Coiffure

Cheveux, la quête du lisse

Le défrisage fait aujourd'hui l'objet d'un véritable engouement, sur la Toile comme dans les salons huppés. Simple désir d’une chevelure plus facile à coiffer, brillante, douce et ravivée ? Pas seulement, car certaines adeptes parlent de véritable renaissance. Pour la psychothérapeute Catherine Aimelet-Périssol, toucher à ses racines capillaires peut revenir à soigner ses racines généalogiques. Un changement cosmétique qui n’a donc rien d’anodin, d’autant que passer de la boucle indisciplinée au raide bien rangé, chercher à dompter une chevelure insoumise, parle aussi de sexualité à maîtriser, d’une certaine féminité à cadrer, d’un contrôle de soi à récupérer… Le lisse, une histoire de cheveux pas si sage que ça ?
« Les filles aux cheveux raides fantasment souvent sur les boucles. Pourtant, être frisée veut surtout dire crises de larmes depuis la petite enfance à chaque coup de brosse et temps perdu à tenter de discipliner ce qui ne peut l’être, avoue Kenza, magnifique jeune femme aux cheveux longs et parfaitement lisses. Aujourd’hui, je gagne au bas mot plus d’une heure par jour et me réveille avec la satisfaction d’être coiffée. » Pour Jean-François Lazartigue, l’un des pionniers du défrisage en France, l’objectif n’est pas d’obtenir des cheveux comme des baguettes, mais d’« en faire au contraire tout ce que l’on souhaite : boucler, tresser, laisser long, la palette est infinie ». Si ses clientes mettent en avant l’aspect pratique au quotidien d’une chevelure défrisée, le coiffeur créateur va au-delà, constatant, après le soin, des bénéfices souvent « magiques ». « Certaines femmes parlent de renaissance », développe-t-il, se rappelant notamment d’une jeune fille qui « détestait tellement ses cheveux qu’elle avait fini par ne plus les entretenir ni même les laver. Cela lui donnait une allure négligée et pesait sur son être, dans tous les sens du terme. Peu après que nous l’ayons défrisée, elle a repris ses études qu’elle avait interrompues et nous a confié qu’elle avait la sensation de démarrer une nouvelle vie ».

Se libérer de ses racines

« Tout ce qui concerne la mise en valeur et la récupération d’une meilleure image de soi a forcément une incidence qui dépasse l’apparence physique, analyse la psychothérapeute Catherine Aimelet-Périssol, auteure avec Sylvie Alexandre de Mon corps le sait,
trouver son équilibre psychocorporel pour mieux vivre (Robert Laffont, 2008). Certaines personnes éprouvent une sensation d’enfermement dans leur propre corps, acceptant difficilement d’être telles qu’elles sont nées. » Avoir la possibilité d’intervenir sur ce qui nous définit depuis la naissance peut donner l’impression d’une « liberté d’action, sur soi et sur le monde extérieur », ajoute la psychothérapeute. Et de souligner le parallèle entre ce besoin pour certaines de se « libérer de leurs racines généalogiques en modifiant celles de leurs cheveux ».

Mais contrairement à un nez proéminent, des seins trop généreux ou trop menus, des hanches larges qui signent notre appartenance à une lignée, le cheveu parle de nous. Au-delà de l’envie de changer de tête comme avec une nouvelle coupe ou une couleur, le lissage dit le contrôle, assure la coiffeuse styliste Madeleine Cofano (chez Don Cross, 75001 Paris), qui a travaillé avec les plus grands photographes de mode, Irving Penn, Guy Bourdin, Richard Avedon. Les qualificatifs sont d’ailleurs évocateurs : le « brésilien » porte en lui une promesse de gaîté et de glamour là où le « japonais » induit la raideur et la discipline.

Soft ou radical ?

