Mode De Vie

Couple : nous partons en vacances séparément


Ils sont en couple, mais ils s’offrent chaque année au moins une semaine de vacances sans leur partenaire. Pourquoi ce besoin de s’évader séparément ? Eléments de réponse avec des adeptes de vacances en solo.
Cette semaine de vacances, Linda, la cinquantaine, l’attend chaque année avec impatience. Huit jours durant lesquels elle part seule, laissant derrière elle ses cinq enfants, et surtout son conjoint, dont elle partage la vie depuis plus de trente ans. Au programme : « quelques jours en thalassothérapie, une visite au musée ou à une parente éloignée. Les activités qui me font plaisir », résume-t-elle.
Des vacances en solo qui n’ont pas manqué de susciter l’étonnement de son entourage. « Autour de moi, certains ont même supposé que nous avions des problèmes de couple ! Alors que cette période nous permet juste de réfléchir à nous. L’an dernier, mon conjoint a fait de même et il a été étonné du bien que cela lui avait fait. Nous avons d’autant plus apprécié nos retrouvailles. » À l’instar de Linda et de son compagnon, nombreux sont les couples qui décident de partir en vacances séparément. Quelques jours, une semaine, voire plus… Une bonne occasion de rompre la routine conjugale et de se retrouver en tête-à-tête… avec soi-même.

Sortir de la routine

Dès que l’opportunité s’offre à lui, Sébastien, 30 ans, en couple depuis deux ans avec Florence, en profite pour s’octroyer une semaine de vacances entre amis. « Cela fait du bien de se retrouver entre hommes, et de rompre le train-train quotidien de la vie à deux », explique-t-il. Dans son cas, avec un séjour bien plus sportif et festif que ceux qu’il peut passer en compagnie de Florence.
Vacances culturelles, sportives, ou placées sous l’égide du farniente… A chacun ses aspirations, qui ne sont pas forcément les mêmes pour les deux partenaires, d’où l’avantage des vacances séparées. Mais celles-ci répondent aussi à un besoin plus profond, comme l’analyse Sylvie Tenenbaum, psychothérapeute. « Quand on vit à deux, on a tendance à s’oublier, à se perdre un peu. Il faut savoir s’adapter ; on est soumis à des pressions, même si le couple marche bien. Et comme l’autre ne peut de toute façon pas tout nous apporter, certaines envies ne sont pas satisfaites. Alors il est bon, pendant une semaine, de ne plus avoir de contraintes… ». Sortant de ses habitudes, le couple se retrouve ainsi un peu comme à ses débuts : retour à la communication par téléphone, mail, et pourquoi pas par lettre. Absent, l’autre nous manque, et nous ne le désirons que davantage…

Se ressourcer

Pause bénéfique pour le couple, ces vacances loin de l’être aimé le sont également pour soi-même. A 46 ans, Jane est une adepte des vacances en solo. Mariée depuis quinze ans, elle part seule la moitié du temps. « Entre mon mari et moi, c’est fusionnel. Mais quand je pars en vacances, je dois me couper de mon pays, de mon travail, mais aussi de lui. J’en ai besoin pour me reposer, me ressourcer. » Chose que son mari a eu du mal à accepter. « Cela lui a pris des années pour comprendre que je ne cherchais pas à m’enfuir, que ce n’était pas contre lui. »
Selon des croyances bien établies, les vacances riment en effet avec les retrouvailles du couple. Le moment de partager des instants privilégiés, de découvrir de nouveaux endroits, de se détendre, de lâcher prise… Le tout, à deux. Mais pour Sylvie Tenenbaum, les séparations sont nécessaires, que cela soit le temps de vacances ou d’un simple week-end. « C’est un bol d’oxygène indispensable, observe la psychothérapeute. Ce qui ne veut pas dire que la vie de couple soit étouffante, mais que se retrouver seul(e) permet de se lâcher et de profiter de soi, ce que l’on oublie souvent de faire en couple. Au final, c’est se retrouver soi pour ensuite apprécier davantage d’être à deux ».

Retrouver son autonomie

Mais pour certains, partir séparément est tout bonnement inenvisageable. Un manque de confiance en eux à l’idée que l’autre puisse peut-être rencontrer quelqu’un de mieux ? Un manque de confiance en l’autre ? « C’est dommage, avance Sylvie Tenenbaum. Dans un couple, chacun a besoin de s’aimer soi-même, de se connaître et d’exister autrement qu’à travers son partenaire. ».
Un avis partagé par Sarah, 23 ans, en couple depuis six ans. Cet été, elle partira deux semaines avec l’une de ses amies aux Baléares, tandis que son compagnon fera un tour d’Europe entre amis. « Ces couples oublient le ‘Je’ et ne sont que dans le ‘Nous’. En partant sans mon homme, je me sens plus indépendante. Je ne repose plus sur personne, je n’ai plus de comptes à rendre. Je prends plus d’initiatives aussi ». Les vacances séparées, un moyen de prendre de la distance -au sens propre comme au figuré, et de retrouver son autonomie ? Et surtout, un rappel essentiel que l’on peut vivre sans l’autre. Car, comme conclut Sylvie Tenenbaum, « on ne l’aime pas parce que l’on en a besoin. Mais on en a besoin parce qu’on l’aime. »

Témoignage

Véronique, 29 ans, en couple depuis sept ans.
« Voilà sept ans que je file un amour presque parfait avec Julien et six ans que nous vivons côte à côte dans notre petit appartement parisien. C'est un homme terriblement attentionné, gentil, et prévenant. Nous nous entendons à merveille et nous entretenons une relation tour à tour tendre et fusionnelle.
Pourtant, malgré cette entente - presque - parfaite, je ressens tous les ans le même besoin irrépressible de partir en vacances sans lui, au moins une semaine, parfois plus. Cette semaine, je la dédie entièrement à mes amis et surtout à moi-même. Elle est l'occasion de créer une rupture avec le quotidien, de se forcer à faire un point sur nous, notre relation, nos projets (même si tout va bien) et d'en parler avec mes proches. Elle me permet non seulement de me ressourcer mais aussi de réaliser, quand l’autre me manque, la chance qui m’ait donnée.
Mais plus qu'une pause dans le couple, mes vacances seule sont un moyen de me retrouver moi-même. Pendant cette semaine si particulière, je fais des choses différentes, souvent un peu casse-cou, pour me prouver de quoi je suis capable, pour me convaincre que malgré le précieux soutien de l'homme que j'aime, je suis toujours capable d'avancer seule dans la vie et dans la voie que je décide.
Ces vacances me sont simplement indispensables : même si je suis loin de lui, elles me rapprochent de celui que j'aime tout en me rappelant qu'il ne faut pas s'oublier au profit de son couple. »


Les plateaux-télé d'Hélène Darroze
Hélène Darroze, notre « cuisinière des émotions », partage chaque mois avec nous ses recettes les plus personnelles et nous raconte les histoires, les souvenirs, les émotions qui les ont inspirées. Ce mois-ci, son menu pour les "soirées plateaux-télé".
« Les plateaux-télé, c'’est ma façon de casser la routine, mais aussi d’'en faire le moins possible ! L'’idée est de préparer un repas facile et ludique qui se mange avec les doigts et de s’'asseoir sur des coussins autour de la table basse. En petit comité avec mes filles et quelques copains, on s'’installe devant une émission, une série ou un bon film, parfois sans le son pour pouvoir discuter.
Je prépare des soupes comme ici ce velouté de topinambour–, que l’'on peut boire dans une tasse ou à la paille. Nous avons aussi le hot dog à la saucisse de Morteau, qui est un incontournable du brunch du Connaught, à Londres. Mes filles en sont folles, surtout lorsque je l’'accompagne des frites XXL de ma copine Suzy, la marraine de Charlotte. Ce sont des frites “astap (traduire par « à se taper le cul par terre »)”, comme dirait mon oncle Robert ! Suzy a une façon bien à elle de les préparer, en les enveloppant avec de l’'essuie-tout avant et après la cuisson. C’'est un rituel qui les rend dorées, croustillantes et nous fait fondre de plaisir…...
Indispensable devant une bonne série, le dessert dans lequel on peut piocher : les pop-corn aromatisés au caramel et au chocolat amer puis parfumés au piment d’Espelette. Et, pour les plus gourmands, des chouquettes au mascarpone parfumé à la fève tonka : c’'est facile à faire, c'’est bon, et tout le monde adore ! »
                                

La junk food maison

Retrouver le goût et les sensations des aliments gras et sucrés de ses jeunes années, et les fabriquer soi-même avec de bons produits. Notre journaliste a tenté de percer le secret du biscuit industriel de son enfance. Un vrai plaisir régressif, sans culpabilité !
Nutella, Danette, cordons bleus, Granola… se récitent comme une savoureuse comptine au goût d’enfance. Une poignée d’années et quelques enfants plus tard, j’ai appris à lire les étiquettes, et ce que je sais des appellations E160b, sorbitol et autre citrate trisodique m’en a fait passer le goût et l’envie. Il suffit pourtant parfois d’un coup de blues, ou d’un enfant très affamé, pour replonger, avec délice et déni, dans ces paradis artificiels aux additifs exquis et dangereux. Alors, quand Brice Morvent, ex-candidat de Top Chef, Estérelle Payany, journaliste et auteure culinaire, ou le Britannique et très médiatique Jamie Oliver se mettent à décortiquer la junk food pour en proposer une version faite maison, je me sens enfin comprise, tant dans mes envies que dans mes contradictions. Au moment de me lancer dans la confection des Chamonix, alors qu’il serait si simple et tellement plus rapide d’en attraper une boîte sur le linéaire de mon hyper, je m’interroge sur mes motivations.

Ma madeleine de Proust sans les additifs

Élevée à la purée en flocons et aux crèmes dessert, je retrouve davantage ma madeleine de Proust dans ce biscuit d’hypermarché que dans le saint-honoré du pâtissier. « Ces aliments industriels sont des marqueurs d’enfance pour toute une génération », me précise Gérard Apfeldorfer, psychiatre, spécialiste des troubles du comportement alimentaire. Totalement régressifs, ils font revivre le temps passé et mettent le présent en suspens.
Croquer dans le gâteau qui m’accompagnait autrefois sur le chemin de l’école, c’est convoquer autant les souvenirs que les sensations qui lui sont attachés. Chaque bouchée me rappelle mes bavardages amusés avec ma camarade de classe, chaque saveur trop sucrée réveille cet indicible sentiment de légèreté qui me fait me sentir bien instantanément. Si l’insouciance a un goût, pour moi, c’est celui-là. Quand j’y succombe, je me branche sur un plaisir entier et immédiat, une joie authentique et réconfortante, très loin des obligations professionnelles qui m’attachent à mon ordinateur ou des impératifs diététiques qui bannissent les pauses « grignotage ». « Ces nourritures enfantines traduisent un rejet de l’âge adulte avec ce qu’il compte de contraintes, de frustrations et de responsabilités », tranche le psychiatre.

