires à l’orgasme ne sont pas encombrées par leur enveloppe charnelle ; certaines dégagent même une sensualité torride. Toutefois, elles ont en commun de refuser, plus ou moins consciemment, d’assumer dans la relation sexuelle une position féminine qui consiste à être le réceptacle de l’homme, à se faire « gaine » pour l’accueillir. « Longtemps j’ai eu l’impression qu’avoir un orgasme me ferait tomber dans un statut de “chose” de l’homme, raconte Noëlle. Je ressentais du bien-être mais je préférais rester “moi”, garder mon self-control, être spectatrice du plaisir de l’autre. »
« De nombreuses femmes supportent plutôt bien l’absence d’orgasme, constate Janine Revel. Selon Lacan, ce phénomène tient au fait que le plaisir féminin ne se limite pas à une jouissance d’organe comme chez l’homme, qui jouit de son pénis. Elles ont, de surcroît, accès à un autre type de satisfaction, propre à la sexuation féminine et qui englobe l’intégralité de leur être. » « Cette jouissance-là n’est pas commandée par le phallus, écrit la psychanalyste Catherine Lazarus-Matet, dans L’Autre Sexe. Elle peut être provoquée par l’attente amoureuse, l’élan passionné, davantage que par l’acte sexuel. D’ailleurs pour de nombreuses femmes, il est plus excitant de s’abandonner à la passion absolue que de s’abandonner physiquement et psychiquement dans la relation sexuelle. » Il ne s’agit pas d’une peur de la sexualité, mais plutôt d’une recherche d’absolu, d’amour idéal, que le sexe ne saurait combler entièrement.

Un plus culturel

« Une femme sur deux atteint l’orgasme lors d’un rapport sexuel complet », affirme Jacques Waynberg, psychothérapeute et sexologue, expliquant ces chiffres par notre héritage biologique. « Le génome humain ne diffère de celui du singe que de 1 %. Tout comme la sexualité animale, celle des humains a d’abord un but reproductif. Ainsi, si l’éjaculation, pourvoyeuse de spermatozoïdes, est nécessaire, l’orgasme féminin, lui, ne l’est pas. C’est un plus culturel, lié à l’invention de l’érotisme. »
Une femme qui ne jouit pas n’est donc pas anormale : elle manque seulement d’expérience. « Pour y arriver, il lui faut acquérir une idée plus précise de son schéma corporel, par la masturbation par exemple, ajoute Jacques Waynberg. Et se laisser aller à ses fantasmes, qui activent le désir.
Passer du bien-être sexuel à l’orgasme s’apprend, comme on apprend à chanter en travaillant sa voix. » « S’imaginer qu’il “faut” impérativement avoir des orgasmes est la meilleure façon de provoquer un blocage en profondeur, doublé d’une bonne déprime, affirme Janine Revel. Si la situation est cause de souffrance, il faut s’interroger sur ce qui cloche. Et travailler sur soi avec un thérapeute. » « Quand l’anorgasmie résulte d’une mauvaise communication dans le couple, il est nécessaire de la rétablir à deux », considère Catherine Muller. En consultant des livres, en assistant à des conférences et, surtout, en se parlant franchement. Mais, avant tout, « il faut accepter l’idée que l’orgasme n’a rien d’automatique, affirme la journaliste américaine Tracey Cox dans Hot Sex (Marabout). Vous ne risquez donc pas d’en avoir quand vous faites votre repassage !

L’imprenable forteresse

Deux troubles physiques peuvent empêcher les femmes d’éprouver l’orgasme vaginal.
• Le vaginisme se traduit par un resserrement des muscles de l’entrée du vagin, qui le transforme en forteresse imprenable. « En l’absence de malformation physique, les causes du vaginisme sont la peur de l’homme perçu comme dangereux, l’angoisse de la pénétration qui risque de faire saigner, les tabous intégrés dans l’enfance », explique Françoise Goupil-Rousseau, gynécologue et psychothérapeute. Pour en guérir, les thérapies comportementales marchent très bien, surtout si le partenaire participe en assumant le rôle d’un cothérapeute apaisant et patient. Curieusement, « les femmes vaginiques se révèlent généralement orgasmiques ».
• La dyspareunie se manifeste par des douleurs durant le coït. « Très souvent, elle résulte d’un léger vaginisme qui incite la femme à trop contracter ses muscles vaginaux. » C’est trop serré, donc ça fait mal ! En fait, la femme dyspareunique perçoit comme désagréables et angoissantes les sensations physiques du coït, ressenties comme plaisantes par les autres. « On soigne la dyspareunie par des méthodes de relaxation, en rassurant la personne, en lui conseillant d’utiliser des lubrifiants, en s’efforçant d’améliorer la communication dans le couple. »
Gallimard réédite le roman La Musique(Gallimard) de Yukio Mishima. Devenue indifférente au plaisir sexuel symbolisé par la musique, Reiko consulte un psychanalyste, qui est le narrateur de l’histoire. Malmené par les mensonges de la jeune femme, il cherche à cerner la nature du malaise de Reiko. La diversité de ses théories permettent à l’auteur d’aborder plusieurs questions sur la sexualité, rappelant que, dans ce domaine, « la notion de bonheur unique, valable pour tous, n’existe pas ». 
                                       

L’orgasme, jouissance ou tyrannie ?


Démythifié, revendiqué, suranalysé, l’orgasme conserve pourtant son mystère. Pourquoi se montre-t-il rebelle à l’improviste ? Quand nous initie-t-il à l’extase ? Est-ce grave de s’en passer ? Mérite-t-il d’être le souci premier des amants ? Nous avons enquêté sur la juste place de cette jouissance emblématique, dans nos vies, dans nos têtes, dans nos amours. Pour qu’elle ne devienne jamais une tyrannie, nous avons exploré informations et témoignages. Enquête sur nos corps, nos désirs et nos craintes.

Récit : “Soudain j’ai crié”

Isabelle Yhuel, notre collaboratrice, raconte dans son livre sa quête d’un orgasme insaisissable. Elle le rencontrera par surprise et saura le garder. Mais comprendra qu’il n’est qu’un temps fort de la jouissance de vivre. Un récit cru et délica
Une femme à la conquête de l’orgasme raconte tout. Elle se mouille, pourrait-on dire si le mot ne prêtait à équivoque. Pourtant il s’agit bien de cela : du corps qui tremble, s’émeut, exsude, cherche l’acmé d’un plaisir tant décrit, tant fantasmé, tant convoité. Cette femme, Isabelle Yhuel, est journaliste et a l’habitude de recueillir le témoignage de ses contemporaines. Dans Les Femmes et leur plaisir (JC Lattès), elle se met en scène pour décrire au plus juste, au plus cru, son itinéraire de femme vers la jouissance. « J’ai voulu raconter les pulsions, les émois, les états de faits et d’émotions avec lesquels cette femme que je fus s’est débattue. » Les confidences qu’elle recueille chez d’autres femmes lui confirment que son histoire est exemplaire : « Celles dont l’itinéraire commence par une sexualité en berne, les “pas douées”, celles qui se croient des ratées du sexe, celles qui ignorent que l’anorgasmie, comme on dit aujourd’hui, est un point de départ pas plus bancal qu’un autre pour s’embarquer dans l’existence. »
Et puis un jour l’orgasme est au rendez-vous et la rassure : elle n’est pas frigide. Elle découvre la question essentielle : et si l’enjeu de la jouissance était ailleurs ? Notre dossier démarre par le récit d’un parcours initiatique d’une femme d’aujourd’hui. Extraits.

Le corps anesthésié : “Il jouit, je m’absente”

« La belle endormie, la pâle Ophélie qui chaque soir se noie de sommeil dans un coin du grand lit, c’est moi. J’ai 20 ans, des nuits profondes et longues prises dans la vase d’une lourde torpeur. Auprès de celui que j’aime, je n’ai à déposer que mes fatigues d’enfant épuisé sans raison, repos innocent d’une qui ne se sait pas femme et qui, inatteignable, flotte près du corps de l’homme. Pourtant, jour après jour, celui-ci répète les gestes d’un jeune amant ; pudique et maladroit, il caresse, curieux, s’arrête, surpris de ce que finalement un corps de femme, ce soit ça, intrigué, apeuré un peu ; et je ne peux le rassurer, j’ignore, autant que lui, ce qu’est un corps de femme. Alors, toute virilité en avant, il se lance, pénètre avec égard mais fermement, se crispe, creuse son avantage, souffle, s’essouffle, crie, éjacule. Repu, il dépose sa légitime fatigue auprès de celle qu’il vient, croit-il, d’aimer. » […]
« J’ai 20 ans, je suis libre, un homme m’aime et je l’aime, alors pourquoi n’ai-je à lui offrir qu’un corps indolore[…] ? Pourtant je me serre dans les bras de Fatou. […] Je touche ses cuisses, je l’embrasse de toute ma bouche, je m’enroule à son torse comme une naufragée dans la tempête, je me jette à sa tête, je l’aime, je l’aime… à corps perdu, hélas, car aucune étincelle ne jaillit de nos corps mêlés l’un à l’autre. » […]
« A 20 ans, certaines[…], grandies un peu bancales, humiliées, désavouées, trop souvent obligées de mimer ce que les autres attendent d’elles plutôt que d’être, trouvent leur première liberté dans un refus obstiné, celui de se donner, par peur, une fois encore, de se perdre. Etre froide, c’est se mettre en attente, se tenir hors champ, camper sur ses positions d’observatrice. C’est s’offrir une chance de trouver sa propre parole de corps à soi. La frigidité ? Une forme de rébellion. » […]