« Le lissage brésilien est l’expérience capillaire qui m’a le plus transformée, physiquement, mais aussi, je crois, intérieurement », confirme Nadia, enchantée de ses nouveaux cheveux « si doux et si brillants ». Le soin consiste à envelopper la chevelure de kératine, un composant naturel de la fibre capillaire, puis à chauffer mèche après mèche pour aider le produit à pénétrer et provoquer le lissage. Cette procédure, qui dure entre deux et quatre heures, a un coût : de cent cinquante à trois cent cinquante euros. Ravie, Nadia, mais également troublée : « Au début, lorsque je passais ma main dans mes cheveux, j’avais la sensation étrange de ne pas être moi, comme si j’avais une perruque. » Car le lissage n’a pas pour seul effet de supprimer les boucles, « il diminue considérablement le volume de la chevelure, ce qui est assez déstabilisant », témoigne-t-elle.

Plus radical, le lissage japonais agit comme une permanente à l’envers. Selon Sabrina, l’une des techniciennes d’un salon Massato, cette méthode modifie « définitivement la nature du cheveu jusqu’à la repousse ». Là aussi il est enduit d’un soin lissant – aux composants différents de celui utilisé pour la variante brésilienne –, puis chauffé et fixé. Coût de l’opération : de trois cents à huit cents euros. « Il est plutôt destiné aux femmes très frisées qui veulent obtenir un résultat ultraraide et durable. En revanche, il ne peut pas être appliqué sur des cheveux décolorés ou abîmés », précise Sabrina.

Apprivoiser son apparence

Quelle que soit la technique, les professionnels rigoureux recommandent de s’informer sur l’enseigne proposant ce type de services, certaines ne respectant pas la législation en vigueur sur la composition des produits défrisants. Quant aux kits à domicile, moins chers, Kenza, qui fait partie des convaincues, conseille « de lire les forums, nombreux, sur Internet pour acheter celui qui convient le mieux à sa nature de cheveux ». Il est par ailleurs préférable de faire appel à un tiers pour poser les plaques chauffantes mèche après mèche. Dans tous les cas, prévient Nadia, « il vaut mieux commencer par une technique assez douce et non définitive, histoire de ne pas devoir se raser pour retrouver ses vrais cheveux ». Elle parle d’expérience : trop déstabilisée par sa nouvelle apparence, elle a cessé d’entretenir son lissage avec les shampoings à la kératine et sans sulfate fournis à l’issue du soin : « Je “me manquais” je crois, et de ce que j’ai pu entendre, je manquais aussi à mon entourage. Personne ne m’a d’ailleurs conseillé de recommencer. » Et de conclure, amusée : « Mais souvent, avec ses cheveux, femme varie. »

Le lisse et la vertu

Peut-on imaginer une madone ou une sainte arborant une crinière bouclée ? Le cheveu frisé, évoquant le poil du pubis, donc les organes sexuels, est incompatible avec les messages de virginité et de sagesse émanant des femmes vertueuses. Il est une promesse d’érotisme sauvage et transgressif ; ou de révolte, à l’image de l’héroïne de Rebelle (Dessin animé Disney-Pixar, 2012), première princesse Disney à arborer une tignasse somptueuse bouclée. À la Renaissance, le dieu de la Science gagne du terrain, celui de l’Église en perd, et les personnages féminins des tableaux de cette époque arborent de longs cheveux bouclés, telle la Vénus de Botticelli.
Lisse, la chevelure exprime la féminité sous contrôle, la sensualité bridée, la douceur des épouses soumises et des mères asexuées, celle qui ne menace pas les hommes. Mais elle ne fait pas qu’apaiser la « mâle peur », comme l’appelle le sexologue Gérard Leleu (J'ai Lu, 1994). Domptée, elle exprime notre phobie du corporel à l’état brut. Comme nous traquons les odeurs, les poils, le gras, nous disciplinons nos cheveux. Histoire de montrer à la nature qu’une fois encore nous avons le dessus sur elle. Une illusion qui fait le bonheur des marchands de raideur.