J’admets la part de frustrations ; et lorsque je blanchis mes jaunes pour retrouver le moelleux de la génoise telle que Lu l’a fabriquée, je me sens plutôt responsable. Point de sirop de glucose, d’arômes ou de stabilisants dans mes Chamonix, mais du vrai sucre, des œufs bio et de la confiture artisanale, ingrédients traditionnels que je sais savoureux autant que sains. Face à la multiplicité des messages nutritionnels sur ce qu’il faut ou non manger, j’avoue que faire moi-même me paraît être la meilleure réponse à mon besoin de transparence et de sécurité. « Nous avons une perception négative de l’alimentation moderne, parce que, objectivement, les produits que nous consommons sont des “ocni”, des objets comestibles non identifiés », analyse le sociologue Claude Fischler, auteur notamment de Manger mode d'emploi ? (PUF-Fondation Nestlé, 2013). Même avec une étiquette bavarde, les produits industriels cultivent en effet leur part de mystère – nous maîtrisons mal leur composition – et la possibilité d’un risque – nous ignorons souvent leur origine. « Remplacer tous les additifs suspects par des ingrédients familiers est une façon d’adapter ce qui nous plaît au diététiquement correct que nous nous imposons », confirme Xavier Terlet, qui dirige XTC, un cabinet spécialisé dans les comportements alimentaires. J’ajouterais d’expérience que c’est s’assurer un plaisir à la fois régressif et déculpabilisé. Et sans culpabilité, le plaisir est décuplé. CQFD !

Fière de mon pied de nez à l’industriel

Me voilà devant ma boîte de Chamonix à l’orange, penchée sur la liste des ingrédients. Le jeu de piste commence. Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Refaire à l’identique sans avoir tous les ingrédients nécessaires, sans connaître les proportions ni le déroulé de la recette. « Matière grasse végétale », précise l’étiquette. Aussitôt, je décode « huile de palme » et imagine comment remplacer ce garant du croustillant des biscuits industriels. Je sais bien que les gastronomes de La Super Supérette ont fait ces recherches avant moi et qu’elles ont livré leur recette de Chamonix maison sur leur blog et dans un livre (ci-contre), mais j’aime les défi s et je me fais fort de percer le secret du biscuit de mon enfance moi-même ! Je cherche une recette de marmelade d’orange sur un site, celle de la génoise dans un vieux livre. J’imagine, je teste, je corrige. Je passe l’après-midi en cuisine à explorer mon talent de faussaire et, de tentatives hasardeuses en réussites gourmandes, je sens monter en moi une satisfaction plus grande que lorsque je réussis le vacherin glacé de Jean-François Piège. Sans doute parce que, au lieu de me laisser guider par le savoir-faire d’un chef étoilé, je dois m’en remettre à ce que je vois et à ce que je sens. Texture, saveur, couleur : pour créer l’illusion, même imparfaite, tous les détails comptent, et je dois rester hyperconcentrée pour laisser remonter mes sensations. « La forme aussi a de l’importance, car elle participe au goût et au plaisir autant que les ingrédients », détaille Estérelle Payany, convaincue qu’un Prince maison a plus de chance de plaire s’il mesure sept centimètres et demi de diamètre… comme l’original.
Pour mes Chamonix, c’est raté. Et, finalement, ce n’est pas pour me déplaire. Un peu moins joufflus, un peu plus fades sans leur coque orange (complètement artificielle), ils n’en demeurent pas moins bons. Et même si, pour y arriver, je dépense un peu plus que le prix d’un paquet de gâteaux, je me suis beaucoup amusée et je suis fi ère de mon pied de nez à l’industrie agroalimentaire. « Jouer avec la nourriture permet d’affiner son goût, de reprendre sa liberté par rapport à des produits tous identiques et, donc, de ne plus manger dans la monotonie », conclut Gérard Apfeldorfer. Quand le biscuit industriel sera toujours le même, ma version « fait maison » aura, au gré de mes essais, la saveur de mon humeur (un peu trop légère sur la marmelade), la texture de mon impatience (moins soignée). Il me reste à convaincre mes filles, plutôt dubitatives, que ma contrefaçon mérite autant que la version made in Lu d’être goûtée… et approuvée.
                                       

Mon enfant n'aime que les pâtes

Votre enfant n’aime ni les fruits ni les légumes, ce qui vous énerve. Comment équilibrer son alimentation tout en préservant l’atmosphère détendue du repas familial ? Les conseils de Laurence Haurat, psychologue et nutritionniste.

Diminuez votre niveau d’exigence

« À partir de 2-3 ans, l’enfant, qui généralement mangeait de tout, se montre plus difficile, confirme Laurence Haurat. Ses goûts se ferment et se limitent souvent aux féculents. Plus précisément à des aliments plutôt blancs, fades et sans fibres. »  Cette néophobie alimentaire concerne trois enfants sur quatre et ne doit pas vous inquiéter. Provisoire, elle répond à leurs besoins en glucides pour nourrir le cerveau, les globules rouges et les muscles. Tout le problème consiste à résister aux messages ambiants qui incitent à manger équilibré, qui associent la nourriture au poids et qui culpabilisent les parents. Faites le point, vous constaterez que votre enfant accède à toutes les familles d’aliments : il déteste les épinards mais apprécie le concombre, il n’aime pas le fromage mais boit du lait. « Les parents doivent diminuer leurs exigences, relativise la psychologue, et accepter que, comme eux, leur enfant ait ses préférences. Surtout si eux-mêmes étaient de petits mangeurs autrefois ! Le reconnaître permettra à chacun de mieux vivre la situation et d’inscrire l’enfant dans une filiation. »

Valorisez le plaisir

Cela dit, vous avez aussi un rôle éducatif à jouer. Ce n’est pas parce que votre enfant n’apprécie pas le poisson qu’il faut cesser d’en cuisiner. Il se peut qu’au quinzième essai il le trouve délicieux ! « L’enfant est très versatile dans ses goûts, constate Laurence Haurat. Il aime un jour les courgettes et les déteste le lendemain. Ou il préfère celles de la cantine... Il faut l’accepter, mais insister pour qu’il goûte chaque fois, sans lui proposer de plat de substitution. » Cela n’interdit pas de cuisiner du poulet-frites, qui contribue à l’ambiance joyeuse des repas. « L’alimentation remplit trois fonctions très liées : nutritive, sociale et hédoniste, rappelle la praticienne. Le fait de préserver la seconde et d’encourager la troisième stimule la première. »

Banalisez l'enjeu

Si votre enfant sent que vous accordez trop d’importance à la nourriture, il risque de s’en servir comme levier pour vous contrarier. Il refusera de manger de la soupe, non parce qu’il la déteste mais pour vous signifier qu’il a grandi. L’ alimentation est un langage, qui mérite d’être décodé. Vous pouvez aussi, de temps à autre, transformer les repas en terrains de jeu : lui apprendre, par exemple, à reconnaître un aliment les yeux fermés. Dégagée de tout enjeu de santé, l’éducation au goût se révèle très amusante. Enfin, n’hésitez pas à lui raconter les plats fétiches de votre enfance : la tarte Tatin de votre mère, la daube de votre grand-père... Les plats se dégustent plus volontiers lorsqu’on y mêle l’affectif.
       

Cuisiner et manger en solo

Cuisiner pour soi n’empêche pas de se faire plaisir. Mais pour éviter les restes, il faut des réflexes simples et adaptés.
« La cuisine en solo est une sorte de navigation à l’'aveugle entre manques et trop-pleins », explique Clea, alias Claire Chapoutot, animatrice de l’'un des dix premiers blogs culinaires francophones –(cleacuisine.fr)– et auteure de Solo et bio (Editions La Plage, 2012). Manque de temps et d’envie de faire « juste pour soi » et frustration : à quoi bon les plats mijotés king size et les desserts qu’'on ne peut que partager ? Et puis il y a le trop-plein : les aliments entamés que l’'on n'’arrive pas à finir, les restes que personne ne nous aide à écouler, les ingrédients que l'’on n'’ose pas acheter par crainte de les gâcher. « Le plus difficile, finalement, est de laisser parler ses envies et de se faire plaisir, tout simplement et égoïstement », ajoute Clea. Car prendre du plaisir à se confectionner une jolie assiette avec des ingrédients frais choisis pour son bien-être est une belle preuve d’'amour de soi. Et voyons-y un avantage : « Si l’'on est d’'humeur expérimentale, on a le droit de rater,– personne ne viendra nous le reprocher ! » conclue-t-elle.

Conseils d'experte

Si vous vous autorisez de temps en temps pizza ou chips, évitez d’'y recourir trop souvent. Manger sainement n’'est pas si compliqué : faites en sorte que placards et congélateur soient bien remplis. Acheter en magasin bio permet d'’acheter en vrac légumineuses, céréales, fruits secs...… De même, achetez à deux -– pour les partager –- les herbes fraîches, les épices moulues qui se périment au bout de six mois, le pot d’'olives Kalamata et le thé matcha. Gardez au frigo le miso brun, la sauce soja, le vinaigre de riz complet et, dans le placard, les purées d’'oléagineux, le sucre complet ou sirop d'’agave et les fruits secs conservés en récipients hermétiques.