La découverte : “Mon désir me conduis là où je ne voulais pas aller”

« Soudain, je ne suis pas sûre, est-ce un pli du drap qui ainsi caresse ma nuque, ou bien Marthe s’applique-t-elle à lisser le col de ma veste de pyjama ? Est-ce une main de femme qui touche cette peau, me ramenant au bébé que je fus […] ? Je n’aime pas les corps de femmes : je peux les trouver beaux mais jamais désirables. Toujours m’a paru incompréhensible le désir des hommes qui naît de ça, d’un corps de femme. […] Toujours j’ai été convaincue, sans l’avoir jamais vérifié, qu’une main de femme ne saurait que me laisser de marbre, ou pire me faire virer au dégoût. Marthe a relevé mes cheveux et s’est glissée dessous, elle souffle, légère, sur mon cou, dégage mes omoplates de la veste de soie pour souffler un peu plus bas. Je ne sais pas ce que cela me fait, je sais juste ce que cela ne me fait pas ; je ne suis ni anesthésiée ni écœurée, je ne bouge pas, je respire à peine, je veux qu’aucun signe ne m’échappe, rien qui puisse être interprété comme un encouragement ou, au contraire, comme une exhortation à arrêter. J’attends. Puisque je ne sais pas ce que je veux, j’attends. » […]
« Incroyable, ça vit, là, à l’intérieur, ondes involontaires et délicieuses, […] celles qui ne répondaient à aucune injonction et qu’aujourd’hui je sens. Pourquoi aujourd’hui ? Délicate amplitude, je voudrais que ça dure, dure, dure, je serre mes cuisses autour de ces doigts de Dieu qui m’agitent, […] ça y est ils fourmillent, cadence, rythme, oh là là, doigts de femme qui me révèlent le vagin, pas trou du tout mais creux, caverne, grotte habitée, peuplée, vide plein de replis de chair rugueux, intérieur aussi vivant que l’extérieur, aussi épais, dense, mouvant, feu qui prend aux parois, s’étend, gagne peu à peu chacune de mes cellules, vagin, lèvres, sexe, cuisses, ventre, seins, bras, jambes, cheveux, plus de morceaux, tout le puzzle enfin uni, plus de fractures entre les parties, corps reconstitué, fluide, un, seul, et qui crie. » […]
«Voilà, je me doutais que, laissé libre, mon désir n’en ferait qu’à sa tête, qu’il me conduirait n’importe où et surtout là où je ne voulais pas aller. Ce n’est pas ça que je voulais, pas comme ça, surtout pas comme ça. Je voulais aimer tranquillement un homme tranquille qui me procurerait une douce jouissance pas dérangeante. Je marche, raclant, hargneuse, les pavés de Saint-Amand qui m’a donnée, à mon corps défendant, une amante. » […]

La délivrance : “Tout m’échappe et je ris”

« Il a jonché le lit de corolles de fleurs sans tige et me demande de poser mon sexe sur ce tapis de sexes humides. Trois jours que nous sommes dans cette petite maison d’une île d’Italie […]. Champagne, miel, melons, pêches, abricots, gingembre confit, fenouil et sarriette, et piment rouge aussi, romarin, et poissons grillés, et des bouteilles qui sommeillaient à la cave que nous avons réveillées, et des gâteaux à la rose de chez Ladurée […], la durée, tout ce que je désire depuis toujours, du temps, du temps, le temps de se frôler, de se serrer, de rire, de converser, de jeter des regards, d’en ramasser, de rêver, de se saisir, de jouer le jeu […], de danser enlacés nus sur un slow non identifié. Et là des fleurs comme des nénuphars couvrent le lit pour une Ophélie vivante qui dériverait au long de la rivière sans s’y noyer. Au contraire, la chaleur monte, il lape le champagne qu’il a versé frais dans mon nombril, plus tard je m’allonge de tout mon corps sur lui, chaque millimètre de ma peau au contact de la sienne, adhérer totalement l’un à l’autre, brasier commun, monter au bord, tout au bord du cratère, se retenir, ne pas glisser dans la fournaise, pas encore. Il boit, je fume, je pose ma tête sur sa cuisse, haut, à l’endroit du pli de l’aine, comme une petite île de peau tendre préservée de l’enfance, une île dans l’île qu’est ce grand corps échoué sur cette île d’Italie. » […]
« Du bout des mots, du bout du corps, il me laisse faire, attentif, c’est si bon pour moi, il le sent, il le veut, alors il ne brusque rien, surtout pas d’empalement mais un long glissé-coulé, le rythme exactement, la brise en mon sexe que j’enserre, plus rien à retenir, ça va, vient, vit tout seul. Et une pensée alors surgit comme pour autoriser la délivrance : “Rien ne m’oblige à le raconter à ma mère.” Alors tout m’échappe et je ris, chaotique, comme je crie. » […]

La jouissance : “Que la vie soit un amant”

« J’ai émergé de cette jouissance comme nettoyée, lavée de toute histoire personnelle. Les liens se sont tranchés : plus d’entraves. Une femme qui naît parce qu’enfin son corps peut oublier celui de la mère, la peau de la mère, les os de la mère, pour “s’abaisser” à s’abandonner à un inconnu. Et ce fut Jean-Honoré.[…] De quoi s’agit-il donc dans la jouissance ? D’accepter que l’autre soit autre, étranger, à distance, le contraire du frère, ce qui vous contraint, dans un même élan, à laisser surgir de vous l’étrangère qui habite ce point reculé de vous-même où vous ne vous connaissez plus. » […]
« Elle est là l’erreur, tout ramener à une petite idée de bonheur sexuel, d’orgasme vaginal, avec pour prix le fait de ne pas voir toutes les autres jouissances possibles, dont la pensée, dont l’écriture, dont la nourriture, le lien à la nature, aux livres, à la musique, à certaines odeurs, au crissement des pas sur les feuilles or et feu du Luxembourg, au simple fait d’être assise là et d’écouter le silence, tant d’autres choses, énumération sans fin. Question : pourquoi la société a-t-elle besoin de créer une hiérarchie des jouissances, et dans celle-ci de placer au plus haut la sexualité […] ? Et si cet orgasme autorisé n’était là, étalé en pleine lumière, que pour mieux dissimuler le reste, c’est-à-dire que ce serait à chacun, pour soi-même, de trouver là où il jouit, là où il jubile avant la mort inéluctable ? […] Dès Fatou j’ai connu des tendresses, des rires, des sueurs échangées, du bonheur en somme, mais je ne pouvais pas le voir, rivée que j’étais à cette étoile du berger, à cette Vénus inatteignable : la jouissance physique. Quand j’aurais pu éterniser chaque instant de mon être, jouir du matin frais et de la lourde nuit parfumée si adorablement enlacée à Fatou, des talons solitaires qui résonnent dans les ruelles vides, […] d’un lit de coutil frais dans la brûlure de l’été, d’une phrase : “Des étoiles dans les yeux, des voiles sur ses cheveux, des cyclamens et des violettes sauvages…”, oui, se laisser couler dans le mouvement, le rythme, la cadence de Virginia Woolf pour laquelle la vie, en ses actes les plus simples, en ses myriades de facettes, était un amant. C’est ça, que la vie soit un amant. » […]

Orgasme : Une invention récente

A en croire “Le Petit Robert”, l’orgasme n’a pas toujours été une partie de plaisir. Jusqu’au XVIIe siècle, ce mot (du grec orgân, « bouillonner d’ardeur ») désigne un accès de colère. Ainsi, nos ancêtres pouvaient-ils prétendre avoir eu un orgasme à la moindre crise de rage. Un siècle plus tard, il est classé dans les pathologies. En effet, dans l’“Encyclopédie” de Diderot et d’Alembert, on apprend que certaines personnes, très nerveuses, sont sujettes à des « attaques d’orgasme », à savoir des manifestations hystériques violentes. Ce n’est qu’aux alentours de 1830 qu’il devient synonyme de satisfaction sexuelle. D’éjaculation plus exactement car, puritanisme oblige, l’orgasme est l’affaire des hommes. Les femmes n’y auront droit qu’au 
XXe siècle ! Dès lors, elles se trouveront dotées de deux types d’orgasme : le clitoridien – peu valorisé, car mentalement associé à la masturbation, prétendument preuve d’immaturité – et le vaginal – supposé plus noble, car fruit du coït, donc généreusement octroyé par le mâle. 
                                     

Orgasme, en avoir ou pas ?


Alain Héril est psychothérapeute et sexothérapeute. Il était notre invité lors d'un Chat consacré à l'orgasme. Voici les principaux points qu'il a évoqués avec vous concernant la jouissance sexuelle.
Est ce que l'orgasme est le même pour toutes ? Procure-t-il les mêmes sensations à toutes les femmes ?
Alain Héril : L'orgasme n'est pas le même pour toutes et heureusement ! Sinon cela voudrait dire que chaque femme fonctionne de la même manière que les autres. Les sensations sont différentes de l'une à l'autre et chaque moment sexuel a sa particularité. On peut même dire que nous avons plusieurs types de sexualité et que nous mettons un mode de fonctionnement plus en avant qu'un autre en fonction du partenaire, de l'humeur, de l'environnement...
Même quand le désir est là et que le partenaire est parfait, pourquoi est-il parfois impossible d'atteindre l'orgasme ?
Alain Héril : Pourquoi faudrait-il atteindre l'orgasme à chaque relation sexuelle ? Ce n'est pas une course, ni une épreuve... Parfois, un moment sexuel sans orgasme est plus puissant qu'une relation sexuelle avec un orgasme mécanique et sans âme... Ce qui est important dans la sexualité, c'est la recherche de la diversité. Diversité dans le temps du rapport, diversité dans les jeux sexuels, diversité dans les moments de la journée... C'est un moment de créativité pas une finale olympique !
Existe-t-il une méthode infaillible qui amène à la jouissance ?
Alain Héril : Non il n'y a pas de méthode infaillible ! N'oubliez pas que l'acte sexuel est une question de rencontre. Nous ne sommes pas essentiellement des "machines à jouir", mais aussi des êtres d'émotions. Plus la rencontre et l'échange sont forts, plus on se donne la possibilité d'une "aventure orgasmique" forte.