A la maison

Longue durée : Pour tenter l’expérience chez soi, des kits de lissage à domicile permettent d’obtenir un résultat qui dure entre trois et six semaines. Attention à bien respecter les temps de pose des différents soins et à rincer soigneusement les cheveux à chaque étape.
Kit lissage, brésilien ou japonais, Jean-Louis David, 12,65 €.
Expert lissage cheveux très bouclés et frisés, Franck Provost, 15,95 €.
Traditionnel : Pour un lissage plus éphémère, vous avez le choix entre des plaques imprégnées de kératine qui nourrissent et protègent le cheveu de la chaleur, et une brosse soufflante diffusant des ions négatifs pour discipliner les frisottis.
Plaques Keratin Therapy, Remington, 69,99 €.
Brosse soufflante lissante, Philips, 55 €.
Au quotidien : Shampoings, baumes, sprays coiffants ou sérums nourrissants… Chaque étape de soin propose des actifs ciblés dans des textures appropriées pour entretenir le lissage et garder les bénéfices du traitement un peu plus longtemps.
Shampoing soin Liss-Intense, Elsève L’Oréal Paris, 3,30 € les 250 ml, en grandes surfaces.
Fluide légèreté Frizz-Ease, John Frieda, 9,50 € les 50 ml, chez Monoprix.
Traitement Concen-Straight Smoothing Treatment, Bumble and Bumble, 49 € les 50 ml,
chez Sephora.
Émulsion FlatLiner Osis, Schwarzkopf Professionnal, 15,90 € les 200 ml. En salons de coiffure.
Baume Coiff Contrôle, Fekkai, 22 € les 100 ml, chez Sephora.
                                    

Fred, coiffeur : « Je suis un révélateur »

Frederic Birault, plus connu sous le simple prénom de Fred, est ce que l’on pourrait appeler, un peu sommairement, un coiffeur de stars. Vanessa Paradis, Mélanie Laurent et Audrey Tautou sont les noms de ses plus illustres clientes. Mais Fred est aussi, et surtout, un homme qui aime les femmes, et qui sait admirablement les sublimer, convaincu que la beauté est avant tout intérieure. Sur son blog CutbyFred, il raconte chaque jour les histoires touchantes, drôles et délicates des femmes qui confient leurs chevelures à ses doigts experts et délicats. Rencontre.
Pourquoi avoir choisi ce métier ?
J’avais cette envie forte de rendre les femmes belles, et des les aider à s’aimer. Je vois cela comme une sorte de mission. C’est un métier qui a un côté très humain. Coiffer quelqu’un, c’est l’aider à se révéler. J’aime cette idée : je suis un révélateur…
Quel est votre rapport à la beauté ?
Le monde de la beauté ne m’intéresse pas vraiment. Cela peut paraître paradoxal, puisque je suis l’auteur de ce que l’on appelle un « blog beauté ». Mais je ne suis pas particulièrement intéressé par les modes, les tendances, les derniers produits… Selon moi, la beauté est à chercher à l’intérieur de soi, et pas dans les pages des magazines.
On dit souvent qu’il est facile de se confier à son coiffeur. Avez-vous ce type de relation avec vos client(e)s ? Vous considérez-vous comme un « thérapeute » ?
Je n’irai pas jusque-là. Mais il est clair qu’il se passe quelque chose lorsque l’on s’assoit dans le fauteuil du coiffeur. C’est d’ailleurs la partie de mon métier que je préfère. La parole se libère. Les femmes que je coiffe aiment se confier. Me parler de choses parfois très intimes. Peut-être est-ce parce que je leur touche la tête : il y a quelque chose qui se déclenche ! Non, je ne suis pas thérapeute, mais je sais que ce que je fais, cela aide les gens à se sentir bien. Et cela me fait du bien, à moi aussi. J’aime quand quelqu’un me dit « grâce à toi, je me sens "moi"» ou « maintenant, je m’assume en tant que femme. »
A la lecture de votre blog, on sent que votre passion dépasse votre métier de coiffeur. Vous aimez aller à la rencontre des femmes et de leurs histoires. Pourquoi ?
Je pense que les cheveux sont importants dans la vie d’une femme. On ne se coupe pas les cheveux pour rien, par exemple. On dit qu’on veut « changer de tête ». J’aime les histoires que racontent les cheveux. Ce sont ces histoires que je raconte sur mon blog. Je travaille d’ailleurs en ce moment à un projet d’installation vidéo pour le Musée du Quai Branly qui organise, à partir de la rentrée, une exposition sur les cheveux. Je travaille sur plusieurs films. Notamment des portraits de femmes, avec des femmes issues de l’immigration. Elles vont m’apprendre leurs « trucs beauté ». Une autre partie de l’exposition portera sur la perte des cheveux, due au cancer. J’ai donc suivi une femme avant, pendant et après sa chimiothérapie.
Vous avez également un projet avec le magazine Rose, un féminin pour les femmes atteintes de cancer. De quoi s’agit-il ?
Oui, je vais réaliser des vidéos tutorielles pour aborder la maladie, et la perruque, différemment. Il est incroyable de constater que la perte de leurs cheveux est parfois plus mal vécue par les femmes malades que le cancer lui-même. Il y a pourtant des choses à faire avec ces perruques, ces foulards, pour rendre les choses un peu plus joyeuses. Je voudrais les aider à prendre cela comme un jeu, comme une expérience.
Qu’est-ce que ce travail avec les femmes atteintes de cancer vous apporte, personnellement ?
Tous les rapports aux cheveux m’intéressent, toutes les histoires qu’ils véhiculent. C’est aussi très enrichissant d’aider ces femmes à se sentir belles. J’ai l’impression de servir à quelque chose. Cela va plus loin que de faire un brushing ! Le sujet du cheveu, je le traiterais toute ma vie, sous tous ces angles. J’ai aussi un travail en cours sur les cheveux et la religion…
Vous êtes donc un sociologue du cheveu ?
(Rire) C’est en tout cas ce vers quoi je tends. Cette exposition au Quai Branly sera une première étape. Peut-être que je finirai par ne plus coiffer du tout, et que je raconterai des histoires !
                            