Faites des courses «  petit format » : il vaut mieux faire des courses plusieurs fois par envie que d'’acheter en trop grande quantité (surtout le frais) et de jeter. Achetez par exemple les oeœœufs par quatre, les yaourts par deux, les fromages en petites portions.
Équipez-vous : ramequins et mini-plats à gratin en céramique ou en verre ; cuit-vapeur, vitaliseur, ou cuiseur à riz ; petite casserole, petite sauteuse et poêle ; blender et mixeur ; congélateur et sachet de congélation (lavables et réutilisables). Les appareils ménagers sont les amis des « mono-repas » et permettent de réaliser des plats proportionnés.
Apprenez à cuisiner pour «  un- tout-seul » (voir les quantités sur internet) : une part unique de lasagnes, un micro pot-au-feu ou hachis, un moelleux au chocolat individuel...
Les restes ? Au congélo : ravioles, fromages à pâte cuite, petits pains, muffins, bagels et viennoiseries, pâtes à tarte en portion individuelle en boule. Pour le lait et la crème de vache, d’avoine, de coco ou de soja, versez le surplus dans les bacs à glaçons pendant deux heures, puis transférez-les dans un sachet de congélation. Faites de même avec le pesto.
Au lieu de préparer une soupe et d’'en resouper les jours suivants, préparez des légumes pour accompagner une viande, un poisson, un blanc de poulet. En faisant cuire les légumes, gardez un bon bol du bouillon pour en faire une soupe  : 
- Carottes + bouillon + lait d’'amande + 1 cuillère à café de cumin + feuilles de coriandre. 
- Courgettes ou côtes de blette + bouillon + 20 g de fromage (fondu, chèvre ou brebis) + herbes de Provence. 
- Chou-fleur + bouillon + 1 cuillère de beurre de cacahuète + 1 pincée de curry ou curcuma. 
- Potimarron ou patate douce + bouillon + lait de coco + curry en poudre. Petits pois + bouillon + crème liquide + feuilles de menthe ou basilic.
Privilégiez les légumes qui se mangent crus : tomates, carottes, laitues, endives, concombre, courgette, betteraves, choux rouges… En élaborant des salades ou des sandwichs et en les accompagnant de jambon, thon, œœufs dur, fromage ainsi que d'’un yaourt, d’un fruit ou d'’un autre dessert, vous aurez un vrai dîner
                                

Manger nous rend-il fous ?

Se nourrir sainement, c’est l’obsession du moment. Mais cela peut être risqué. Patrick Denoux, professeur de psychologie, nous met en garde, dans son dernier livre, contre un nouveau dérèglement : l’orthorexie.
 Il n’est pas nécessaire d’avoir une bande d’amis hypocondriaques : autour de vous, combien de personnes ont adopté une tendance alimentaire privative ? Lui ne touche plus à ce qui vient du pis de la vache. Elle a renoncé au glutenet fait croire qu’elle est allergique. Eux ne veulent plus manger de sucre raffiné ou de viande rouge. Ils se sont multipliés, ceux qui sont persuadés que leur santé, présente et à venir, repose sur leur alimentation. Bien sûr, depuis une vingtaine d’années, nous en sommes tous convaincus. Mais cette conviction a entraîné un nouveau désordre du comportement alimentaire que les médecins appellent « orthorexie » (du grec orthos, « droit, correct », et orexis, « appétit »).

« L’aliment est perçu comme un médicament »

L’orthorexie n’est pas du même ordre que la boulimie ou l’anorexie. Les personnes qui souffrent de ces dernières bataillent avec la quantité d’aliments qu’elles avalent : trop ou pas assez. L’orthorexique, lui, a un problème avec la qualité de ce qu’il mange. « Se nourrir, pour lui, c’est se soigner, et tout aliment est un alicament, selon Gérard Apfeldorfer, psychiatre spécialiste du comportement alimentaire. Sa recherche de “sain” l’a conduit à écarter bon nombre d’aliments qu’autrefois il considérait comme savoureux, mais qu’il conçoit désormais comme des poisons. » Dans ses excès, l’orthorexique peut par exemple ne manger que des fruits ou des légumes cueillis moins de quinze minutes avant d’arriver dans l’assiette, de peur qu’ils perdent leurs nutriments. Ou faire douze mini-repas par jour et les accompagner de compléments alimentaires. Nous n’allons pas jeter la pierre à ceux qui respectent suffisamment leur corps pour ne pas le gaver, le négliger, l’encrasser. Toutes les études prouvent qu’une alimentation saine est un gage de vie qui l’est tout autant.

« Notre corps devient un temple »

« Quoi que l’on dise concernant les difficultés et les souffrances liées au comportement orthorexique, cela ne doit pas nous enlever de l’esprit que le risque alimentaire existe véritablement », prévient le professeur Patrick Denoux. Mais le danger commence, comme pour tous les régimes, lorsque ce souci se transforme en obsession et nous isole du monde réel. Et ce, dès lors « que notre corps devient un temple, le lieu de toutes les adorations », précise Gérard Apfeldorfer. Bien sûr, la plupart d’entre nous en sont loin. Mais la tendance est là et la bascule rapide. Anne-Hélène, 37 ans, a toujours veillé à ce que ses enfants se nourrissent sainement. Cela a commencé par des préparations bio pour bébés, puis elle s’est mise à cuisiner elle-même pour être sûre de ce qu’ils mangeaient. Et c’est devenu obsédant. « Deux faits m’ont obligée à m’interroger, raconte-t-elle : une violente colère contre ma fille de 3 ans que j’avais surprise s’empiffrant de bonbons ; et l’envie d’aménager mon temps de travail pour continuer à les nourrir plutôt que de les envoyer à la cantine. Là, mon mari m’a dit que je devenais folle. Il a fallu que je lâche du lest. »
Jacques, 56 ans, lui, a basculé dans l’orthorexie après un séjour de jeûne : « Quand j’en suis sorti, j’avais une énergie incroyable et une formidable fierté d’y être arrivé ! Et surtout, je me sentais comme si j’étais intérieurement tapissé d’une moquette blanche. Brusquement, il m’est devenu impossible d’avaler quoi que ce soit qui me donne la sensation de la salir. Je ne mangeais plus rien de transformé, cela devenait l’enfer. Sans m’en rendre compte, je refusais toutes les invitations à dîner pour ne pas m’“abîmer”. Puis, on a fini par ne plus m’inviter. C’est un ami qui a sonné l’alerte en me démontrant que je n’avais plus aucun lien social et que ma satisfaction de bien manger m’isolait totalement. »
Comment en arrive-t-on à de telles extrémités ? Très facilement, assure Patrick Denoux, qui voit là « un malaise relevant d’une question plus civilisationnelle que psychologique. Dans l’orthorexie se réalise l’apogée de l’individualisme culturel dans lequel nous évoluons ». Plus que jamais, nous sommes ce que nous mangeons. Et tout y concourt : les crises sanitaires, les campagnes de prévention et les informations sur les comportements alimentaires nocifs pour la santé, car influant sur le cholestérol, le diabète, les maladies cardio-vasculaires. Tout cela alimente la peur. « Dans le rapport que nous entretenons avec la nature, poursuit le professeur, nous vivons des changements. Il y a un ensemble de convergences sociales et culturelles qui agissent comme des “renforçateurs” des comportements orthorexiques. » Sans oublier l’estime de soi, dopée par le sentiment que nous possédons la règle juste !
Pour sortir du repli orthorexique, l’ouvrage de Patrick Denoux propose également de revisiter l’approche culturelle – et non plus psychique – de notre rapport à la nourriture. Il convient, selon lui, de faire coexister dans nos assiettes, les quatre valeurs de la nourriture : « Ne pas négliger la tradition, puiser son inspiration chez les autres, s’appuyer sur la santé en sachant utiliser les meilleurs aspects de l’industrialisation. » Voilà un programme qui réjouit les papilles, satisfait les curiosités et dissipe les inquiétudes. Quand le repli orthorexique nous enferme dans l’exclusion, cette nouvelle posture nous installe dans l’ouverture.
                              

Manger en pleine conscience

Le plaisir de se mettre à table est trop souvent gâché par la peur de la malbouffe. Comment se réconcilier avec notre assiette ? En écoutant notre faim, notre instinct et nos sens… Tout simplement.
Sentir l’eau monter à la bouche et les papilles frémir ; entendre sa faim avant de s’installer à table ; détecter les différents goûts et s’en délecter ; jouir d’être rassasié après quelques bouchées… Manger en pleine conscience, c’est ça. C’est écouter ses sensations, faire confiance à son corps, laisser parler son instinct et, de l’entrée au dessert, chasser les pensées parasites… Une recette simple comme un plat du jour, que le bon sens devrait tous nous inciter à suivre.
Et pourtant ! Manger est devenu aujourd’hui pour beaucoup une véritable épreuve. Dès l’entrée de sa cuisine, on s’interroge : manger quoi ? Comment ? À quelle sauce ? Face aux fourneaux, les injonctions contradictoires se télescopent dans un bruit de casseroles. Une « cacophonie diététique » résume l’inventeur de l’expression, le sociologue Claude Fischler (auteur de L’Homnivore : le goût, la cuisine et le corps, Odile Jacob, “Poches”, 2010). Noyés sous les alertes alimentaires qui nous rendent méfiants, assommés par les diktats de la minceur et menacés par les lois du perfectionnisme diététique, nous ne savons plus à quel « sain » nous vouer. De guerre lasse, nous hésitons alors à nous vautrer dans l’anarchie alimentaire ou, au contraire, à nous laisser enfermer dans la prison de l’orthorexie.

Perte d'instinct, perte de repères

Dans les cabinets des nutritionnistes, des psys et désormais chez les naturopathes, les patients ne viennent plus forcément pour maigrir, mais pour savoir comment se nourrir. Ces spécialistes le constatent : nous consacrons un temps incroyable à penser à notre alimentation en essayant de la rationaliser avec nos croyances et les connaissances scientifiques du moment… Or ce remue-méninges entre vite en conflit avec notre appétit qui enfle au fur et à mesure que nous le négligeons. Car à trop théoriser sur la nourriture, nous n’écoutons plus nos corps et nos émotions, et nous n’entendons plus les signaux que nous envoient la faim et la satiété. Cette surdité ouvre la porte à tous les excès.
« Lorsque l’on mange avec sa tête, c’est avec méfiance, la peur au ventre », rappelle le psychiatre et psychothérapeute Gérard Apfeldorfer en préambule de Manger en pleine conscience. L’auteure, Jan Chozen Bays, pédiatre et professeur de zen, y propose une méthode à la portée de tous qui permet de redécouvrir les types de faim qui nous assaillent, le rassasiement, la satiété… Son idée maîtresse ? Percevoir l’acte de manger à travers tous nos sens. Pour en retrouver le plaisir et éviter les automatismes qui nous mènent à la malbouffe ou au surpoids, il suffit de porter notre attention dénuée de tout jugement sur le moment présent, en l’occurrence l’acte de manger. Comme lorsque nous n’étions encore que de petits enfants et que nous entretenions encore un rapport instinctif à la nourriture. Selon Jan Chozen Bays, jusqu’à 4 ans, un enfant sait quand il a faim et quand il a assez mangé. Comme le souligne la thérapeute qui anime des ateliers d’alimentation en pleine conscience dans un monastère de l’Oregon : « Les repas sont pour eux des pauses de ravitaillement, brèves mais nécessaires, au milieu de leur période de jeu. Dans l’emploi du temps d’un enfant manger n’est que secondaire. »
C’est en grandissant que les choses se compliquent. La nourriture ne fait plus seulement office de carburant, mais elle sert aussi à nous apaiser, à distraire, à séduire, à récompenser et même à punir… « Tout le processus de l’alimentation est devenu une préoccupation majeure et une espèce de médicament en vente libre pour calmer de nombreuses pressions et l’anxiété générées par les modes de vie hyperactifs », explique la thérapeute. La relation franche et directe que nous avions avec nos repas est parasitée par des habitudes alimentaires transmises par notre milieu et nos proches. Et l’esprit a fi ni par tenir le corps au détriment des sensations. Les « on finit son assiette », les « tu dois manger deux produits laitiers par jour » ou les « ça n’est pas bon pour ta santé » et autres ordres et inquiétudes ont gâché notre sagesse alimentaire innée et notre plaisir innocent.