Peut-on avoir des orgasmes sans être amoureux de son partenaire ?
Alain Héril : Oui, on peut avoir des orgasmes sans être amoureux. On peut aussi en avoir en étant amoureux ! Tout dépend de comment on s'engage dans une relation sexuelle et de ce que l'on en attend que celle-ci soit furtive, provisoire ou avec un compagnon officiel.
Que pouvez-vous nous dire sur le point G ?
Alain Héril : J'ai longtemps été sceptique quant au point G. Mais je dois reconnaître que c'est bien une partie existante de l'anatomie intime de la femme. Ceci étant, il n'a pas la même superficie d'une femme à l'autre et il ne réagit pas toujours de la même façon ! Nous ne sommes pas des robots mais des êtres faits de sensibilité et d'émotion et cela joue même dans l'utilisation du point G. Pour savoir où il se situe, je vous renvoie aux livres écrits sur le sujet. En général c'est assez bien expliqué.
Combien de temps faut il pour atteindre l’orgasme ?
Alain Héril : Il n'y a pas de règle ! Un orgasme peut s'atteindre en un minute comme arriver au bout d'une demi-heure et ce n'est pas le temps qu'il met à venir qui détermine son intensité. Nous ne sommes pas une "mécanique" sexuelle mais faits de sensibilité, de sensations et d'émotions... et l'orgasme est une émotion majeure !
                                   

Point P : les secrets de l’orgasme prostatique


C’est une pratique sexuelle taboue. Considérée comme réservée aux homosexuels, la stimulation de la prostate est pourtant à l’origine d’orgasmes d’un autre genre. Plus puissants, disent même les hommes qui ont essayé. Retour, avec le sexologue Alain Hérilsur le fameux point P. Et témoignage de Rodolphe, l'un de nos psychonautes, sur ce nouveau plaisir qu'il a découvert.
A quoi ressemble l’orgasme prostatique ?
Alain Héril : L’orgasme prostatique relève d’un ressenti intérieur, et non, contrairement à l’habitude chez les hommes, d’une sensation de quelque chose qui va vers l’extérieur. C’est pour cela que souvent, on lui trouve une dimension féminine. Il s’agit aussi d’une sensation orgasmique plus globale : elle touche l’ensemble du corps, et pas seulement la zone essentiellement génitale. Certains ont d’ailleurs tendance à dire que c’est un orgasme plus puissant, plus subtil que les orgasmes habituels. Son autre caractéristique, c’est qu’il n’a pas de dimension éjaculatoire. Même si parfois, il peut être accompagné d’une éjaculation.
Comment y accéder ?
AH : Par stimulation de la prostate. Son accès est relativement facile, si ce n’est qu’il nécessite une introduction anale, soit au niveau manuel, soit par le biais de sex-toys, dont certains ont la spécificité, en stimulant le fameux point P, de provoquer un orgasme prostatique.
Que peut offrir à un homme la stimulation de sa prostate ? Certains parlent d’une véritable révolution, est-ce vraiment le cas ?
AH : Oui, il s’agit d’une révolution dans la mesure où cette pratique bouleverse complètement la représentation que l’on avait de l’orgasme masculin et de la fonction de l’homme dans la sexualité. Là, l’homme devient celui qui est pénétré. Et le plaisir éprouvé est indépendant de toute dimension procréative. Comme pour les femmes, lors de la stimulation du clitoris. Les deux sexes se retrouvent ainsi dans quelque chose de féminin. C’est d’ailleurs un mouvement de fond : alors que depuis des millénaires nous avons, en Occident, fait l’expérience d’une sexualité essentiellement masculine, les choses sont en train de changer. Actuellement, nous assistons à un renversement de valeurs, avec l’idée que la libido est une énergie de type féminin - ce qui est posé depuis des millénaires dans des approches non occidentales comme le tantra - et que les hommes et les femmes doivent se retrouver à l’endroit du féminin.

On pense souvent que la stimulation de la prostate est une pratique réservée aux homosexuels, est-ce le cas ?

AH : Ca l’a été pendant très longtemps car dans la sexualité homosexuelle, il y a naturellement un rapport à l’analité plus direct que chez les hétérosexuels. Mais ces derniers acceptent de plus en plus l’idée qu’il puisse aussi y avoir dans l’hétérosexualité des pratiques anales entraînant des sensations agréables et particulières. En fait, il y a beaucoup de questionnements, de curiosité, mais peu de pratique.
Chez ceux qui ont pu essayer et apprécier la stimulation de leur prostate, la première interrogation est souvent : « suis-je un homosexuel refoulé » ? Qu’en est-il ?
AH : Il y a chez tout être humain ce, qu’en psychanalyse, on appelle une bisexualité psychique. Freud en parlait déjà. Dans la sexualité masculine, il existe donc une part d’homosexualité refoulée. Mais cela ne veut pas dire que tous les hommes sont des homosexuels. La vraie question, c’est : accepte-t-on cette dimension ou non ? Mais ce n’est pas parce qu’un homme ressent du plaisir en stimulant son point P qu’il est homosexuel. C’est simplement qu’il accepte qu’il n’y ait pas une opposition franche entre deux de ses personnalités sexuelles : l’une dominante, pénétrante ; l’autre, passive. Dans la stimulation prostatique, l’homme se laisse faire. Pour autant, cela ne veut pas dire qu’il se dévirilise ou qu’il perd sa capacité à être du côté du dominant. C’est simplement un jeu avec une part plus féminine, plus subtile de lui.
Si la pratique de la sodomie est de moins en mois taboue, la question de l'orgasme prostatique suscite souvent, chez les hommes comme les femmes, une réaction de fort dégoût. Comment l’expliquer ?
AH : Dans notre culture, la région anale reste une zone liée à la saleté, aux excréments. C’est la partie la moins noble du corps. Tant que l’on parle d’analité mais que cela reste abstrait, cela reste acceptable. Mais dès que vous parlez de stimulation de prostate, tout le monde pense que la prostate, il faut aller la chercher, la stimuler… L’analité crée alors des images très précises, ce qui peut entraîner du rejet et du dégoût chez beaucoup de personnes

Il paraît quand même paradoxal que cet orgasme réputé si puissant demeure en réalité si tabou ; si subversif, même, disent certains…

AH : Pendant très longtemps, on a éduqué les hommes à comprendre que leur plaisir était lié à leur puissance d’érection et d’éjaculation. Ce lien est posé dans l’inconscient collectif masculin. Là, il s’agit de tout à fait autre chose. Beaucoup pensent que s’ils éprouvent du plaisir de cette manière-là, ils ne vont plus en avoir que de la sorte. Mais la stimulation de la prostate est une pratique qui vient s’ajouter aux autres. Elle n’exclut pas la pénétration vaginale et tout ce que l’on connaît de la sexualité.
Pour les hommes qui l’apprécient, il n’est pas toujours évident d’aborder le sujet avec leur partenaire. Faut-il parler de son désir d'explorer cette zone à deux ? Comment ?
AH : Il n’est pas facile d’en parler car cette pratique modifie la vision que l’on a de ce que doit être la sexualité entre un homme et une femme. Et il y a encore beaucoup de femmes qui pensent que c’est l’homme qui les fait jouir, qu’il doit être dominant et elles, soumises. Tout va dépendre de la norme sexuelle que le couple aura mise en place. En fonction d’elle, le discours sera facile ou non. En tous les cas, il ne s’agit pas d’en parler à tout prix, ni de le faire à deux à tout prix. Si le couple a l’habitude de parler de sexualité, de la présence de sex-toys, de scénarios ludiques, il sera plus facile d’en parler naturellement à l’autre. Mais s’il s’agit d’un couple qui parle peu de sa sexualité, la demande une fois formulée pourra être violente pour la partenaire. Au final, si l’on a vraiment besoin d’en parler, il est bon de le faire de la façon dont on parle habituellement de sexualité.