Aller chez le coiffeur est une "réparation narcissique"


Renoncer à ses longueurs, passer au court n'est jamais un geste anodin. Sylvie Consoli décrypte ce geste, qui est aussi avant tout, un moyen de se sentir mieux avec soi même.
Sylvie Consoli est membre de la Société psychanalytique de Paris. Elle est notamment l’auteur d’un ouvrage sur la relation à notre peau, La Tendresse, paru aux éditions Odile Jacob.
Psychologies : Quel est l’impact d’un rendez-vous chez le coiffeur sur notre féminité ?
Sylvie Consoli : Ce qui se vit dans un salon de coiffure touche à l’image qu’on a de soi-même, qu’on veut donner aux autres et que les autres renvoient de nous. Le brushing impeccable de l’executive woman en est l’illustration parfaite. Quand notre image est fragilisée, aller chez le coiffeur, prendre soin de soi est un moyen de "réparation narcissique" en quelque sorte. Pour autant, le fauteuil du coiffeur ne remplace pas celui du psy. On trouve bien sûr une certaine écoute chez son coiffeur, c’est un lieu de détente qui met de bonne humeur. Mais, en aucun cas, cela ne remplace une thérapie.
Que signifie le fait de couper ses cheveux ?
Sylvie Consoli : La symbolique est forte. Le geste renvoie à l’histoire de la personne, et même à l’Histoire tout court. Couper ses cheveux à la garçonne dans les années 1920 avait une signification profonde : il s’agissait de prendre position. C’est toujours un peu le cas.
Y a-t-il un âge pour passer au court ?
Sylvie Consoli : C’est vrai que les cheveux longs renvoient à la petite fille à tresses innocente ou à la jeune femme séduisante. Le court est souvent un signe de maturité ou de transition. Toutefois, les militantes du Mouvement de libération des femmes (MLF) avaient les cheveux longs, en affirmation de leurs positions politiques. Dans un autre registre, une femme comme Françoise Hardy a très bien réussi son passage au court.

ensez-vous qu’aujourd’hui on puisse tout se permettre avec nos cheveux ?

Sylvie Consoli : Oui et non. Notre coupe de cheveux dépend souvent des codes en vigueur dans chaque milieu, professionnel ou social. Nous les prenons toujours plus ou moins en compte. Sans oublier les codes de la mode, évidemment, qui interfèrent souvent dans nos choix.
Choisir sa coupe en fonction d’un style en vogue plutôt que par rapport à son visage ou sa nature de cheveux, cela a-t-il du sens ?