Retrouver les sensations alimentaires

Concrètement comment faire pour les retrouver ? D’abord manger moins et mieux, résument les spécialistes. Beaucoup d’entre eux voient d’ailleurs se profiler les signes d’une réconciliation avec nos assiettes. Une embellie que nous devons paradoxalement à l’accumulation depuis trente ans des scandales alimentaires, de la vache folle à la lasagne de cheval. Après l’indignation et la méfiance, nous voulons du bon dans notre cuisine. Nous accordons désormais plus d’importance à la qualité des produits, à leur provenance, à leur saisonnalité. Le bio continue son ascension, et, temps de crise oblige, nous devenons aussi locavores en privilégiant les produits locaux. Autre bonne nouvelle, pour la santé et la planète, nous consommons moins de viande qu’autrefois. Nous nous mettons aussi plus souvent à la cuisine, le succès des livres de recettes, des blogs culinaires et des émissions de télé en témoigne.
Or rien de tel que de mettre la main à la pâte pour, selon les spécialistes, recouvrer ses sensations alimentaires et renouer avec le plaisir à table. Autre signe d’une réconciliation : la mise au pilori officielle des régimes amaigrissants pour cause de dangerosité par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) en 2011. Avec leurs obligations, leurs « interdits », ces régimes nous obligeaient à nous contrôler sans cesse, quitte à nous couper de nos envies et de nos besoins et à nous pousser à des excès dangereux.

Apprivoiser sa faim

Faut-il pour autant s’oublier dans la nourriture ? « La seule personne qui sait ce dont elle a besoin, c’est vous », nous disent les spécialistes. Si l’on écoute ses envies et que l’on s’arrête quand on n’a plus faim, le poids est régulé. C’est l’idée de l’« intuitive eating », un mouvement mondial qui prône le rétablissement des sensations alimentaires (mouvement popularisé par Evelyn Tribole et Elyse Resch, auteures d’Intuitive Eating : A Revolutionnary Program That Work, St Martin's Griffinn, 2003). Un régime sans régime que préconisent désormais en France quelques thérapeutes, comme le psychiatre Gérard Apfeldorfer, le nutritionniste Jean-Philippe Zermati et la plupart de leurs collègues du Groupe de réflexion sur l’obésité et le surpoids (Gros). Première étape : apprendre à reconnaître la faim, la vraie. Pour cela, les thérapeutes préconisent de sauter le petit-déjeuner afin d’attendre les premiers signes physiques : les gargouillis du ventre que certains accueillent parfois avec anxiété tant ils avaient oublié ce que c’était. Une fois la faim apprivoisée, le plus dur est de savoir s’arrêter quand on a assez mangé. Ce sentiment de satiété reste difficile à identifier, surtout lorsqu’on a passé son temps entre restrictions et compulsions. Il survient plus de vingt minutes après que l’on ait commencé à manger. L’impression de perte de saveur de ce qui nous semblait délicieux en début de repas est un autre signal d’arrêt… Dès que le plaisir s’efface, il est temps de cesser de manger, quitte à prendre une collation en attendant le repas suivant.
Enfin, pour renouer avec le plaisir, il est conseillé de mobiliser tous ses sens. Les thérapeutes du Gros demandent à leurs patients de venir avec un aliment préféré, de décrire sa forme, sa couleur, et de le toucher pour en ressentir la texture. Ils sollicitent aussi l’odorat qui réveille souvent les émotions liées à l’enfance, émotions qui ont conditionné notre rapport à la nourriture. Enfin le goût : l’aliment est dégusté lentement et gardé vingt secondes en bouche. Ceux qui font ce test lui découvrent alors bien des saveurs qu’ils ignoraient… « Mais cette pleine conscience n’est pas forcément à la portée de tous et ne se résout pas uniquement autour de la table », remarque le naturopathe Thomas Uhl. Le stress et les émotions négatives sont parfois difficiles à faire taire. Pour lui, il est essentiel de se poser ces questions en mangeant ou en grignotant : suis-je en train de compenser ? Et si oui, pourquoi ce manque de sérénité ? Dans ce cas certaines activités comme le yoga, la méditation, le qi gong ou les danses qui libèrent l’expression corporelle sont indiquées : « Manger en conscience c’est aussi entreprendre une démarche plus holistique qui apporte un équilibre de vie. » En d’autres termes, c’est retrouver une vérité perdue qui tient en trois mots : manger pour vivre. 

10 conseils pour retrouver le plaisir de manger

Un accompagnement sur-mesure
Les régimes mettent à mal nos réflexes et nos sensations alimentaires. Vous en avez assez des restrictions qui se soldent le plus souvent par des craquages et des kilos supplémentaires ? Vous souhaitez perdre du poids sans faire de régime ? C'est ce que propose leprogramme Linecoaching, mis au point par le psychiatre-psychothérapeute Gérard Apfeldorferet le nutritionniste Jean-Philippe Zermati, experts en comportements alimentaires.
La plupart des thérapeutes s’accordent sur des conseils simples pour renouer avec les sensations alimentaires et se libérer des schémas qui nous conditionnent.
• Attendez d’avoir faim pour manger.
• Renoncez au régime et surtout ne commencez pas la journée en prévoyant de vous restreindre.
• Buvez un verre d’eau avant le repas, car la soif peut être interprétée comme de la faim.
• Déjeunez en paix, sans radio, ni télé ni ordi, ni journaux et, une fois de temps en temps, seul. À l’écoute de vos sensations, vous ne vous ennuierez pas !
• Prenez le temps de regarder, de humer puis de déguster doucement votre repas.
• Ralentissez au mieux votre rythme, mastiquez, posez vos couverts, buvez une gorgée…
• En cas d’envie de grignoter en dehors du repas, obligez-vous à vous asseoir et à le manger lentement en l’appréciant. Posez l’en-cas dès que le plaisir disparaît.
• Notez sur une feuille ce que vous avez mangé et ce que vous avez éprouvé comme émotion à ce moment-là. Cela vous permet de prendre conscience de ce que vous cherchez dans certains aliments : du réconfort, un apaisement, une addiction…
• Soyez bienveillant avec vous et ne vous reprochez pas vos excès. Attendez seulement d’avoir faim pour le repas suivant.
• Faites-vous du bien autrement qu’en mangeant.
                         

L’art de la cuisson saine

Connu depuis la Chine ancienne et redécouvert récemment, le secret d’une cuisine saine réside autant dans la qualité des aliments que dans la façon de les cuire.

Les premières traces d’une véritable cuisine « médicinale » remontent à la Chine de la dynastie Han (de 206 av. J.-C. à 220 apr. J.-C.). Elle s’est développée au fil du temps dans différentes régions du sud de l’Asie jusqu’à devenir une science fondée sur la médecine chinoise traditionnelle.
Outre les propriétés de chaque aliment pour la prévention, la protection de la santé ou la guérison, cet art culinaire tient compte des principes du yin et du yang, de l’importance des cinq éléments du tao (bois, feu, terre, métal, eau) et des cinq saveurs (acide, amer, doux, piquant, salé). Sans oublier les saisons, qui jouent un rôle essentiel, notamment pour la cuisson : dans la cuisine médicinale, comme dans la cuisine zen qui a adopté ces principes, le mode de cuisson est aussi important que les aliments eux-mêmes ! Ainsi, le printemps et l’été, saisons « yang », demandent de privilégier des cuissons courtes qui dilatent l’énergie et ont un effet rafraîchissant. L’automne et l’hiver, saisons « yin », seront l’occasion de cuissons un peu plus longues qui condensent l’énergie et ont un effet réchauffant.

Privilégier la vapeur, proscrire les températures trop élevées

En regard de cette maîtrise culinaire, il est frappant de constater que nous avons jusqu’à présent pris bien peu de précautions quant à la préparation de nos aliments… Mais, depuis quelques années, un mouvement de « cuisson saine » a commencé à émerger, d’abord du côté de la diététique, dont les spécialistes en sont venus aux mêmes conclusions que la médecine chinoise : tous les modes de cuisson n’ont pas le même impact sur la santé. Ainsi, la cuisson à la vapeur, à privilégier en automne et en hiver, est aujourd’hui reconnue comme préférable à la cuisson à l’eau ou en friture, car elle permet de préserver les micronutriments (vitamines et oligoéléments), qui brûlent sous de trop fortes chaleurs et peuvent s’oxyder ou s’échapper dans l’eau de cuisson. De même pour les « cuissons d’été », donc à la poêle, au gril ou au four : il est recommandé de proscrire les températures trop élevées, qui dorent les aliments mais produisent des réactions chimiques et des composés dont certains sont toxiques.

Les ustensiles de la cuisine saine

Des fabricants ont mis au point des ustensiles pour une cuisine « saine » qui répondent aux critères d’une approche « médicinale », diététique, énergétique, si ce n’est spirituelle de l’alimentation. C’est ainsi que sont apparues les casseroles et les poêles en fonte ou en Inox sans revêtement antiadhésif, qui ne dégagent pas de substances nocives, et à fond épais pour ne pas brûler les aliments ; des fours à vapeur ou à infrarouge qui ne font pas éclater les principes nutritifs ; des sauteuses « basse température » qui préservent la vitalité des aliments ; et de nouvelles générations de cuiseurs vapeur dont les proportions sont calculées pour obtenir une température de cuisson idéale et dont la forme du couvercle permet de faire circuler l’énergie. Et peut-être, comme le préconisent les maîtres zen, sur la conscience que nous mettons dans nos gestes.
                                        

Je cuisine donc je suis

Préparer à manger est une occasion rêvée de mieux se connaître. Et si nous écoutions vraiment notre petite cuisine intérieure ? Au menu : fantaisie, plaisir des sens et repos de l’esprit.