« J'ignorais que j'étais capable d'une telle intensité orgasmique ! »

Rodolphe, l'un de nos psychonautes, a été l'un des rares à répondre à notre appel à témoins. Il a découvert son fameux point P. Il raconte.
« Il y a 6 ans, suite à des problèmes de dysfonction sexuelle dans ma vie de couple (éjaculation rapide), j’ai consulté un sexologue. Il m’a proposé l'approche dite "sexo-corporelle". Une heure par jour, je devais m'exercer à tendre et détendre certains muscles (cuisses, fesses, périnée), pour prendre conscience de leur existence. C’est durant ces "devoirs thérapeutiques" que je me suis autorisé à explorer mon corps plus intimement.
Et là, j’ai découvert ma prostate ! J’ai tout de suite compris pourquoi les homosexuels prétendaient avoir tant de plaisir dans leurs rapports sexuels. J'ignorais que j'étais capable d'une telle intensité orgasmique ! C'en était troublant. Presque gênant.
Passée la culpabilité (être un homme et jouer avec son anus relève d'une forme d'acceptation qui n'est pas facile d'emblée), j’ai pris plaisir à multiplier les essais, à diversifier les moyens de me stimuler analement.
Associée à la masturbation, la stimulation de la prostate (au doigt ou avec un objet détourné) provoque un décuplement du plaisir sexuel. L'orgasme est plus intense, plus profond, plus long.
Il se manifeste dans tout le corps. En cela, je le pense très identique à l'orgasme féminin.
Cette pratique sexuelle reste personnelle, intime. C’est un peu mon jardin secret. J'ose tout juste suggérer de façon sous-entendue à mes amantes qu’elles peuvent explorer cette zone, mais aucune ne l'a fait réellement. Je ne me sens pas capable de leur formuler une demande explicite. Peur de passer pour un obsédé, un extrémiste… Je ne sais pas exactement ce qui me retient. Mais ce qui est sûr, c’est que le tabou demeure. Comme si les hommes ne pouvaient en parler par crainte d'être jugés "homosexuels".
Ces stimulations anales sont rares. Le point P n’est d’ailleurs pas exclusif dans mon accès à un orgasme intense : depuis que j'accède à ce plaisir, mes orgasmes obtenus par le coït peuvent être également intenses et diffus. Comme si accéder à cette intensité unique m'avait permis de développer ma capacité orgasmique… »
                                    

9 réponses aux questions que l’on se pose sur l’orgasme


Mais quelle est donc cette tempête qui nous transporte par-delà les cieux ? Le docteur Sylvain Mimoun répond à nos questions. Et bouscule quelques idées reçues.
 Il y a des questions pour lesquelles on voudrait enfin une réponse : clitoridien ou vaginal ? Des curiosités qui rendent perplexes : le point G, vraiment vous y croyez ? Quelques idées reçues auxquelles on voudrait tordre le cou : las la pénétration profonde ! Et une ou deux vérités revigorantes qui font les matinées belles : vieillir n’empêche pas de jouir, au contraire. Bref, l’orgasme mérite qu’on l’observe et le décrive avec attention. Le détail avec le docteur Sylvain Mimoun, andrologue, gynécologue et psychosomaticien, auteur entre autres, deL’Univers masculin (Le Seuil) et Des maux pour le dire (J’ai lu).

Un orgasme : comment ça marche ?

Quelles que soient les stimulations initiales – caresses du corps ou de l’esprit : fantasmes, rêves, etc. – il faut passer par le cerveau pour que l’orgasme survienne. Plus précisément le cerveau des émotions, c’est-à-dire le système limbique. Ce centre de l’orgasme va, par le biais de nombreux neurotransmetteurs, véritables molécules du plaisir (endorphines, dopamine, acétylcholine, etc.), donner cette sensation de bien-être et d’euphorie tant recherchée.
Au niveau du corps, la peau rougit ; la respiration s’accélère, provoque une suroxygénation du sang ; les battements du cœur varient entre 110 et 180 pulsations par minute ; le visage se déforme sous l’effet des contorsions ; le sphincter rectal se contracte de deux à cinq fois tandis que le vagin et quelquefois l’utérus le font, au même rythme, jusqu’à quinze fois. Les sensations éprouvées, plaisir aigu ou plus diffus, varient selon les individus.

La pénétration suffit-elle à provoquer l’orgasme ?

Certaines femmes peuvent parvenir à l’orgasme par la pénétration vaginale uniquement, à condition que lubrification et excitation soient suffisantes. Cela dit, ce que l’on appelle les préliminaires ont pour but de faire monter l’excitation, de stimuler toutes les zones érogènes, en particulier le clitoris, et donc de favoriser la venue de l’orgasme.

Quelles sont les différentes sources d’orgasme ?

Presque toutes les femmes sont clitoridiennes. En revanche, toutes n’accèdent pas à l’orgasme vaginal, même si elles ont, physiologiquement, la capacité de l’atteindre. Il survient souvent après la trentaine, parce que les femmes connaissent mieux leur corps, cernent mieux leurs désirs et s’abandonnent donc plus facilement. L’orgasme clitoridien est classiquement décrit comme plus bref, plus aigu et moins irradiant que le vaginal.
Un orgasme anal est également possible. On suppose qu’il est déclenché par la stimulation du point G par le pénis (voir « Qu’est-ce que le point G ? ») à travers la paroi rectale. On explique également cet orgasme par l’excitation cérébrale que procure cette pratique et par la masturbation à laquelle elle est souvent associée.
L’orgasme peut également être provoqué par la stimulation de zones érogènes diverses, comme les seins, les fesses, le nombril, etc. Tout dépend de l’investissement érotique de notre corps. Il existe même des orgasmes sans contact physique, rarissimes il est vrai, et réservés aux championnes de la concentration et du fantasme.
Combien de temps dure un orgasme ?
Entre dix et trente secondes. Plus on lâche le cérébral au profit des sensations, et plus il est intense et durable.

Qu’est-ce que le point G ?

Ce fameux point, ou zone Grafenberg, du nom du médecin américain qui l’a décrite dans les années 50, est un coussinet situé sur la paroi antérieure du vagin, à quatre ou cinq centimètres de l’orifice vulvaire, et dont la stimulation déclencherait l’orgasme. Il serait l’équivalent féminin de la prostate et pourrait, chez certaines femmes, sécréter au moment de l’orgasme un liquide incolore, inodore, moins visqueux que les sécrétions vaginales, un liquide semblable aux sécrétions prostatiques de l’homme.

Peut-on multiplier les orgasmes ?

Potentiellement, les femmes sont toutes égales devant le plaisir, et physiologiquement programmées pour jouir à l’infini. Dans la réalité, les multi-orgasmiques ne représentent que 5 à 10 % de la population. Les principaux freins au plaisir à répétition : une difficulté à s’abandonner, les barrières d’une éducation rigide et culpabilisante ou un partenaire « peu compétent ». Sur le plan physique, les orgasmes multiples peuvent être obtenus par stimulation clitoridienne puis vaginale, ou par plusieurs stimulations clitoridiennes répétées pendant la durée, plus ou moins importante, de la période de récupération chez la femme. Mais une stimulation clitoridienne trop rapide après un orgasme clitoridien peut se révéler douloureuse.
Il est très rare, en revanche, que les hommes soient multiorgasmiques. D’autant qu’après 35 ans, en moyenne, la période réfractaire s’allonge et la répétition devient plus aléatoire.

« Ejaculation » signifie-t-elle « orgasme » ?

Pour l’immense majorité des hommes et des femmes, orgasme et éjaculation vont de pair. Pourtant, physiologiquement, les deux phénomènes sont distincts. Le second survient très peu de temps après le premier, d’où la confusion entre les deux processus. Il existe des orgasmes sans éjaculation, notamment dans la tradition du tantra et des éjaculations sans plaisir intense.

Une pénétration profonde favorise-t-elle les orgasmes ?

La région féminine la plus sensible sexuellement est située à l’entrée du vagin, à quatre ou cinq centimètres sur sa face antérieure. En réalité, ce sont les mouvements de va-et-vient qui, stimulant cette zone, déclenchent l’orgasme.
Cependant, la sensation de fusion entraînée par la pénétration profonde peut permettre aussi de ressentir un plaisir venant de « l’intérieur » qui se propage à tout le corps. C’est ce qui fait toute son intensité. Beaucoup de femmes disent ressentir le même type de plaisir que la pénétration profonde, en associant la stimulation du clitoris à la pénétration. Chez certaines femmes, le contact avec le fond du vagin peut également jouer le rôle de déclencheur. Mais ce contact peut également être source d’inconfort, voire de douleur.

L’intensité des orgasmes diminue-t-elle avec l’âge ?

Il est important de rappeler que notre premier organe sexuel est… le cerveau. C’est le cortex qui reçoit les messages sensoriels et les restitue. Physiologiquement, l’homme et la femme ne sont pas programmés pour connaître une baisse du plaisir. Au contraire, avec l’âge vient l’expérience, une meilleure connaissance de son corps et de celui de l’autre. Dans l’absolu, toutes les conditions sont réunies pour faire du temps un allié de notre sexualité. Cependant, il est vrai qu’au moment de la ménopause, par exemple, le temps de réaction de l’orgasme est plus lent et l’intensité un peu moins grande. La prise d’un traitement hormonal substitutif aide à supprimer ces difficultés.
Peut-on avoir un orgasme en dormant ?
Oui. Les hommes comme les femmes. Autrefois appelés « pollutions nocturnes », ces orgasmes peuvent être déclenchés par des rêves érotiques ou par… une vessie trop pleine. Celle-ci fait pression sur les organes génitaux, ce qui provoque un afflux sanguin et génère une excitation locale.

Existe-t-il des positions qui favorisent l’orgasme ?

En matière de sexualité, il n’existe ni recettes ni mode d’emploi pour parvenir systématiquement au plaisir. Tout ce que l’on sait, c’est que plus la femme a le contrôle de ses mouvements, mieux elle parvient à l’orgasme. Techniquement, toutes les positions où la femme peut moduler son rythme favorisent la jouissance (l’homme et la femme se faisant face sur le flanc, la femme sur l’homme, etc.). Mais plus que des positions, le plaisir dépend de sa capacité à s’abandonner, de la qualité de la relation et de son imaginaire érotique.

L’orgasme féminin est-il plus intense que celui de l’homme ?

Il est difficile, voire impossible, de répondre à cette question. Masters et Johnson, qui furent les premiers, dès 1966, à étudier scientifiquement les réactions physiologiques, considéraient que l’orgasme féminin était de huit à dix fois plus fort que celui ressenti par les hommes. Mais douleur et plaisir sont difficiles à évaluer, le ressenti étant avant tout affaire de subjectivité.