Sylvie Consoli : Oui, puisqu’on peut de toute manière aller contre la nature de ses cheveux, en les colorant, en les défrisant... Aujourd’hui, les magazines relaient des modèles qui sont repris partout dans le monde. En coiffure, on évolue vers un rapport proche de celui de la chirurgie esthétique.
                                  

Nos cheveux et nous, pourquoi ça ne va jamais

Pas assez épais, pas assez longs, pas assez brillants… Nos cheveux nous donnent rarement satisfaction. Un mécontentement en apparence superficiel, mais qui révèle des questionnements profonds.
Certains motifs d’insatisfaction personnelle se taisent ou bien s’avouent sur le ton de la plaisanterie, car ils sont jugés trop superficiels pour que l’on en parle avec sérieux. Les cheveux sont de ceux-là. Trop fins, trop mous, pas assez blonds, pas assez brillants… Combien de fois avons-nous cédé à la colère, au découragement, au dépit ou au dégoût face à notre miroir ? Que faire de ces attributs censés sublimer la féminité ? Car si la formule, un brin désuète, selon laquelle ils seraient « la parure de la femme » prête à sourire, il n’empêche que la croyance est profondément ancrée dans les esprits. D’où l’exigence et l’attention sans relâche dont ils sont l’objet à longueur d’année.

Le salon des lamentations

« La plupart des femmes sont très critiques avec leur chevelure, elles n’en sont pas satisfaites, observe Stephan Monnerie, coiffeur chez Leonor Greyl. Elles veulent des “plus” : plus de brillance, plus de soyeux, plus de matière, mais elles veulent aussi ce qu’elles n’ont pas. » Même constat pour Olivier Cappuri, responsable d’un salon Camille Albane : « La semaine dernière, j’ai reçu une Brésilienne qui voulait un lissage et une Chinoise qui voulait des boucles. L’exemple est extrême, mais c’est un bon reflet de la réalité. Tout l’art du coiffeur consiste à réussir le grand écart entre fantasme et réalité. » Émilienne, 35 ans, se bat depuis des années avec « un faux ondulé sans style et un châtain terne » : « Dès que la couleur s’estompe et que le lissage s’en va, j’ai honte de le dire, mais j’ai un petit coup de déprime, comme si un masque tombait et que je me voyais telle que je suis, sans artifices, c’est-à-dire quelconque. »

Des nœuds inconscients à démêler

Si les psychanalystes remarquent que, à un moment de l’analyse, toutes les femmes évoquent, longuement ou brièvement, la façon dont leur mère touchait leurs cheveux, ce n’est évidemment pas un hasard. « Cet attribut de la féminité est investi de manière particulière par la mère, et donc ensuite par la fille, avance la psychanalyste Marie-Laure Colonna. Néglige-t-elle les cheveux de sa fille, les tire-t-elle pour les discipliner en chignon ou en queue-de-cheval, les lui fait-elle porter longs et lâchés, les lui coiffe-t-elle avec douceur ou brutalité ?
Ces désirs et ces gestes maternels participent à la construction de l’identité sexuée de la petite fille. »
C’est ainsi que, plus tard, des cheveux mal aimés ou, au contraire, bichonnés font revivre une partie de ce lien complexe. Les anciens plaisirs sont réactivés, les anciennes douleurs combattues ou reproduites. Joséphine, 40 ans, se souvient de sa coupe de garçon qui, de 7 à 10 ans, la faisait surnommer régulièrement « Joseph » par ses petits camarades. « Ma mère disait que, plus tard, mes cheveux seraient plus épais et plus forts si je les gardais courts. J’avais beau la supplier, elle ne cédait pas. Résultat, depuis l’âge de 10 ans, je les porte longs, à mi-dos, sans me poser la question de savoir si ça me va ou pas. C’est la part de féminité extérieure qui m’a manqué et que j’affirme et affiche aujourd’hui. »
Les cheveux constituent aussi, ne l’oublions pas, un caractère sexuel secondaire. Ils évoquent la part animale de la sexualité, qui nous rappelle que nous sommes aussi des mammifères, programmés pour nous reproduire. Plus la chevelure est saine, opulente, brillante, plus elle attire la convoitise mâle. « Exhiber sa crinière ou, au contraire, essayer de la dompter en la contrôlant en dit long sur notre rapport à la séduction et à la sexualité, affirme la psychanalyste Isabel Korolitski. Quant à désirer les cheveux d’une autre, blonds, bruns, frisés ou raides, c’est vouloir s’approprier le pouvoir sexuel que l’on prête à cette personne ou à cette image. Mais vouloir ce qui nous manque, ce qui nous fait défaut est la conséquence de notre identité de sujet, par définition incomplet. Dans toutes les quêtes humaines, il y a ce désir éperdu de revivre l’état de complétude. »