Blanchies par la farine, les mains bondissent sur la boule de pâte, la tordent, la triturent… Est-ce de l’agacement, de la colère ? Ou, au contraire, de l’amusement, du plaisir sensoriel ? Quoi qu’il en soit, il y a de l’affect autour de ce pâton posé sur le plan de travail. Des aliments aux ustensiles, de la carotte à la cocotte, tout dans la cuisine peut être prétexte à exprimer nos émotions. Micro-ondes compris, pour celles qui penseraient faire faux bond à leur petite musique intérieure en se vivant comme des virtuoses du « vite fait ».

Des sensations intensifiées

« La cuisine est un lieu privilégié pour se retrouver », confirme Isabelle Filliozat. On peut choisir, la tête perdue dans ses pensées, d’y enchaîner les corvées ou, comme le suggère la psychothérapeute, « d’y lâcher ses automatismes pour revenir à soi et construire son sentiment d’être ».
Les deux pieds plantés dans le sol, devant l’évier ou face aux fourneaux, nous nous affairons cinquante-trois minutes par jour pour préparer les repas, révèle la dernière enquête menée par l’Insee (Le temps de l'alimentation en France, 2010). Cette parenthèse obligée est aussi l’occasion de se reconnecter à son intimité. « Quand je cuisine, je me sens hors du temps, écrit Perla Servan-Schreiber, femme de presse, cuisinière passionnée et auteur du Bonheur de cuisiner (Éditions de La Martinière, 2010). Cet état m’installe […] tous sens déployés […] au centre de moi-même. » Trier, laver, éplucher, trancher, touiller : chaque action nous relie à une sensation qu’il paraît plus facile d’accueillir ici que dans toute autre pièce de la maison. « Les gestes sont connus et, parce qu’ils le sont, ils nous permettent d’être davantage à l’écoute de ce que l’on vit intérieurement », précise la psychothérapeute Catherine Aimelet-Périssol.
Peler une pomme est ainsi une formidable occasion de rencontrer la douceur d’une forme ronde, de sentir combien elle nous apaise ou nous trouble, d’éprouver le relâchement ou la crispation qui l’accompagne. Être pleinement à ce que l’on fait et à ce que notre corps en dit est un puissant facteur de bien-être intérieur. Pour peu, on croirait suivre les Instructions au cuisinier zen4 du maître japonais Dôgen. « Ce n’est pas de la méditation, tempère Catherine Aimelet-Périssol. Plutôt une vigilance portée à nos mouvements dans un temps privilégié où l’entourage nous sollicite rarement. »

Un temps pour se défouler

Quand les enfants n’envahissent pas la cuisine pour réclamer notre attention, cette petite heure peut être celle d’une vraie libération. Seul devant sa casserole, on a enfin l’occasion de lâcher les tensions de la journée. Mieux : pourquoi ne pas profiter d’un oignon à éplucher pour laisser couler des larmes de tristesse – et le sulfate d’allyle, qui pique les yeux, va nous y aider – ou, comme Laurence, professeure de français, d’une omelette à battre pour vider sa colère ? « Les soirs de grand énervement, c’est tarte ! s’amuse cette mère de trois ados. Trancher le beurre, malaxer la pâte, l’aplatir et la plaquer dans le moule me permettent de me défouler ni vu ni connu et, surtout, sans avoir besoin de me justifier ! »
« Nous avons besoin de reprendre contact avec nos émotions », préconise Isabelle Filliozat, pour qui les refouler revient à les renforcer et à s’enliser dans un inconfort durable. Au contraire, pouvoir les traverser en se concentrant sur ses sensations permet de « dénouer les nœuds » et de retrouver son calme. Une tranquillité aux manifestations bien physiques : la respiration s’apaise, le rythme cardiaque ralentit, et le taux de cortisol, l’hormone du stress, chute pour céder la place à un sentiment de détente, d’équilibre entre corps et esprit.

La joie de créer

Cuisiner, c’est également faire l’expérience du plaisir. « Celui que nous avons à nous nourrir pour nous maintenir en vie », assure Catherine Aimelet-Périssol, avant d’ajouter que « nous allons d’abord à la rencontre de nous en tant que corps vivant ». Archaïque et inconscient, ce plaisir-là met en mouvement tous nos sens dans le seul but de distinguer ce qui est bon de ce qui ne l’est pas.
Et puis il y a un plaisir beaucoup plus accessible. « Celui que nous avons perçu dans les gestes de notre mère ou de notre grand-mère, confie Perla Servan-Schreiber, que nous avons ressenti grâce aux saveurs, aux odeurs, aux moments partagés. » Il prend ses racines dans notre histoire familiale, géographique et sociale. C’est d’ailleurs sur ce sentiment que jouent les émissions télévisées qui, pour révéler la prochaine star des fourneaux, « cuisinent » le talent singulier d’une poignée d’amateurs passionnés. Il y a chez chacun des candidats, comme chez nous, une vraie satisfaction à exprimer sa personnalité à travers la transformation d’un aliment ou le choix d’une cuisson, et une joie certaine à se frotter à sa créativité.
« C’est là que j’exprime ma part de fantaisie », témoigne Jeanne, directrice de clientèle. Un réfrigérateur vide, des convives difficiles sont des challenges qui motivent la jeune trentenaire. « La cuisine m’oblige alors à puiser dans mon imagination », avoue-t-elle. « Elle nous pousse à l’innovation », souligne en effet Isabelle Filliozat, et, ce faisant, nous aide à quitter nos petites manies pour mieux savourer notre richesse intérieure. Pour peu que l’on se débarrasse des freins que sont la crainte du jugement et la peur de l’échec, on y gagne l’estime de soi – « c’est moi qui l’ai fait » – et, surtout, on y expérimente sa liberté d’être – « voilà qui je suis ».

Une découverte de soi

Préparer à manger, c’est simplement se dévoiler. « La cuisine raconte toujours quelque chose de soi, même quand c’est du surgelé qui régale », confirme Catherine Aimelet-Périssol. Être « poisson » plutôt que « viande », « légumes » plutôt que « pâtes » dit effectivement beaucoup de notre rapport à l’aliment, donc à notre corps. Mais, au-delà de nos préférences, cuisiner offre également l’occasion d’en savoir davantage sur nous-mêmes. Chaque fois que nous sommes aux fourneaux, nous pouvons nous interroger sur nos goûts et nos dégoûts, sur nos points forts et nos faiblesses, et nous aider des sensations provoquées par les aliments pour nous rapprocher de notre vérité. Nous pouvons aussi démêler ce qui relève du patrimoine familial de ce qui nous appartient en propre. La cuisine ne ment pas. « Comme le sourire s’entend au téléphone, le plaisir et la conscience s’exprimeront dans vos plats », promet Isabelle Filliozat.
                            

Quand les repas tournent au cauchemar

Un bébé qui refuse le biberon, un enfant qui n’a jamais faim le matin, une jeune adolescente qui ne veut plus manger de viande… Voilà de quoi provoquer des sueurs froides qui ont vite fait de se transformer en véritables angoisses chez plus d’un parent. Comment y remédier ? Les réponses de la psychologue et nutritionniste Laurence Haurat.
Dans notre société de plus en plus soucieuse des besoins nutritionnels de nos enfants, qui n’a pas culpabilisé parce que son aîné(e) mange peu ? Qui n’a pas piqué une colère contre le petit dernier qui refuse d’avaler des légumes ? Qui n’a pas été désemparé face aux recommandations alimentaires de plus en plus abondantes ?
« L’alimentation est un champ qui est souvent soit surinvesti soit laissé à l’abandon par les parents, estime Laurence Haurat, psychologue et nutritionniste. A tel point que les repas peuvent devenir un enfer, notamment pour la mère, le lien nourricier étant le premier lien qui s’établit entre elle et son enfant. Si la question de la nourriture inquiète tant, c’est sans doute parce qu’elle cache des projections plus ou moins conscientes, des fragilités éducatives, mais aussi des incertitudes sur la capacité des parents à répondre au besoin le plus primaire, le plus absolu, le plus naturel des enfants : manger. »
Dans son livre C’est l’enfer à table, paru aux éditions Eyrolles, Laurence Haurat passe en revue les problèmes liés à l’alimentation des enfants et les éclaire de façon déculpabilisante. Les parents y trouveront de quoi relativiser pour transformer les repas en moments de jeux, de découvertes et de partages avec leurs progénitures. Enfant difficile, comportement régressif à table, refus de boire de l’eau pendant les repas… Laurence Haurat répond aux témoignages de trois internautes de Psychologies.com

"Ma fille de trois ans ne veut plus manger seule"

Murielle , 21 ans.
« Ma fille de trois ans ne veut plus manger seule. Elle joue pendant les repas, dit que ce n’est pas bon ou qu’elle a mal au ventre pour ne pas manger, sort sans cesse de table… Cela dure depuis l’arrivée de sa petite sœur qui a maintenant 7 mois. J’en ai assez de la punir ou de la laisser faire. »
L’avis de Laurence Haurat : "Cette petite fille a besoin d’être rassurée. En refusant de manger seule, elle tente de capter l’attention. Sa petite sœur a 7 mois, c’est-à-dire l’âge de la diversification alimentaire, un moment où les parents s’émerveillent dès que l’enfant mange un nouvel aliment. Votre attention s’est donc détournée d’elle, qui sait manger seule, vers sa petite sœur. Expliquez-lui que vous avez fait exactement la même chose avec elle quand elle était bébé. Il faut ensuite lui redonner sa place et la valoriser à son tour. Quand elle mange deux bouchées, dites-lui que c’est bien, que vous êtes fiers d’elle.
Enfin, rappelez-lui les règles : elle est autorisée à sortir de table seulement quand elle n’a plus faim. Si elle quitte la table, c’est donc définitif. Ce n’est pas grave si elle ne mange qu’une partie du plat ou si elle refuse le dessert. En revanche, ne compensez surtout pas en lui proposant quelque chose qu’elle adore à la place de ce que vous aviez prévu initialement. Sinon, elle aura gagné sur tous les plans : elle n’aura pas respecté vos règles et, en plus, elle aura fini par manger ce qu’elle voulait. Faites la différence entre ce que vous pouvez tolérer, par exemple le refus de manger des morceaux au profit de la purée, il n’y a rien d’inquiétant à cela, et ce qui n’est pas admissible, comme jeter son assiette par terre ou cracher des aliments. Tenez-vous aux limites que vous avez fixées."