L’orgasme favorise-t-il la fécondation ?

Cela peut être le cas chez les rares femmes qui ont des orgasmes utérins. Les contractions de l’utérus sont en effet susceptibles de faciliter la montée des spermatozoïdes.

Avoir un orgasme, est-ce bon pour la santé ?

L’orgasme balaie toutes les tensions accumulées dans l’organisme. En libérant cette énergie, il produit également des endorphines appelées les molécules du bonheur. Il peut, entre autres, chasser certaines migraines et autres maux de ventre.

Les bons sentiments font-ils de bons orgasmes ?

Oui et non. Oui, parce que l’amour permet d’être en confiance, de s’abandonner et d’être dans une démarche de recherche du plaisir à deux. Mais non, malheureusement, parce que l’amour seul ne suffit pas à faire naître le désir. Si les hommes, pour la majorité d’entre eux, peuvent plus facilement établir une dissociation entre sensations et sentiments, les femmes ont en général davantage besoin d’un climat affectif et sensuel sécurisant. Mais certaines peuvent toutefois trouver plus facile de s’abandonner avec un partenaire occasionnel plutôt qu’avec un conjoint qui pourrait s’étonner d’une audace soudaine. Ne pas craindre d’être « moralement » jugée peut faciliter le plaisir.

                                    

Blocage : la frigidité, c’est rare


Si la frigidité signe l’absence de désir et de sensualité, l’anorgasmie, plus fréquente, se limite à un blocage de l’extase. Nuance d’importance.
A 28 ans, j’éprouvais une satisfaction certaine avec mes partenaires, mais je n’avais jamais connu l’orgasme, se souvient Lucia. Je ne m’en plaignais pas, convaincue que ma mère était pareille. Or un jour, alors que nous parlions des rapports homme-femme, à mon grand étonnement, elle a eu ces mots : “Si un homme reste assez longtemps à l’intérieur, forcément le plaisir vient.” Cette phrase a provoqué un déclic, une sorte de libération. "
Si pour les hommes, l’explosion orgastique est une donnée naturelle, rien de semblable chez les femmes. Le vagin, contrairement au pénis, est peu sensible. "C’est essentiellement le contexte émotionnel qui déclenche le plaisir : l’idée d’être désirée, pénétrée par un homme aimé, observe Françoise Goupil-Rousseau, gynécologue et psychothérapeute. Et, à la vérité, avant la jouissance, les femmes orgasmiques ne ressentent pas plus de plaisir physique que celles qui n’y parviennent pas. Pour toutes, durant le coït, les voies de la sensibilité remontent jusqu’au cortex cérébral. Mais certaines auront un orgasme et d’autres non. On ne sait pas très bien pourquoi."

Une privation inconsciente

Chez les très jeunes femmes, l’anorgasmie vaginale est la norme. Si celle-ci perdure à la maturité, les spécialistes se refusent à la considérer comme une pathologie, sauf dans des cas extrêmes où l’acmé du plaisir ne peut jamais être atteint, même au moyen de la masturbation. Alors seulement, on parle de frigidité qui, à l’inverse de l’anorgasmie, se caractérise par une inhibition du désir et concerne la vie sexuelle dans sa globalité. Le plus souvent, il s’agit d’une privation inconsciente – la personne s’interdit de désirer, de ressentir – liée à la culpabilité ou à une honte transmise par l’éducation.
En fait, pour toute femme, l’accès à la petite mort reste toujours très fragile. Un événement déprimant ou entamant l’estime de soi – séparation, deuil, licenciement, découverte de l’infidélité du partenaire, notamment – est susceptible de provoquer une anorgasmie transitoire. C’est le cas également lorsqu’un malaise surgit dans le couple, et que la femme, malheureuse, ne parvient pas à exprimer sa souffrance avec des mots. « Si la situation perdure, l’anorgasmie peut être utilisée par l’inconscient féminin comme une vengeance contre le responsable supposé de la situation », affirme la psychanalyste Catherine Muller. Frustrée dans sa vie, la femme punit l’homme dans sa sexualité pour qu’il le soit lui aussi.

Le poids de l’enfance

Lorsqu’elle est permanente, et sans motif apparent, « l’anorgasmie doit être décryptée comme un symptôme renvoyant à une problématique individuelle inconsciente », déclare la psychanalyste Janine Revel. Pour l’une, elle exprimera le désir enfoui de ressembler à une mère « virginale » idéalisée, pour l’autre, elle résultera d’une fidélité inconsciente à son père. « Je rencontrais toujours des hommes ayant des problèmes sexuels et avec lesquels je n’arrivais jamais à l’orgasme, explique Aude. Jusqu’à ce que ma mère m’avoue que, depuis mes jeunes années, l’abus d’alcool avait rendu mon père impuissant ! »
Souvent aussi, l’anorgasmie est la conséquence d’un rapport exécrable à son propre corps remontant à l’enfance. « Je me suis toujours vue froide, pas aimable, raconte Sonia. J’étais complexée par rapport à ma jeune sœur, la préférée de mon père, que l’on disait plus jolie, plus féminine que moi. Très tôt, avant l’adolescence, je me suis sentie désincarnée. Aujourd’hui, je ne me maquille jamais et je ne vois aucun intérêt à m’habiller. Au lit avec un homme, je me sens en trop, pas à ma place, je suis glaciale. » Est-ce un hasard ? Sonia travaille dans la congélation !
Dans certains cas rares, une femme peut être bloquée physiquement et émotionnellement au point de « passer à côté » de l’orgasme. Son corps jouit sans qu’elle éprouve la moindre sensation de plénitude, comme certaines personnes sont incapables de ressentir la faim, la soif ou le froid. Selon Janine Revel, ce phénomène résulte d’une éducation trop dirigiste, qui n’a pas permis à la personne de s’approprier réellement son corps.

Le refus d’être un réceptacle

Toutes les femmes réfractaires à l’orgasme ne sont pas encombrées par leur enveloppe charnelle ; certaines dégagent même une sensualité torride. Toutefois, elles ont en commun de refuser, plus ou moins consciemment, d’assumer dans la relation sexuelle une position féminine qui consiste à être le réceptacle de l’homme, à se faire « gaine » pour l’accueillir. « Longtemps j’ai eu l’impression qu’avoir un orgasme me ferait tomber dans un statut de “chose” de l’homme, raconte Noëlle. Je ressentais du bien-être mais je préférais rester “moi”, garder mon self-control, être spectatrice du plaisir de l’autre. »
« De nombreuses femmes supportent plutôt bien l’absence d’orgasme, constate Janine Revel. Selon Lacan, ce phénomène tient au fait que le plaisir féminin ne se limite pas à une jouissance d’organe comme chez l’homme, qui jouit de son pénis. Elles ont, de surcroît, accès à un autre type de satisfaction, propre à la sexuation féminine et qui englobe l’intégralité de leur être. » « Cette jouissance-là n’est pas commandée par le phallus, écrit la psychanalyste Catherine Lazarus-Matet, dans L’Autre Sexe. Elle peut être provoquée par l’attente amoureuse, l’élan passionné, davantage que par l’acte sexuel. D’ailleurs pour de nombreuses femmes, il est plus excitant de s’abandonner à la passion absolue que de s’abandonner physiquement et psychiquement dans la relation sexuelle. » Il ne s’agit pas d’une peur de la sexualité, mais plutôt d’une recherche d’absolu, d’amour idéal, que le sexe ne saurait combler entièrement.

Un plus culturel

« Une femme sur deux atteint l’orgasme lors d’un rapport sexuel complet », affirme Jacques Waynberg, psychothérapeute et sexologue, expliquant ces chiffres par notre héritage biologique. « Le génome humain ne diffère de celui du singe que de 1 %. Tout comme la sexualité animale, celle des humains a d’abord un but reproductif. Ainsi, si l’éjaculation, pourvoyeuse de spermatozoïdes, est nécessaire, l’orgasme féminin, lui, ne l’est pas. C’est un plus culturel, lié à l’invention de l’érotisme. »
Une femme qui ne jouit pas n’est donc pas anormale : elle manque seulement d’expérience. « Pour y arriver, il lui faut acquérir une idée plus précise de son schéma corporel, par la masturbation par exemple, ajoute Jacques Waynberg. Et se laisser aller à ses fantasmes, qui activent le désir.
Passer du bien-être sexuel à l’orgasme s’apprend, comme on apprend à chanter en travaillant sa voix. » « S’imaginer qu’il “faut” impérativement avoir des orgasmes est la meilleure façon de provoquer un blocage en profondeur, doublé d’une bonne déprime, affirme Janine Revel. Si la situation est cause de souffrance, il faut s’interroger sur ce qui cloche. Et travailler sur soi avec un thérapeute. » « Quand l’anorgasmie résulte d’une mauvaise communication dans le couple, il est nécessaire de la rétablir à deux », considère Catherine Muller. En consultant des livres, en assistant à des conférences et, surtout, en se parlant franchement. Mais, avant tout, « il faut accepter l’idée que l’orgasme n’a rien d’automatique, affirme la journaliste américaine Tracey Cox dans Hot Sex (Marabout). Vous ne risquez donc pas d’en avoir quand vous faites votre repassage !