Le chemin de la réconciliation

Si les cheveux sont un motif d’insatisfaction, c’est parce que l’on projette sur eux tous nos fantasmes identitaires. « Les transformations rapides et visibles dont ils peuvent faire l’objet nous donnent l’impression que nous pouvons devenir une autre de manière presque magique, explique Isabel Korolitski. En une coupe et une coloration, on peut changer d’image, donc d’identité. On peut mettre en valeur une facette de soi restée dans l’ombre, se dégager symboliquement d’une filiation douloureuse, oser davantage de féminité… »
Si les motivations sont multiples, dans tous les cas, l’insatisfaction est un moteur qui pousse à réduire l’écart entre la perception que l’on a de soi et l’image que l’on renvoie. Plus l’écart entre les deux est ténu, mieux nous vivons avec nous-même. Malou, 42 ans, est devenue brune il y a sept ans. « Après trente-cinq ans de châtain miel naturel, je suis tombée sur une photo d’Emmanuelle Béart brune, les yeux soulignés d’un trait de khôl, et ça a été le déclic. J’ai réalisé que je ne m’étais jamais sentie blonde, que ma personnalité profonde était celle d’une brune, terrienne, alors j’ai franchi le pas. »
La réconciliation avec ses cheveux ne passe pas toujours par les extrêmes, c’est même souvent le contraire, estime Mireille Miroglio, directrice de la formation chez René Furterer. « De plus en plus, l’insatisfaction se traduit par un désir de mieux se connaître pour mieux s’accepter. Les couleurs tranchées ne font plus envie, les femmes désirent embellir leurs cheveux, sublimer le naturel, elles les veulent plus brillants, plus sains, plus toniques. C’est un cercle vertueux, un cheveu soigné est plus beau, et on prend davantage de plaisir à s’en occuper. » Pour ses 40 ans, Christine a choisi de s’offrir des soins, une coupe et une couleur dans un grand salon. « J’ai toujours fait le minimum pour mes cheveux fins et plats. Je me disais qu’ils ne méritaient ni efforts ni dépenses. Un tort, parce que, pour la première fois de ma vie, j’ai une coupe qui leur donne de la matière et une couleur qui leur procure de l’éclat. Ça n’a l’air de rien, mais je n’ai plus la même tête. Cela fait un an que je les soigne et le “miracle” continue. »
Sonia, 48 ans, a fait le chemin inverse. Après des années de ce qu’elle qualifie de « contrôle capillaire permanent », elle a décidé de laisser la nature reprendre le dessus. Ses cheveux, autrefois lisses et roux vif, sont aujourd’hui bouclés et gris. Une façon pour elle d’assumer avec bonne humeur le temps qui passe et sa paresse. Baromètre de nos états d’âme, laboratoire de nos expériences identitaires, notre chevelure et la relation que nous avons avec elle en disent souvent plus long – et plus vrai – sur nos désirs que nos discours.