"Mon fils de huit ans adore les sodas, le sucré, les frites… Je ne sais pas lui dire non"

Isabelle, 36 ans.
« Mon fils de huit ans adore les sodas, le sucré, les frites… Je ne sais pas lui dire non. Il refuse par exemple de boire de l’eau à table et ne veut que très rarement manger des fruits ou des yaourts en dessert. Par contre, il se goinfre de pain. »
L’avis de Laurence Haurat : "Tout vient de votre incapacité à dire non. Il faut que vous recherchiez pourquoi vous avez ce problème d’autorité. Pour cela, je vous conseille de consulter pour en comprendre l’origine dans votre propre histoire. Par ailleurs, l’alimentation est un champ qui mélange l’affectif et le nutritif, il faut donc savoir faire preuve de souplesse mais aussi savoir imposer vos règles.
N’abordez pas la question à table, vous risqueriez de rentrer en conflit avec votre fils et le repas va mal tourner. Il y a un temps pour tout. Faites un conseil de famille avec le père et vos autres enfants le cas échéant. Mettez-vous d’accord avec votre mari au préalable pour tenir le même discours. Expliquez alors quelles sont dorénavant les règles à suivre pour toute la famille et les sanctions pour ceux qui ne les respecteront pas.
Première étape par exemple : l’eau est la seule boisson autorisée à table. Il peut s’agir d’eau plate ou pétillante. Tenez-vous à cette règle sur la durée. Et autorisez ensuite par exemple le soda à l’apéritif. Faites ensuite de même avec les autres aliments qui posent problème pour en maîtriser la consommation."

"Je suis obligée de cuisiner un plat à part ma fille de 14 ans. J’en ai assez!"

Joëlle, 45 ans.
« Ma fille, qui a 14 ans, est très difficile et fait attention à son poids. Le soir, je suis obligée de lui cuisiner un plat à part. J’en ai assez ! Elle ne veut quasiment plus manger de viande, elle trie les morceaux de gras, elle refuse la cuisson au beurre ou à l’huile… Cela devient compliqué pour moi de gérer les goûts de chacun au quotidien. »
L’avis de Laurence Haurat : "Le respect de l’un ne doit pas entraver la liberté de l’autre. Si vous estimez que la situation n’est pas tenable pour vous, parlez-en à votre fille. Expliquez-lui que vous ne pouvez pas lui faire un plat à part tous les soirs, et qu’il faut donc trouver une solution. Soit elle s’adapte à vos repas, soit elle met la main à la pâte. Je vous conseille également de faire attention au comportement de votre fille même si son poids n’est pas inquiétant. Elle donne l’impression de mettre en place des rituels (trier les aliments, chipoter sur la cuisson, etc) pour ne pas manger, une attitude qui peut faire penser à l’anorexie. N’attendez pas qu’elle perde du poids pour lui en parler en lui expliquant bien ce qu’apportent les aliments gras pour la peau, les cheveux, la croissance…"

Votre enfant est difficile ?

Beaucoup d’enfants n’aiment pas les légumes et refusent, plus généralement, de découvrir de nouveaux aliments.
L’avis de Laurence Haurat : "Il faut prendre un peu de recul par rapport à la diversification alimentaire. Vers l’âge de trois ans, l’enfant expérimente l’étranger, l’inconnu, il se méfie. Ce n’est pas forcément un caprice. Pour le rassurer, commencez par manger avec lui les aliments en question. Vous pouvez aussi lui expliquer ce qu’était l’aliment avant d’arriver dans son assiette : impliquez-le dans la préparation du repas une fois par semaine, allez au marché avec lui, plantez des tomates cerise ou des petits pois sur votre balcon. Votre enfant aura ainsi une maîtrise sur l’aliment.
Si cela dure, essayez de cuisiner les aliments qui posent problème de différentes manières : les épinards peuvent se manger chaud avec de la crème, ou frais avec une filet d’huile. Apprenez enfin à relativiser. Votre enfant n’aime pas le fenouil et les aubergines, mais mange du concombre et des haricots ? Tout va bien alors ! Ne faites pas une fixation sur ce qu’il ne veut pas manger. Au niveau du goût, tout ne se joue pas dans l’enfance ou l’adolescence. Les goûts évoluent tout au long de la vie via des découvertes progressives. Rien n’est figé."
                      

Sondage exclusif : Les jeunes veulent manger à table !

Réfractaires aux dîners traditionnels ? Mangeurs de pizzas sur le pouce ? Paresseux en cuisine ? Notre sondage exclusif auprès des 15-30 ans fait tomber les idées reçues sur les nouvelles générations : ils adorent les repas en famille et ils aiment cuisiner ! « Ce sont d’eux que vont venir les prochaines révolutions, prédit Jean-Pierre Corbeau, sociologue, tant ils ont poussé comme des petits chefs. » À la maison, ils invitent leurs copains autour de dîners « posés ». Au McDo, ils s’assoient et peuvent rester plusieurs heures à discuter. Contre toute attente, ils aiment les arts de la table, y compris en famille, et prendre leur temps pour manger…

93% associent le repas de famille à la perspective de bien manger

Contrairement aux croyances, les 15-30 ans adorent manger en famille. Seuls 14 % d’entre eux jugent ce rituel ennuyeux. Ce plébiscite répond à deux besoins : d’abord, celui de bien manger (93 % associent le repas de famille à la perspective de goûter de bons plats) et ensuite celui de manger ensemble (89 % évoquent l’envie de se retrouver, particulièrement les femmes). Les différences entre les âges sont très peu marquées, ce qui atteste d’un réel attrait des jeunes adultes pour les dîners familiaux.

94% trouvent que les repas entre amis sont une occasion de s’amuser

Si les dîners amicaux sont une « bonne occasion de s’amuser » pour 94 % des sondés, ils off rent aussi de vrais moments de générosité : 61 % des jeunes disent chacun apporter un plat et le partager. C’est le cas pour 46 % des 15-24 ans et 43 % des 25-30 ans, particulièrement dans l’agglomération parisienne (66 %). Environ la moitié des sondés mettent la main à la pâte : 50 % déclarent prendre le temps de cuisiner ensemble. Une preuve que le dîner à table revient en force et se réinvente, avec la participation de tous autour de celui qui reçoit.

86% déclarent aimer faire la cuisine

Ce n’est pas incompatible avec les repas sur le pouce et autres pizzas livrées à domicile, mais les 15-30 ans sont unanimes : 86 % déclarent aimer faire la cuisine. Si ce plaisir reste très féminin (90 %), il concerne aussi une grande majorité des jeunes hommes (81 %). Parmi les 12 % qui n’aiment pas passer derrière les fourneaux se retrouvent logiquement les plus jeunes (14 % des 15-24 ans, contre 9 % des 25-30 ans). 86 % des sondés aimeraient apprendre à mieux cuisiner, sans distinction d’âge ou de sexe. Parmi ces apprentis volontaires, les employés et les cadres du privé sont un peu plus nombreux (respectivement 95 % et 90 %), ce qui s’explique notamment par un besoin de ralentir et de prendre des moments pour soi dans son emploi du temps chargé.
                                

La convivialité réinventée !

Entre des ados qui mettent les petits plats dans les grands, des enfants qui réclament la présence de leurs parents à table et des dîners entre amis de moins en moins conventionnels, la convivialité fait un retour en force.
Lorsque Laurence a vu sa fille de 16 ans recevoir à la maison sa bande de copains, elle a été impressionnée : « Je m’attendais au cocktail pizzas-Coca devant la télé. » Au lieu de cela, Rebecca a organisé un dîner « posé » (comprendre, assis autour d’une table avec nappe, serviettes et belle déco). Au menu : entrée (inventée), plat (d’un grand chef, merci Marmiton.org) et dessert (gâteau au chocolat revisité au Nutella).

L’ambiance se détend

Pourtant, ces dernières années, sociologues, ethnologues et spécialistes de la nutrition n’en finissaient pas d’annoncer la fin du repas pris ensemble (éclatement de la famille, perte des repères, influences nordaméricaines, hausse des « alimentations particulières » comme le végétarisme, les régimes sans gluten…). C’en était fi ni de notre exception française qui nous protégeait des maladies et de l’obésité. Force est de constater qu’il n’en est rien. Au bureau, dans la rue, à la maison, entre amis ou en famille, en 2012, nous plébiscitons les repas pris en commun. « Dans un contexte de crise profonde et durable, ils répondent à un besoin d’apaiser l’anxiété ambiante, de combler la solitude et de construire des complicités qui nous rassurent », constate le sociologue Jean-Pierre Corbeau (auteur avec Jean-Pierre Poulain de Penser l’alimentation, entre imaginaire et rationalité, Privat, 2008).
L’envie d’être ensemble est forte, mais celle de se libérer des contraintes l’est tout autant. Ainsi, ce qui est vécu comme une obligation est gommé. En famille, même si la table reste un lieu de transmission de valeurs autres qu’alimentaires, celles-ci s’échangent dans une ambiance moins stricte et plus détendue. Les injonctions du type « Mange si tu veux grandir » ou « Termine ton assiette » sont moins fréquentes (source : « Culture alimentaire française : l’urgence de la transmission », IIes Assises de la Fondation Nestlé France, novembre 2011). Entre amis, les règles de bienséance aussi évoluent : les horaires sont plus souples « y compris dans le fait de se mettre à table ou de la quitter au moment de l’entrée ou du dessert », souligne Élisabeth Pannetier, coauteure d’une étude sur les « nouveaux repas » («Tendances, défis et enjeux des nouveaux repas, regards croisés d’experts », avec Aurélie Chaffel, 2011).

La créativité prend le dessus

De même, nous tolérons mieux les demandes particulières de nos invités. Un régime végétarien, sans gluten, sans sel n’est plus un obstacle au partage, c’est même devenu un stimulateur de créativité. Du coup, si la grande table reste un lieu de convivialité important, elle apparaît, dans cet assouplissement des règles, un peu trop protocolaire. « On s’installe sur des poufs et des canapés autour de la table basse du salon, on mange sur le bar ou sur plusieurs tables… L’important étant de préserver la liberté du mouvement – on change de place au cours du repas – et le bienêtre de chacun », observe pour sa part le sociologue Jean-Pierre Poulain, professeur de sociologie à l’université Toulouse-II-Le Mirail, auteur notamment de Sociologies de l’alimentation (PUF, “Quadrige”, 2011).
Les soirées entre amis deviennent moins conventionnelles et routinières : l’apéro se prolonge en dîner, les entrées se multiplient façon « bistrot », les recettes classiques se réinventent et mélangent world et « tradi ». C’est le retour du bon, du simple et du « fait maison ». Internet y est pour beaucoup, qui propose des sites de recettes à préparer vite fait bien fait, une aubaine pour ceux qui n’ont pas le temps ou qui n’ont pas appris à cuisiner. Il est désormais courant d’apporter l’entrée ou le dessert pour soulager l’hôte, qui opte pour un plat unique type blanquette, pot-au-feu, tajine, dont le temps de préparation est raccourci grâce aux produits congelés prépréparés.