L’imprenable forteresse

Deux troubles physiques peuvent empêcher les femmes d’éprouver l’orgasme vaginal.
• Le vaginisme se traduit par un resserrement des muscles de l’entrée du vagin, qui le transforme en forteresse imprenable. « En l’absence de malformation physique, les causes du vaginisme sont la peur de l’homme perçu comme dangereux, l’angoisse de la pénétration qui risque de faire saigner, les tabous intégrés dans l’enfance », explique Françoise Goupil-Rousseau, gynécologue et psychothérapeute. Pour en guérir, les thérapies comportementales marchent très bien, surtout si le partenaire participe en assumant le rôle d’un cothérapeute apaisant et patient. Curieusement, « les femmes vaginiques se révèlent généralement orgasmiques ».
• La dyspareunie se manifeste par des douleurs durant le coït. « Très souvent, elle résulte d’un léger vaginisme qui incite la femme à trop contracter ses muscles vaginaux. » C’est trop serré, donc ça fait mal ! En fait, la femme dyspareunique perçoit comme désagréables et angoissantes les sensations physiques du coït, ressenties comme plaisantes par les autres. « On soigne la dyspareunie par des méthodes de relaxation, en rassurant la personne, en lui conseillant d’utiliser des lubrifiants, en s’efforçant d’améliorer la communication dans le couple. »
                                

Jouir avec ou sans orgasme


L’orgasme est l’acmé supposé du plaisir. La jouissance, elle, parle d’abandon, d’émotion, de capacité à se laisser aller à l’autre, à ses sens, à ses fantasmes. Elle englobe l’être dans son entier.
Plus qu’une invitation, jouir est aujourd’hui un diktat et l’orgasme, un sésame permettant d’accéder au septième ciel. Si le mot a longtemps été banni de notre vocabulaire pour cause de puritanisme judéo-chrétien, la révolution sexuelle des années 70 l’a sacralisé et banalisé. Au point qu’aujourd’hui il émaille sans complexes les dialogues de sitcoms branchés – “Ally McBeal” ou “Sex and the City” – et fait régulièrement la une des magazines.
Comment multiplier, intensifier les orgasmes ? Les variations autour du même thème foisonnent dans la presse et dans les ouvrages pratiques. Défini comme le point culminant du plaisir, l’orgasme est toujours considéré comme l’aboutissement incontournable de l’échange. Pourtant, et les sexologues sont unanimes, il y a danger à en faire la seule finalité. Car s’il ne peut y avoir jouissance complète sans orgasme, l’orgasme seul ne garantit pas la qualité et l’intensité d’une relation sexuelle.
Paradoxale et complexe, la jouissance ne saurait être réduite à une simple équation. Vaste et puissante, elle dépasse les limites du plaisir sexuel. C’est l’être tout entier qu’elle englobe, ses sens, son imaginaire, son affect.

L’orgasme : un aboutissement, pas une finalité

« Au début de ma vie sexuelle, une relation sans orgasme était impensable, raconte Maryse, 44 ans. J’étais féministe militante, et l’orgasme était carrément une revendication politique après des siècles d’oppression de la sexualité féminine. C’est avec le temps et une autre conception des relations homme-femme que j’ai changé de sexualité. Aujourd’hui, je privilégie la qualité de la relation érotique. La variété des caresses, l’imaginaire, les fantasmes sont primordiaux. Je ne cours plus après l’orgasme qui, cela dit, vient plus facilement maintenant. »
Pour les sexologues, c’est cette course qui empêche la relation sexuelle de s’exprimer pleinement. « Lorsqu’on se fixe un but en matière de sexualité, on risque fort de passer à côté du plaisir, rappelle le sexologue Gérard Leleu, auteur du Jardin des caresses(Flammarion). Quand seul le mental est aux commandes, il bride le corps et les émotions. »
Antoine, 43 ans, se souvient de l’angoisse qui accompagnait toutes ses relations sexuelles. La crainte de ne pas donner suffisamment de plaisir à sa partenaire l’empêchait d’être entièrement présent dans la relation. « Je guettais sa moindre réaction, j’avais peur de ne pas être à la hauteur, et si elle ne manifestait pas bruyamment son plaisir, j’en déduisais que j’étais passé à côté. Je ne suis pas encore débarrassé de cette crainte, mais je la gère mieux, je suis moins à l’affût et, l’expérience aidant, je suis plus sûr de mes compétences. »
C’est dans les premières années de la vie sexuelle que l’orgasme occupe la position centrale de la relation et qu’il est considéré comme le baromètre d’un rapport sexuel réussi. Une connaissance de soi et de l’autre insuffisante fait que le plaisir est souvent très aléatoire pour les femmes et difficilement contrôlable pour les hommes. « Lorsque j’avais 20 ans, se souvient Eric, qui en a aujourd’hui 36, j’étais très égoïste, comme la plupart de mes copains. Seul mon plaisir comptait, j’étais plus chasseur qu’amant. Aujourd’hui, jouir sans me soucier du plaisir de ma partenaire me semble impensable, au point que je peux jouir du plaisir que je lui donne. »

Hommes et femmes, des enjeux différents

Selon les sexologues, la génération d’après-68 a, dans son ensemble, intégré la notion d’échange du plaisir, même si le désir d’orgasme pour soi et pour l’autre reste le but premier de la relation sexuelle. Dans le rapport Spira (In La Sexualité aux temps du sida (Puf, 1998), lire chapitre du sociologue Michel Bozon), une étude sur la sexualité des Français, le sexologue et sociologue André Béjin rappelle que, si la notion des échanges d’orgasmes entre femmes et hommes demeure la norme, elle reste néanmoins plus présente chez ces derniers.
Ce qui ne signifie évidemment pas que les femmes ne sont pas à recherche de l’orgasme au cours du rapport sexuel. Mais leur rapport au plaisir est différent : elles seraient naturellement plus axées sur la jouissance, et leur notion du plaisir serait plus difficilement dissociable du climat sensuel et affectif de la relation sexuelle. « Si une femme ne connaît pas l’orgasme au cours du rapport, mais que la relation a été vécue sensuellement et émotionnellement comme gratifiante, elle ne sera pas ressentie comme un échec », explique Gérard Leleu. Contrairement à une large majorité d’hommes, pour qui éjaculation et orgasme restent une finalité et l’expression d’un rapport sexuel réussi. Toujours dans le rapport Spira, on apprend que les femmes seraient moins nombreuses que les hommes, à toutes les étapes de la vie en couple, à dire qu’elles ont eu un orgasme au cours de leur dernier rapport. Et seules 35 % d’entre elles déclarent avoir eu un orgasme au cours de chaque rapport sexuel.
« Faire l’amour est quelquefois plus sensuel que sexuel, ou l’inverse, confie Françoise, 36 ans. J’apprécie les deux. Ce n’est pas la même jouissance. On ne réagit jamais de la même façon, ni dans son corps ni dans sa tête. J’ai connu des orgasmes très violents, mais que je vivais seulement sur le plan physique, et des moments de pure sensualité, sans “pic” de plaisir mais qui m’ont bouleversée. »
Si on peut compter les orgasmes ou comparer leur intensité, la jouissance, elle, est plus subjective. Elle parle d’abandon, d’émotions, de capacité à se laisser aller à l’autre, à ses fantasmes et à ses sens. La magie de la jouissance réside, pour les hommes comme pour les femmes, dans l’incessante fluctuation entre désir et plaisir. Dans cet échange intime, à l’alchimie mouvante et complexe, un geste, un mot ou un regard ont le pouvoir de relancer le désir au cœur même du plaisir. « Lorsque mon amant me lèche le ventre, ça peut être beaucoup plus fort qu’un orgasme génital, dit Anna, 37 ans. Je peux jouir de mille façons. Avec ou sans orgasmes. L’essentiel est que je me sente touchée dans ce que j’ai de plus intime. »

La jouissance : un plaisir hors limites

Les sexologues ne se lassent pas de répéter que le cerveau est notre principal organe sexuel. Sans la sollicitation du vécu et des émotions qu’il a engrangées, le plaisir est condamné à rester enfermé dans ses limites corporelles.
Au-delà des différences physiologiques et psychologiques entre hommes et femmes, la jouissance exige un climat particulier fait de désir, de confiance et de respect. Impossible de s’abandonner dès lors que l’on s’attache trop au plaisir de son partenaire ou au sien propre : on réduit immanquablement l’autre à un objet de plaisir, ou soi-même, à un objet narcissique. « Pour qu’il y ait jouissance, il faut que j’aime et que je me sente aimée, explique Ericka, 33 ans. Même si ça ne dure que le temps de l’échange. Je ne peux pas envisager d’avoir du plaisir sans aimer le regard, les gestes, le corps de l’homme avec qui je fais l’amour. Sans cela, il n’y a pas pour moi de jouissance possible. »
S’il est vrai que les seuls sentiments ne suffisent pas à intensifier l’échange, lorsque sensualité, imaginaire érotique et affects sont réunis, le plaisir peut atteindre une autre dimension. Il n’est plus réduit à un réflexe mécanique, il peut devenir une expérience qui dépasse les limites corporelles. Cette plénitude dans la jouissance, Gérard Leleu n’hésite pas à la qualifier de « transcendante », au sens premier du terme : « Quand le plaisir s’inscrit dans une relation de partage et d’amour, de connaissance de soi et de l’autre, c’est l’être tout entier qui décolle. D’abord parce que, physiologiquement, on baigne dans un flot d’endomorphines, des molécules euphorisantes, et psychiquement, parce qu’on se sent vraiment en communion avec son partenaire. »
Jeanne, 39 ans, a attendu l’âge de 35 ans pour découvrir ce qu’elle appelle le « plaisir total ». « J’ai eu du plaisir sexuel au cours de mes relations, mais je ne savais pas que je pourrais un jour connaître des émotions et des sensations d’une telle intensité. Même au niveau purement physique. Il faut dire que c’est la première fois que je réunis dans une même relation passion physique et amour. Je me connais mieux, c’est un fait, mais ce que je vis avec Henri me permet de repousser chaque fois les limites du plaisir. »
Il y a une graduation dans le plaisir. On peut rester éternellement cantonné à un niveau ou choisir d’aller plus loin, plus haut. A condition de sortir de la quête de performance et en libérant ses émotions. Ce lâcher-prise dans la confiance allège les hommes des angoisses liées à leur érection et favorise une sensualité inventive qui permet aux femmes de se laisser aller pleinement à leur désir, à leur plaisir. On sait que les amants les plus sensuels, les plus inventifs, sont ceux qui explorent avec curiosité et virtuosité toute la gamme des sens et des fantasmes. Pour eux, l’essentiel n’est pas la quête de l’orgasme, mais la jouissance déclinée à l’infini dans la tête et le corps.