Témoignage

"Maintenant, j’aime mes cheveux métissés"
Aurore, 38 ans est métisse. Pendant plus de vingt ans, ses cheveux ont été son obsession.
«Ma mère, congolaise, me répétait que j’avais la chance d’avoir la peau claire pour une métisse. Elle-même était foncée, elle voulait donc pousser “l’avantage” en faisant oublier mes cheveux frisés, limite crépus. Petite, je les portais en tresses tellement serrées que j’en avais des migraines. Je les haïssais, c’était comme une maladie honteuse qu’il fallait en permanence soustraire au regard des autres. Parfois je rêvais de me raser la tête. Et puis ma mère est morte, j’ai fait une dépression, j’avais 20 ans. J’ai suivi une thérapie pendant trois ans. Au début de la deuxième année, j’ai eu besoin de revendiquer mon métissage pour nous deux. J’ai arrêté les chignons, les défrisages, et j’ai assumé mes racines africaines et mes cheveux métissés. Ça a été comme une seconde naissance, je me sentais forte, comme porteuse de l’énergie que ma mère avait réprimée en elle. Aujourd’hui, je les aime, parce qu’ils racontent qui je suis et d’où je viens. »

Extensions : une perte d’énergie ?

Des cheveux plus longs, plus épais en quelques heures ? C’est le miracle de l’extension, cette technique de collage-tissage qui, à l’aide de brins naturels en provenance de Chine, de Russie ou d’Inde, transforme les chevelures insignifiantes en somptueuses parures. Si l’offre est tentante, elle n’est pas dénuée de risques, selon Rémi Portrait, pionnier français de la « coupe énergétique ». Ce coiffeur, qui travaille depuis plus de vingt ans avec le psycho-énergéticien Michel Odoul, considère, en accord avec la médecine chinoise traditionnelle, que « le cheveu est le fil de l’âme et la bande magnétique de notre vie ». En faisant fusionner ses cheveux avec ceux d’un autre, on prendrait le risque d’absorber aussi sa mémoire. « Un jour, j’ai pratiquement dû raser la tête d’une femme, une actrice célèbre, qui souffrait d’une fatigue aussi terrible qu’inexpliquée. Peu de temps après s’être débarrassée de ses extensions, elle a récupéré son énergie vitale. » Une mise en garde que les rationalistes purs et durs dédaigneront, mais qui fera sans doute hésiter tous les autres.

                                           

Mes petits rituels pour de beaux cheveux

Réaliser un shampoing, se sécher les cheveux, les brosser… La beauté de notre chevelure commence par des gestes simples. De bonnes habitudes méconnues, oubliées ou tout simplement sacrifiées pour cause d’emploi du temps trop chargé. Pourtant, pas besoin d’y passer des heures : voici cinq rituels express pour prendre soin de vos cheveux.
Cent coups de brosse tous les soirs avant d’aller au lit, disaient nos grands-mères. Un jus de citron dans l’eau de rinçage après le shampoing, conseillaient nos mères. Et nous, que faisons-nous au quotidien pour la beauté de nos cheveux ? Nous multiplions shampoings et soins, en oubliant parfois que quelques gestes simples et de petites précautions suffisent à garder des cheveux sains, en quelques minutes chrono.

Réhabilitons le brossage !

Non, nos grands-mères n’avaient pas tort ! Brosser nos cheveux avant le coucher ne présente que des avantages. Notamment celui de débarrasser la chevelure de la pollution et de tous les résidus qui sont venus la ternir et l’alourdir pendant la journée. Cela permet d’éviter également la formation d’épis disgracieux pendant la nuit.

Faut-il pour autant respecter le chiffre des 100 coups de brosse ? Pas forcément, l’exercice serait sans doute un peu fastidieux pour la plupart d’entre nous alors qu’un brossage consciencieux suffira. En revanche, inutile de ne s’en tenir qu’au soir : un long brossage tous les matins permettra aussi d’aérer la chevelure et de lui donner du volume pour la journée… Ce qui lui fait souvent précisément défaut après une nuit écrasée sur l’oreiller.