Les menus se décomplexent

Plus qu’une envie de se libérer du quotidien, l’abandon du rituel « entrée-plat-dessert » dit notre envie de nous débarrasser de tout ce qui pourrait encombrer la relation à l’autre, pour ne conserver que ce qui a du sens et qui procure des émotions positives. Ces nouveaux menus décomplexent l’art de recevoir, qui n’est pas toujours aussi simple et dénué d’arrière-pensées qu’il y paraît : le choix des ingrédients, la façon de les préparer en disent en eff et beaucoup sur soi. Cuisiner pour les autres peut faire resurgir d’anciennes peurs (être moqué, ne pas être à la hauteur) ou être parfois motivé par des désirs peu avouables (redorer son ego en impressionnant ses convives avec son savoir-faire). Or, plus le repas est simple et élaboré avec un esprit pacifi é, plus il sera apprécié.

Le jeu entre en scène

« Préparer et partager les repas devient ludique », affirme Jean-Pierre Corbeau. La culture Top chef ou Un dîner presque parfait (émissions culinaires de télé-réalité diffusées sur M6) est passée par là. Un néovocabulaire se crée pour l’occasion : on parle de « slunch » pour le goûter-apéritif dînatoire, de « spunch » (spa-brunch), de wine and cheeseparty, de finger food… On tartine, on picore, on mange avec les mains du salé et du sucré qui s’avalent en une bouchée. En famille, le traditionnel déjeuner du dimanche se transforme en brunch, goûter dînatoire ou pique-nique, où les emblématiques cakes et tourtes sont un peu les nouveaux pains à partager. Le poulet est toujours rôti, mais revisité aux herbes thaïes ou « twisté » citron-miel. De la Fête des voisins en passant par les dîners en blanc et les grands pique-niques urbains, le vivre-ensemble passe par le « manger ensemble ». « Ces rassemblements conviviaux sonnent un peu comme les phénomènes de bandes au sens traditionnel du terme, remarque Jean- Pierre Poulain. Un groupe d’individus qui se rassurent en partageant une culture et des valeurs communes. »
À tous les âges, ces instants partagés retrouvent une nouvelle intensité, même chez les plus jeunes (voir notre sondage). À la maison, les enfants veulent toute la famille avec eux. « Ils sont en demande d’attention, d’amour, de relations “affectives” nourrissantes, rappelleGérard Apfeldorfer, psychiatre et psychothérapeute spécialiste des comportements alimentaires. Au moment des repas, les parents transmettent des principes alimentaires, mais également ce qu’ils ont eux-mêmes reçu dans leur enfance : de l’attention, de la frustration, du contrôle, de la gourmandise, de la culpabilité… » L’identité se forge dans ces instants privilégiés. « Leur construction affective se nourrit de ce qu’ils mangent, mais surtout de la façon dont les plats sont préparés et partagés », insiste le psychiatre. Nos affects, nos messages inconscients, nos souvenirs se mêlent aux ingrédients du plat comme à l’atmosphère du repas.

Les liens se resserrent

Des dizaines d’études scientifi ques ont montré que les repas consommés ensemble « ancrent tous les apprentissages fondamentaux chez l’enfant, du langage à la confiance, en passant par l’estime de soi », rappelle Maia Baudelaire, nutritionniste, spécialiste des comportements alimentaires et fondatrice du site ilovemydietcoach.com. « Sans ces moments-là, je n’aurais jamais réussi à construire une relation entre mes enfants et mes beaux-enfants », estime Christine, 45 ans. Pour Anne, 38 ans, se remettre à table avec ses ados au moins trois fois par semaine leur a évité bien des dérives après son divorce. Cela rappelle à quel point manger ensemble resserre les liens. C’est aussi une belle réponse aux discours « santé » parfois anxiogènes sur l’alimentation, car laisser de la place à ce qui se passe autour de l’assiette apaise nos inquiétudes en redonnant du sens à nos vies.
                                    

Dîner en famille, un rituel précieux

« À table ! » Le cri réunificateur résonne chaque soir dans la majorité des familles françaises. Qu’elles soient traditionnelles, monoparentales ou recomposées, toutes apprécient de se retrouver quotidiennement, au moins une fois, autour d’un repas. Pourquoi tenons-nous tant à partager ce moment en famille ? Que nous apporte-t-il ? Réponses d’expert et témoignages.
 Le dîner en famille est-il un rituel démodé ? Les français n’en sont pas convaincus. Pour pas moins de 93 % d’entre eux, selon une étude pour la Fondation Nestlé France parue en 2010, se retrouver chaque soir autour de la table est au contraire un moment important. Lieu d’échange, de partage, de transmission, le repas nourrirait tout aussi bien les estomacs creux que les liens familiaux. Mais est-il vraiment compatible avec nos nouveaux modes de vie ? Pas si sûr, puisque seulement 53 % des français affirment s’y adonner une fois par jour, le plus souvent le soir. Jean-Claude Kaufmann, sociologue et auteur de plusieurs essais sur le sujet, nous explique ce qui se joue dans ce temps fort où, indéniablement, « la famille se construit ».

Un temps collectif

Repas classiques du quotidien, repas traditionnels du dimanche midi, repas festifs pour les occasions spéciales… Tous ont leur importance, et participent, à leur manière, à la construction de la famille et de son histoire. « Si au siècle dernier, remarque le sociologue Jean-Claude Kaufmann, nous parlions peu en mangeant et restions assis du début à la fin, aujourd’hui, notre façon d’être à table s’est beaucoup enrichie. Elle est aussi parfois plus agitée. Mais il suffit de poser les bases du contrat pour savoir que le moment sera fort : nous nous apprêtons à passer un temps plus ou moins long, très rapprochés, pendant lequel nous allons nous parler, nous regarder. »
Lorsque l’heure du grand rassemblement a sonné, chacun est invité à cesser son activité personnelle pour aller rejoindre le groupe. Mais après le cri de ralliement, il faut parfois un peu de temps avant que tout se mette en place. Un retardataire se fait parfois désirer. Souvent, toujours le même. « Parce que c’est cela une famille : un regroupement d’individus qui ont chacun leur trajectoire, leur rythme, et parfois aussi, leurs désirs d’autonomie. »

Trop d’attente peut tuer le résultat

Après avoir pris plaisir à préparer leur plat préféré, ou simplement après une journée de travail éprouvante, les parents ont parfois d’importantes attentes vis-à-vis de leurs enfants et du dîner familial. Ils nourrissent l’espoir d’y passer un “grand moment famille”. D’où la question cruciale souvent lancée aux enfants en début de repas : “C’était bien l’école aujourd’hui?” « L’intention est généralement bonne, souligne le sociologue, mais le résultat, lui, rarement à la hauteur. Parce que les enfants eux, n’ont vraiment pas envie de parler de ça. Alors ils résistent comme ils peuvent, rusent et usent de tactiques pour changer de sujet. C’est le cœur même de la dynamique du repas : trop d’attente peut tuer le résultat. Car chercher à engager une grande discussion provoque souvent chez l’autre un retrait en soi, surtout chez les plus jeunes. »
Parler de la pluie et du beau temps, voilà, contrairement à ce que l’on croit, de petites conversations toutes aussi profondes. « Le dîner doit rester un moment de convivialité, d’échange, où, l’air de rien, la plus petite des discussions peut être incroyablement précieuse. Parler de ce que l’on est en train de manger, par exemple, peut être extrêmement riche : il s’agit d’exprimer son ressenti, ses sensations, parfois même, ses émotions. Il peut aussi s’agir de plats qui ont une histoire, qui évoquent des souvenirs, des anecdotes de famille. » Autant de petits riens qui mènent parfois à de grandes conversations.

La télé comme invitée

Allumer le poste en fond sonore pendant le dîner, il y a les familles qui le font systématiquement, et celles qui ne le font jamais. « Les secondes ont parfois du mal à comprendre les premières, et il peut être facile de critiquer les accros du petit écran, remarque Jean-Claude Kaufmann. Mais la télé s’allume généralement dans deux cas de figure : lorsque la socialité du repas se vide, ou, ou contraire, lorsqu’elle est trop pleine. »
Dans le premier cas, cela touche notamment les parents dont les enfants, devenus grands, ont quitté le nid. « Le couple se retrouve seul, et s’il prend généralement plaisir à se retrouver, il réalise aussi soudain que les face-à-face ne sont plus si simples. Alors, par crainte de n’avoir rien à se dire, il dégaine la télécommande. » C’est aussi le cas de certaines familles monoparentales. « Je me souviens de cette mère célibataire avec ses deux petits, raconte le sociologue, chacun une fesse sur le tabouret et l’autre tournée vers la télé. Sans cela, il ne leur restait plus rien. Ce n’est pas toujours simple, car l’être ensemble s’oppose parfois au désir de chaque individu d’être bien dans ses baskets. »
Dans le second cas, les familles nombreuses et recomposées semblent aussi les plus promptes à se tourner vers la télé. « Parce que l’on crie trop, que cela remue fort, c’est comme si un brouhaha supplémentaire n’y changeait rien, note le sociologue. » Dans tous les cas, le vrai danger survient lorsque toutes les chaises se tournent définitivement vers le poste. « Quand la télévision n’est plus une invitée à table, qu’elle n’est plus ni un support de conversation, ni un médiateur, c’est qu’elle a tout dévoré. » Y compris les liens tissés entre chacun.

« Le repas, entre partage et éducation »

Claudine, 56 ans, deux enfants
Chez nous, la présence à table de toute la famille a toujours été très importante. Le repas du soir était l’un des rares moments où nous pouvions nous retrouver tous ensemble. C’était un lieu vivant, chargé en émotions, où chacun pouvait raconter sa journée, ses joies, ses peines…
Enfin, ce sont surtout mes deux filles et moi qui parlions. Leur père, lui, coincé entre trois bavardes, se faisait forcément plus discret. Mais sa présence à table n’était pas moins importante pour autant. Pour lui, qui travaillait beaucoup, le dîner auprès des siens était presque le seul moment où il pouvait apprécier de nous avoir toutes auprès de lui.
Le mauvais côté de cette situation, c’est que lorsque les filles étaient jeunes, il choisissait du coup souvent, trop souvent, cette occasion pour leur parler de choses très sérieuses, notamment sur le plan éducatif. Il faisait passer ses messages et posait son autorité, ce qui a longtemps été un sujet de discorde entre nous. Il m'est arrivé plusieurs fois de lui dire que ce n'était ni le moment, ni l'endroit. Je n’admettais pas qu’il puisse gâcher un moment si précieux à mes yeux. Mais avec le temps, les filles comme moi avons réalisé qu’il n’avait jamais vraiment eu d’autre choix. C’était en effet le seul moment qu’il avait pour le faire.
Aujourd’hui, nos filles sont grandes et elles ont quitté le nid. Mais nous n’avons en rien perdu le plaisir de nous retrouver régulièrement autour d'une table. Et le repas est toujours aussi vivant et animé !