Orgasme simultanné : Un cadeau, pas un but

On croyait ce fantasme réservé aux films érotiques. A tort ! Le mythe de l’orgasme simultané est tenace, partagé aussi bien par la population féminine que masculine. S’il survient plus fréquemment dans les couples se connaissant bien et pouvant « se caler » assez facilement l’un sur l’autre, il peut aussi être déclenché par les manifestations de l’approche de l’orgasme de l’autre. Mais, parce qu’il exige de l’homme le contrôle de son érection et de son éjaculation, cet orgasme est souvent plus fantasmé que vécu.
C’est pourquoi dans la pratique, cet idéal de partage de la jouissance peut tourner à la course contre la montre. « Rechercher systématiquement l’orgasme simultané est une erreur, explique Jean-Luc Thoréton, sexologue. Cette démarche donne la priorité au contrôle, donc coupe l’individu de son ressenti corporel et émotionnel. »
Partager le point culminant du plaisir exige que chacun accorde son rythme à celui de l’autre. « Or, pour atteindre l’orgasme, c’est son propre rythme que l’on doit suivre, et non celui de son partenaire », poursuit le sexologue. Un avis partagé par Sylvain Mimoun, andrologue et gynécologue, qui « conseille de vivre l’orgasme simultané comme un cadeau et non d’en faire la mesure étalon d’un rapport sexuel réussi »
                                                

Orgasme, en avoir ou pas ?


Alain Héril est psychothérapeute et sexothérapeute. Il était notre invité lors d'un Chat consacré à l'orgasme. Voici les principaux points qu'il a évoqués avec vous concernant la jouissance sexuelle.
Est ce que l'orgasme est le même pour toutes ? Procure-t-il les mêmes sensations à toutes les femmes ?
Alain Héril : L'orgasme n'est pas le même pour toutes et heureusement ! Sinon cela voudrait dire que chaque femme fonctionne de la même manière que les autres. Les sensations sont différentes de l'une à l'autre et chaque moment sexuel a sa particularité. On peut même dire que nous avons plusieurs types de sexualité et que nous mettons un mode de fonctionnement plus en avant qu'un autre en fonction du partenaire, de l'humeur, de l'environnement...
Même quand le désir est là et que le partenaire est parfait, pourquoi est-il parfois impossible d'atteindre l'orgasme ?
Alain Héril : Pourquoi faudrait-il atteindre l'orgasme à chaque relation sexuelle ? Ce n'est pas une course, ni une épreuve... Parfois, un moment sexuel sans orgasme est plus puissant qu'une relation sexuelle avec un orgasme mécanique et sans âme... Ce qui est important dans la sexualité, c'est la recherche de la diversité. Diversité dans le temps du rapport, diversité dans les jeux sexuels, diversité dans les moments de la journée... C'est un moment de créativité pas une finale olympique !
Existe-t-il une méthode infaillible qui amène à la jouissance ?
Alain Héril : Non il n'y a pas de méthode infaillible ! N'oubliez pas que l'acte sexuel est une question de rencontre. Nous ne sommes pas essentiellement des "machines à jouir", mais aussi des êtres d'émotions. Plus la rencontre et l'échange sont forts, plus on se donne la possibilité d'une "aventure orgasmique" forte.

Peut-on avoir des orgasmes sans être amoureux de son partenaire ?
Alain Héril : Oui, on peut avoir des orgasmes sans être amoureux. On peut aussi en avoir en étant amoureux ! Tout dépend de comment on s'engage dans une relation sexuelle et de ce que l'on en attend que celle-ci soit furtive, provisoire ou avec un compagnon officiel.
Que pouvez-vous nous dire sur le point G ?
Alain Héril : J'ai longtemps été sceptique quant au point G. Mais je dois reconnaître que c'est bien une partie existante de l'anatomie intime de la femme. Ceci étant, il n'a pas la même superficie d'une femme à l'autre et il ne réagit pas toujours de la même façon ! Nous ne sommes pas des robots mais des êtres faits de sensibilité et d'émotion et cela joue même dans l'utilisation du point G. Pour savoir où il se situe, je vous renvoie aux livres écrits sur le sujet. En général c'est assez bien expliqué.
Combien de temps faut il pour atteindre l’orgasme ?
Alain Héril : Il n'y a pas de règle ! Un orgasme peut s'atteindre en un minute comme arriver au bout d'une demi-heure et ce n'est pas le temps qu'il met à venir qui détermine son intensité. Nous ne sommes pas une "mécanique" sexuelle mais faits de sensibilité, de sensations et d'émotions... et l'orgasme est une émotion majeure !
                                                

Qu’est-ce qui déclenche l’orgasme ?


Imprévisible et fragile, la jouissance féminine est plus mystérieuse que celle de l’homme. Moins « mécanique », elle est soumise à de nombreux paramètres émotionnels qui peuvent la bloquer. Estime de soi, lâcher-prise, confiance en l’autre… Voici des clés pour mieux s’abandonner.
Rapide ou lent, intense ou fortuit, aisé ou laborieux… L’orgasme féminin est une jouissance fragile, imprévisible, qui surgit alors qu’on ne l’attend pas ou s’éclipse en dépit de prémices prometteuses. Pourquoi est-il plus difficile pour les femmes que pour les hommes ? Parce que les inquiétudes des hommes reposent davantage sur le désir que sur le plaisir : non pas « vais-je jouir ? », mais « vais-je bander ? ». Les femmes savent, elles, que leur plaisir est indépendant de leur désir. Pour autant, loin des recettes faciles, on peut tenter d’en comprendre et d’en lever les blocages.

L’estime de soi

Cette confiance en soi qui aide à mieux vivre au quotidien est essentielle dans l’accès à l’orgasme féminin. En matière de sexualité, elle passe par la confiance en son corps, en l’image qu’il renvoie. Rien à voir avec un corps parfait : au contraire, l’obsession de la perfection peut créer un conflit intérieur, comme la peur de se montrer nue, le refus d’être caressée à certains endroits ou le contrôle de son image pendant l’amour… Les mensurations, la forme des seins ou la grosseur des cuisses n’ont rien à voir avec la certitude intime que le corps possède la capacité de donner et de recevoir du plaisir.
Posséder ce sentiment intime de sécurité, c’est cesser de penser l’orgasme en termes de challenge, apprendre à jouir à son rythme, ne pas se focaliser sur le plaisir du partenaire, ne pas attendre que le nôtre soit exclusivement dépendant du sien; c’est, enfin, accepter que l’orgasme soit l’expression naturelle d’une jouissance sexuelle qui n’appartient qu’à soi. Avoir confiance en soi, c’est encore échapper au regard culpabilisant des siècles passés – « Les femmes honnêtes n’ont pas de plaisir » – et aux injonctions implicites du nôtre – « Jouissance obligatoire et dans toutes les positions ». Personne ne sait mieux que chaque femme avec qui, quand et comment elle a envie de faire l’amour. « Jouir plus que le voisin, fantasmer plus que son collègue ou avoir plus d’amants que sa copine ne peut nous mener qu’à une impasse », résume le sexothérapeute Alain Héril.

Le lâcher-prise

Pour beaucoup de femmes, le plaisir est inquiétant – psychiquement, la pénétration n’est jamais anodine. Elles ne cessent d’alterner entre envie du pénis et peur de l’intrusion. Selon les jours, selon les moments, ces deux sentiments se succèdent. « Si le plaisir est attendu et même revendiqué, avance la psychanalyste Catherine Blanc (auteure de La sexualité des femmes n’est pas celle des magazines (La Martinière, 2004)), il continue à inquiéter l’inconscient des femmes, car elles peuvent avoir peur de l’envahissement et douter de leur capacité à accueillir le sexe de l’homme. »
À cette inquiétude s’ajoute celle d’être submergée, emportée par l’orgasme, que l’on ne dénomme pas pour rien « petite mort ». Ce plaisir ne risque-t-il pas de les engloutir ? Pourquoi ne parviennent-elles pas à se laisser aller à écouter cette petite voix qui les guide vers l’orgasme ? Parce qu’elles craignent que cette voix ne dévoile des choses pas très agréables sur elles-mêmes, un peu dégoûtantes, même ? Ou qu’elle leur fasse prononcer des obscénités qui sortiraient de leur bouche tels les crapauds s’échappant des lèvres des méchantes filles dans les contes ? Les femmes ont peur de découvrir que leur plaisir est infidèle à ce qu’elles croient et voudraient être. Lâcher ces peurs inconscientes est possible quand le cerveau peut déconnecter en vue de se concentrer sur les sensations ressenties.