Hydrater tous azimuts

Cheveux longs, frisés, secs ? On mise sur une hydratation maximale ! A chacune de choisir sa méthode. La plus courante consiste à laisser poser un masque nourrissant après le shampoing une fois par semaine. Mais si l’on n’a pas envie – ou le temps – de s’attarder sous la douche, d’autres solutions s’offrent à nous. A commencer par ces soins quotidiens sans rinçage qui s’appliquent tous les matins comme une crème de jour pour cheveux.
Celles qui ne souhaitent pas s’y astreindre préfèreront peut-être recourir aux huiles qui, elles, font merveille avant le shampoing. Le mode d’emploi ? Avec un peigne, sur cheveux secs, on répartit quelques gouttes d’huile sur l’ensemble de la chevelure – pour les cheveux les plus déshydratés – ou juste sur les longueurs et les pointes – pour les cheveux plus gras. On laisse ensuite poser quelques minutes avant de passer sous la douche. Ou mieux, toute la nuit, les cheveux enroulés dans une serviette. Monoï, huile d’argan ou même huile d’olive : on peut choisir en fonction de ses goûts… Ou de ce qu’il y a dans son placard.

Shampouiner sans oublier de masser

Savons-nous réaliser correctement un shampoing ? La question peut paraître ridicule tant nous sommes habituées à nous laver les cheveux régulièrement… et rapidement. Et pourtant, nous avons certainement des progrès à faire ! 
Premier conseil : pendant le shampoing, on apprend à masser le cuir chevelu sans jamais le frotter. On insiste sur les zones clés – le sommet de la tête, au-dessus des oreilles et derrière la nuque – qui sécrètent plus de sébum et sont donc plus sensibles. Les petits massages circulaires, réalisés avec la pulpe des doigts, ont l’avantage d’activer en douceur la microcirculation sanguine. Résultat : les cheveux, mieux irrigués, retrouvent force et éclat. Mais attention, on évite absolument de frotter ou de gratter le cuir chevelu, ce qui ne ferait que l’irriter davantage.
Enfin, inutile de réaliser deux shampoings consécutifs, même si c’est souvent recommandé sur le flacon ! Mieux vaut suivre l’adage des coiffeurs - « Le premier shampoing lave, le second décape » - pour éviter de trop sensibiliser cuir chevelu et cheveux.

Apporter de la brillance

Contre les cheveux ternes, tout – ou presque – se joue au rinçage ! Premier réflexe, donc : les rincer toujours très minutieusement. Les restes de shampoing ou de soins sont les pires ennemis de leur éclat, en plus de les alourdir et de les rendre plus gras.
Pour leur apporter davantage de brillance, ensuite, rien ne vaut les astuces de nos grands-mères. A commencer par le jus de citron à ajouter à l’eau de rinçage une fois par semaine. Mais pas plus, pour éviter que l’acidité du fruit n’agresse les cheveux !
Les plus courageuses pourront également opter pour le vinaigre (de cidre de préférence) : un trait dans l’eau de rinçage rend effectivement les cheveux plus éclatants… A condition de tolérer l’odeur, pas forcément très agréable 
Mais le plus simple – et le plus rapide – consiste à se rincer les cheveux systématiquement à l’eau froide (mais pas glaciale pour ne pas les rendre plus cassants). Le froid contribuera à refermer leurs écailles et à les faire paraître immédiatement plus éclatants.

Un séchage en douceur

Le dernier geste, tout aussi facile à mettre en œuvre, consiste à soigner le séchage de nos cheveux. A éviter à tout prix : les séchages brutaux – par manque de temps, combien d’entre les frottent très vigoureusement avec une serviette au risque de les casser ? – et les brushings trop réguliers qui les fragilisent d’autant que le sèche-cheveux est utilisé très chaud. La solution idéale ? Elle dépend des cheveux et de l’emploi du temps de chacune. Pour commencer, mieux vaut les enrouler en douceur dans une serviette. Les plus pressées, ensuite, opteront pour un séchage au sèche-cheveux. Pour que celui-ci soit le plus doux possible, on choisit une température moyenne (jamais la plus chaude), on n’approche jamais le sèche-cheveux à moins de 15 cm de la tête et on veille à ce qu’il soit toujours en mouvement.
L’alternative, le séchage à l’air libre, est effectivement plus douce mais c’est un luxe réservé à celles qui n’ont pas besoin de discipliner leur chevelure… et qui ont le temps. Car la principale précaution à prendre est de ne surtout pas sortir en ville avec les cheveux mouillés ! Ceux-ci sont en effet plus fragiles et plus exposés à la pollution qui s’y collera et les étouffera toute la journée. Avis donc aux plus pressées !

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