« À table, mon père est un chef de tribu »

Emmanuelle, 25 ans
Mon frère, mes sœurs, et moi, étions ados lorsque mes parents se sont séparés. Tous les quatre âgés entre 12 et 18 ans. Très vite, notre père s’est remis en couple. Sa nouvelle compagne avait également des enfants. Deux ados, eux aussi. À table, les premiers dîners furent explosifs. Un long silence froid les premières minutes, puis la détonation, les cris, les pleurs, les disputes. Heureusement, cela n’a pas duré longtemps. Une fois nos revendications faites, nos états d’âmes passés, nous avons surtout réalisé qu’au fond, nous rigolions bien tous les huit. Et puis cela avait ses avantages : plus on est nombreux, plus l’on va vite à mettre la table, à débarrasser, à faire la vaisselle… Des petites choses bêtes et pratiques qui nous ont finalement rapprochés les uns des autres.
Mon père trône toujours en bout de table, et de huit, nous sommes souvent passés à neuf, dix, onze et plus. Rares étaient les soirs où il n’y avait pas un invité à table, que ce soit un copain, une copine, de l’un d’entre nous ou des amis de nos parents. Et en vacances, même topo : des tablées interminables, des plats qui passent de mains en mains, des verres qui ne désemplissent pas. Car s’il y a bien une chose que mon père aime, c’est dîner entouré de visages souriants et heureux. Il nous cuisine des mets incroyables, confectionnés à partir de produits toujours achetés « chez le meilleur fromager ou boucher du coin », comme il dit. Il remonte de la cave ses bouteilles de vin préféré. Et qu’importe le nombre de convives, car il y’en a toujours assez pour tout le monde. Il gère. En véritable chef de tribu.
                                     

Intolérance alimentaire, le mal qui monte ?

Régime sans gluten, sans œuf, sans lactose… Les intolérances alimentaires toucheraient de plus en plus de Français, enfants comme adultes. Que se cache-t-il derrière cette pathologie ? Quelle différence avec une allergie alimentaire ? Sommes-nous aussi nombreux que nous le pensons à être concernés ?
15 à 20 % de la population a été, est, ou sera un jour, confrontée à une maladie allergique, estime l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Parmi les différentes pathologies répertoriées, l’intolérance alimentaire. Un phénomène en constante progression ces vingt dernières années, mais qui serait trop récent pour permettre à la communauté scientifique de prendre suffisamment de recul et d’être unanime sur le sujet. Résultat, beaucoup de questions sont posées, mais les zones d’ombre persistent. État des lieux.

L’intolérance alimentaire, c’est quoi ?

L’intolérance alimentaire est l’hypersensibilité d’un individu à un aliment ou un ingrédient habituellement toléré par la plupart des gens. Elle se traduit par la manifestation de divers symptômes indésirables, déclenchés suite à l’ingestion répétée, quelle qu’en soit la fréquence, de l’aliment incriminé à des doses normalement supportées.
Dans les faits, être intolérant alimentaire, c’est, au départ, souffrir au quotidien de troubles dont on parvient difficilement à trouver la cause. Ce sont souvent les douleurs intestinales qui alertent, mais elles ne sont pas les seules à prendre en compte. Infections ORL à répétition, rhumatismes, migraines, pathologies cutanées… sont autant de symptômes qui peuvent aussi résulter d’une intolérance alimentaire.
Une fois que le diagnostic est posé, c’est alors un véritable changement de vie qui s’amorce pour l’intolérant. Car s’il ne supporte pas les œufs par exemple, il va devoir les évincer totalement (même si temporairement) de son alimentation. Dès lors, il va devoir apprendre à déchiffrer les étiquettes des produits lorsqu’il fera ses courses, ou encore réadapter les recettes (même les plus classiques) et remplacer l’ingrédient qu’il ne peut consommer par un autre. Le tout, en essayant autant que possible de préserver sa vie sociale et le plaisir de se nourrir. Un bouleversement parfois difficile, d’autant que, paradoxalement, il a été constaté que les intolérants sont spécifiquement attirés par les aliments auxquels ils n’ont pas le droit… Que l’on soit enfant ou adulte, l’intolérance alimentaire, même si elle semble de prime abord moins grave que l’allergie, est une pathologie qui transforme inévitablement le quotidien de celui qui en souffre.

Allergie, intolérance : quelles différences ?

Allergie et intolérance sont souvent confondues, bien que très différentes.
L’un des meilleurs moyens de les distinguer, c’est notamment d’analyser les symptômes qu’elles provoquent. Dans le cas de l’allergie, la manifestation est immédiate et extériorisée : du simple urticaire à l’arrêt respiratoire ou cardiaque, en passant par l’œdème de Quincke ou les troubles digestifs, type vomissements ou diarrhées. Lorsqu’il s’agit d’une intolérance par contre, les effets sont plus discrets et souvent, à retardement. Migraines, troubles et maladies digestives, infections ORL, pathologies cutanées, rhumatismes, et même, pour certaines intolérances telles que celle au lait, diabète de type I… les intolérances alimentaires peuvent avoir des conséquences si nombreuses qu’elles rendent le diagnostic plus difficile à poser.
Autre élément à prendre en compte, la quantité d’aliment ingérée. Pour les allergiques, le fait de manger l’aliment allergène une fois suffit à provoquer une réaction. Chez l’intolérant, c’est la fréquence et la quantité d’aliments ingérés qui déclenchent le processus.
Il existe par ailleurs d’autres aspects permettant de mettre en valeur les différences entre ces deux pathologies, telles que les moyens de les détecter (tests sanguins, urinaires ou cutanés) ou encore, la réaction de l’organisme lors de la suppression de l’aliment incriminé

Un phénomène, plusieurs causes

Grâce aux multiples recherches effectuées sur le sujet, plusieurs hypothèses commencent à être avancées pour expliquer la croissance vertigineuse du nombre d’intolérants. Si l’industrialisation de notre alimentation semble être l’un des principaux responsables, plusieurs pistes se dégagent :
L’hérédité d’abord, dont l’implication semble incontestable. Néanmoins, un point reste encore à examiner : comment expliquer que certains individus, pourtant génétiquement prédisposés, ne développent pas d’intolérance ?
La théorie de l’hygiène. Nous ne serions pas assez exposés, dès la naissance, aux microbes et autres infections qui ont pour mission de stimuler et de forger notre système immunitaire. Par ailleurs, la prise d’antibiotiques, même si de moins en moins systématique, dès notre plus jeune âge, serait aussi incriminée.
La diversification alimentaire précoce. Elle serait responsable du développement de plus en plus fréquent d’allergies et d’intolérances chez les bébés, dont le système immunitaire serait encore trop immature pour tolérer si tôt une nourriture variée.
La mise sur le marché d’aliments nouveaux. Fruits exotiques, épices, huiles végétales… L’émergence de nouvelles denrées alimentaires, auxquelles notre organisme n’est pas habitué, serait elle aussi impliquée.
L’industrialisation. Aromates et arômes industriels, mixages composites, addition de nombreuses épices, procédés divers de cuisson… Les nouvelles technologies utilisées par les industriels de l’agro-alimentaire seraient elles aussi hautement allergènes, notamment de par l’introduction systématique d’additifs dans les préparations.
Les polluants environnementaux. Aluminium, plomb, mercure… L’intoxication aux métaux lourds (présents dans les amalgames dentaires, les vaccins, ou encore les cigarettes) pourrait également être, en partie, responsable des intolérances au gluten et à la caséine du lait.

L’intolérance au gluten

Elle touche près de 150 000 français et provoque des réactions essentiellement intestinales, l’intolérance au gluten est celle qui fait le plus parler d’elle. Et pour cause, le gluten est partout : biscuits, quiches, pain, pâtes, pizzas, viennoiseries, charcuterie, sauces, bière... Mais en plus, c’est l’une des intolérances les plus insidieuses, et le plus souvent, elle n’est pas diagnostiquée et masquée derrière ce que les médecins nomment le syndrome de l’intestin irritable. Pour lutter contre l’intolérance au gluten, il convient avant toute chose de procéder à l’éviction totale du blé, du seigle, de l’avoine, du kamut, de l’épeautre et de l’orge. Les seules céréales alors autorisées sont le riz, le quinoa, le millet, le manioc, l’amarante et le sarrasin. Autant dire que la vie sans gluten nécessite le suivi d’un régime très strict, souvent vécu de façon très contraignante.

L’intolérance aux produits laitiers

Elle toucherait environ 8% des enfants, chez qui elle représente l’intolérance la plus fréquente. Elle est diagnostiquée très tôt si la mère a consommé des laitages en très grande quantité pendant sa grossesse. Elle atteint son paroxysme vers l’âge de deux ans, sauf pour certains malades, chez qui elle ne se manifestera qu’à l’âge adulte. Régurgitations, hypoglycémie, malaises, insomnies, coliques abdominales et diarrhée, eczéma, irritabilité… Sont autant de symptômes qui permettent de repérer l’intolérance, pour laquelle l’éviction doit être stricte pendant 6 à 12 mois avant de tenter toute réintroduction. Chez l’adulte intolérant, la consommation de produits laitiers et de fromages peut provoquer troubles intestinaux et cutanés, hémorroïdes, règles douloureuses, douleurs et raideurs articulaires, migraines, spasmophilie… Les améliorations sont visibles dès un mois d’éviction.

Les autres intolérances

Si les intolérances au gluten et aux produits laitiers sont parmi les plus connues, d’autres aliments (presque tous en réalité) peuvent également provoquer des réactions similaires et nécessiter une éviction, puis une réintégration progressive. Il s’agit notamment des légumes et autres aliments végétaux. S’ils sont responsables de près de 60 % des intolérances alimentaires, ils présentent néanmoins une contrainte moindre : il est plus facile de ne plus manger de fenouil ou de poivron que d’évincer tous les produits laitiers de son alimentation. Les produits de la mer ne sont pas en reste. Les poissons notamment, occupent le troisième rang des aliments allergènes. Les épicesaromates et condiments peuvent eux aussi être responsables d’intolérances, ainsi que les fruits (agrumes et fruits exotiques en tête) ou encore les œufs (intolérance à l’ovalbumine contenue dans le blanc).

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