La confiance en l’autre

Partenaire de vie ou rencontre d’un soir, la condition nécessaire à l’orgasme est la confiance. Car l’autre, homme ou femme, a le pouvoir extraordinaire d’inhiber ou de libérer. Pour le sexologue Jean-Michel Fitremann, auteur d’ABC de la sexualité (Grancher, 2002), « le bon partenaire est celui qui ne nous met pas en danger. Il est connecté à son désir et à celui de son partenaire, il n’a ni plan ni arrière-pensée, il laisse un espace suffisant pour une création commune ». Avec lui, rien ne semble ridicule, déplacé, répétitif ou dégradant.
Faire confiance à l’autre, c’est, une fois encore, sortir des normes imposées pour s’accompagner l’un l’autre et nourrir un dialogue émotionnel qui passe par les corps. C’est aussi cesser de porter un regard sur son plaisir : « Se laisser envahir par des pseudo-savoirs du type “les hommes aiment les fellations” enlève toute chance de se rencontrer et de rencontrer l’autre, assure la psychanalyste Sophie Cadalen, auteure de Rêves de femmes : faut-il oser les fantasmes ? (Leduc.s Éditions, 2005). Mieux vaut oublier tout ça, le plaisir n’est jamais là où les lieux communs l’attendent. » Qu’est-ce que j’aime, moi ? De quoi ai-je envie, moi ? sont les seules questions à se poser.

Des fantasmes

Faire l’amour à plusieurs, dans une église, sur une plage ensoleillée… Pour parvenir à l’acmé du plaisir, nous avons tous besoin de ces petits films intérieurs excitants qui alimentent le désir. Les scénarios les plus fréquents et, selon les psychanalystes freudiens, les plus efficaces mettent en scène des situations de domination ou d’humiliation. Pour l’homme, être manipulé par une femme experte (ou, à l’inverse, dominer une pure jeune fille). Pour la femme, être prise de force.
C’est également le constat de Claude Crépault, professeur de sexologie à l’université du Québec, au Canada. Il ne s’agit pas de masochisme, plutôt de mises en scène permettant de dire : « Je ne suis en rien responsable du plaisir que je prends, je subis le désir de l’autre. » D’après l’expert canadien, ces fantasmes sont les « plus archaïques qui soient ». Ils seraient des restes transformés de la sexualité infantile, où le désir de l’enfant se dirige vers son père ou sa mère, personnages dont il dépend et à qui il doit obéir.
Nos fantasmes les plus intimes ne donnent jamais une bonne image de nous. Ils constituent notre côté pervers, selon les freudiens. Pourtant, contrairement aux vrais pervers qui ont besoin de les mettre en acte pour jouir, les gens dits « normaux » se satisfont presque toujours de leurs rêveries érotiques, solitaires ou partagées avec le partenaire. « Rien ne risque autant de s’effondrer qu’un désir réalisé. Le réel banalise le désir. Il le vide de sa magie », écrit Claude Crépault. Vivre dans le présent, le concret, est peut-être une clé pour mieux vivre le quotidien, mais ce n’est pas la voie royale vers l’orgasme.

L’acceptation

L’orgasme est imprévisible, voire inattendu. Et il faut accepter que le plaisir soit au rendez-vous. Ou pas… « On trouve dans l’acte sexuel des sensations uniques qui n’attendent pas l’orgasme pour exister », rassure Catherine Blanc. Du ventre maternel, nous conservons le souvenir des mouvements de notre corps contre la paroi utérine. Le toucher des gestes amoureux nous renvoie à ce temps de douceur dans le contact des peaux. L’acte sexuel est un moment sublime d’incarnation des émotions. À cet instant, nous semblons n’être que sensations : des frissons, de la tension, de la détente, voire des pleurs ou des rires. « L’orgasme, poursuit Catherine Blanc, ces quelques secondes de plaisir intense, n’est que l’aboutissement de tout ça. Nous devenons émotion, et là réside la jouissance. »
L’orgasme est une danse intérieure qui, pour beaucoup de femmes, n’est donnée qu’avec le temps, celui dont elles ont besoin pour se laisser aller, entrer dans l’intimité de leurs sensations, de leurs envies, de leur désir. Découvrir une dimension nouvelle de soi, laisser son corps prendre les commandes, exprimer librement sa part animale, mais aussi cultiver le jardin de ses sens et de ses fantasmes…
Accéder à la jouissance exige que l’on dépasse la connaissance superficielle et confortable que l’on a de sa sexualité pour prendre le risque de la découverte. « Nous recevons à l’adolescence un capital sexuel, mais pour en jouir de manière enrichissante, élaborée, c’est-à-dire de manière non répétitive, il va falloir l’affiner, le développer, explique le psychanalyste Gérard Bonnet, auteur de L’Irrésistible Pouvoir du sexe (Payot, 2001). C’est le travail de toute une vie. Un travail qui demande de la curiosité et de la créativité, et que l’on fait à deux. »
Se connaître pour mieux se surprendre, telle pourrait être la devise de ceux qui ne se contentent pas d’une jouissance mécanique. « La dimension ludique de la sexualité est essentielle », affirme Mireille Bonierbale, auteure, avec Nadine Grafeille et Marie Chevret-Measson, des Cinq Sens et l’Amour (Robert Laffont, 1983), médecin et sexologue. Et jouer, c’est accepter les hauts et les bas de la rencontre sexuelle. Parfois merveilleuse, parfois moins. Dans la sexualité, se fixer un but c’est partir sur une mauvaise route. Il faut accepter que s’exprime cette part de nous-même qui nous échappe.

Clitoridien ou vaginal ?

L’un n’est pas plus « adulte », supérieur à l’autre, bien que la lecture de certains essais de psychanalyse laisse croire le contraire. S’ils sont bien distincts, c’est qu’ils renvoient à des situations fantasmatiques différentes. L’orgasme clitoridien renvoie à une vision de soi phallique, active – symboliquement, le clitoris est un équivalent pénien. Il rappelle la bisexualité psychique innée de l’être humain repérée par Freud chez les enfants des deux sexes. Il peut d’ailleurs se produire dès la petite enfance, alors que la fillette, sauf en cas d’abus sexuel, ignore l’existence de son vagin. Il est « rapide, libérateur et s’inscrit dans un registre pulsionnel ».
L’orgasme vaginal, nous dit le père de la psychanalyse, exige le consentement au don de soi et la découverte de cette « passivité active » caractéristique de la sexualité féminine. Il a pu écrire, maladroitement, en 1922, qu’il signe la maturité sexuelle de la femme. Grâce à la libération progressive de la parole féminine sur la sexualité, les sexologues modernes constatent que presque toutes les femmes parviennent à obtenir un orgasme clitoridien, ne serait-ce qu’en se masturbant. En revanche, un tiers seulement accéderait à l’orgasme vaginal.
                                        

Le but, c'est l'orgasme


L’idée reçue. Malgré l’abondance d’informations sur la sexualité, nous sommes encore victimes de préjugés qui peuvent compliquer notre vie sexuelle. Chaque mois, Catherine Blanc, sexologue et psychanalyste, remet à sa place l’une de ces croyances.
Comment ne pas inviter hommes et femmes à s’abandonner à cette délicieuse et troublante aventure qu’est l’orgasme, à ce merveilleux élan de liberté tant physique que psychique ? Pourtant, quand l’orgasme devient non pas un aboutissement mais un but à atteindre, une performance à accomplir pour se rassurer ou pour plaire, toutes les conditions sont réunies pour « rater le coche » ! Et alors ?

Avant de parler d’orgasme, est-ce qu’il n’est pas important de mesurer à quel point la sexualité est un moment de complicité et de plaisirs au pluriel ? Qu’il s’agisse d’une rencontre sexuelle d’un soir ou d’un long parcours amoureux, que les amants aient pris le temps de se connaître ou qu’ils ne comptent que sur leur désir réciproque, on trouve dans l’acte sexuel des sensations uniques qui n’attendent pas l’orgasme pour exister.

Peau contre peau

Du ventre maternel, nous gardons le souvenir des mouvements de notre corps contre la paroi utérine. Le toucher des gestes amoureux nous renvoie à ce temps de douceur dans le contact des peaux. Dans le plaisir de s’approprier le corps de l’autre, d’être à la fois celui qui se donne et celui qui prend le corps, on retrouve ce côté contenant-contenu des premiers temps de notre vie fœtale. C’est aussi la rencontre de deux histoires, à l’origine des libertés et des inhibitions des corps, que la sexualité vient bousculer, proposant des possibilités soudaines, et d’autant plus précieuses qu’elles sont souvent fugaces.

Ton corps, mon objet

Mais dans la gamme des plaisirs, on compte également la notion de pouvoir. Masculin ou féminin, le corps de l’autre est mon objet, à moi, à cet instant. Il n’y a que dans l’amour que l’on puisse ressentir que l’autre nous appartient. Je m’offre à lui et je me soumets à sa toute-puissance, celle de me troubler, de m’exciter, de me faire rêver. Si je ne lui demande qu’un orgasme, je le réduis à une sorte de machine à jouir, de godemiché amélioré.

Devenons émotions

Car l’acte sexuel est un moment sublime d’incarnation des émotions. A cet instant, nous ne manifestons pas nos émotions par des mots mais par des sensations : le frisson, la tension, la détente, voire le rire ou les pleurs. L’orgasme, ces quelques secondes de plaisir intense, n’est que l’aboutissement de tout ça, l’écho de tout ce qui a préexisté. Nous devenons émotion. Et là réside la jouissance. L’orgasme est un formidable voyage, pas une simple destination.

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