Désir

Femme et homme, deux ou trois choses à savoir

Dans le domaine de la sexualité, nous rappelle le sexothérapeute et psychothérapeute Alain Héril, la projection est un comportement dangereux : ne donner à l’autre que ce que l’on aime(rait) recevoir est souvent source de malentendus, de frustrations ou de conflits

Du côté de l’homme

Sans tomber dans les généralités, sexologues et chercheurs s’accordent pour reconnaître que la sexualité de l’homme est visuelle, centrée sur son sexe et plutôt pulsionnelle. De ces caractéristiques, qui sont ultérieurement modifiées car personnalisées par l’histoire de chacun, découlent des comportements qui peuvent provoquer incompréhension ou conflit.
Une excitation d’abord visuelle. À vous de tester ce qui déclenche le désir de votre partenaire. Quelle mise en scène ? Quelle érotisation du corps ? Quels souvenirs ou images ?
Une anxiété focalisée sur son sexe. Et qui consomme une grande partie de son énergie psychique. D’où un comportement souvent « sexo-centré » que vous pouvez prendre pour de l’égoïsme, ou un côté un peu primaire qui peut être l’expression de son anxiété. À vous, aussi, de le sécuriser avec vos mots et vos gestes.
Une production d’hormones sexuelles en continu. Autrement dit, de testostérone. Les hommes sont donc, plus que les femmes, soumis à la pulsion. Ce qui entraîne malentendus et querelles sur le thème « tu n’as jamais envie » versus « ce n’est pas le moment ». Pourquoi, de temps en temps, ne pas répondre aussi à la pulsion ?

Du côté de la femme

On vous épargnera les banalités sur la femme plus sensuelle et plus tendre que l’homme. Mais on ne peut négliger tout à fait la dimension émotionnelle de la sexualité féminine. Et son importance dans la complexe et subtile mécanique du désir.
Une réceptivité aiguë au climat émotionnel. Et au contexte affectif. Ainsi, lorsque le désir semble émoussé ou absent, il peut être utile d’interroger le climat relationnel et affectif. Comment prenez-vous soin de l’intimité de votre couple ? Êtes-vous suffisamment à l’écoute ? Soutenez-vous assez votre partenaire ?
Un désir en miroir. C’est-à-dire la tendance des femmes à désirer plus intensément lorsqu’elles se sentent désirées. Mais encore faut-il que ce désir exprime « j’ai envie de toi » et non « j’ai envie de faire l’amour ». Savez-vous faire passer ce message ?
Une différence entre orgasme et jouissance. Atteindre le point culminant du plaisir n’est pas forcément le signe que la jouissance sexuelle a été au rendez-vous. Celle-ci est plus large, elle comprend une satisfaction physique, psychique et sensuelle. Elle se traduit par un abandon complet du corps et de l’esprit.
                                       

De quoi les femmes ont-elles vraiment envie ?


Les femmes sont-elles un peu, beaucoup libérées ? Et leurs désirs, sont-ils insatisfaits, comblés ? Loin des stéréotypes, nous avons voulu savoir comment, en 2014, elles jugent leur vie sexuelle, quels sont leurs tabous, satisfactions, fantasmes, plaisirs… Un grand sondage Ipsos pour Psychologies commenté par nos experts.
ès de cinquante ans après Mai 68, s’il est une chose que la révolution dite sexuelle aura permise, c’est bien la libération de la parole, et particulièrement celle des femmes. Dans notre sondage, la quasi-totalité d’entre elles (97 %) a le sentiment qu’elles peuvent et osent parler davantage de leurs désirs sexuels, et ce, tous critères confondus, quel que soit leur âge, leur niveau d’études ou leur situation de famille. 82 % perçoivent d’ailleurs cette libération comme un phénomène positif. Les femmes se sentent plus libres d’exprimer leurs désirs, trouvent « facile » de parler de leurs positions préférées avec leur partenaire (70 %), de leurs pratiques (66 %) et de leur jouissance (64 %), moins toutefois de leurs fantasmes (49 %).
Elles pensent que les hommes en parlent et les réalisent plus souvent qu’elles. Ce qui ne surprend pas le psychanalyste et sexothérapeute Alain Héril : « L’inconscient collectif féminin reste encore imprégné de l’idée que le fantasme est masculin. Depuis vingt-cinq ans, dans mon cabinet, je reçois des femmes qui me disent qu’elles n’ont pas de fantasmes. Et quand je leur réponds qu’elles en ont peut-être mais qu’elles ne veulent pas y accéder, elles me regardent comme si ce n’était pas envisageable. Pourtant, les images fantasmatiques sont bien présentes en elles. Simplement, elles ne se donnent pas de droit d’entrée. »
La psychanalyste Sophie Cadalen partage ce point de vue et souligne que, souvent, « les femmes surestiment la capacité des hommes à parler de leurs fantasmes. Et si elles évoquent plus facilement leur plaisir, c’est que celui-ci est au coeur des codes en vigueur : supposé délicat pour elles, il ne cesse d’être interrogé comme un Graal à conquérir pour être une “vraie” femme ».
Est-ce à cause de ce mythe – le statut de « femme » qui ne s’atteindrait que grâce à l’épanouissement sexuel – que leurs attentes ne sont pas totalement comblées ?

Elles veulent faire plus et mieux l’amour

La note de satisfaction qu’elles décernent à leurs relations sexuelles n’est pas mauvaise, mais pas non plus exceptionnelle (7,1 sur 10). Si, comme le soutient Platon, et avec lui les psychanalystes lacaniens, désirer c’est manquer, alors la mission est accomplie. Les femmes sont loin d’atteindre la béatitude de la satiété. Moins d’une sur cinq attribue une note comprise entre 9 et 10 (19 %) à son plaisir au cours de ses rapports, tandis qu’un tiers se montre relativement critique en lui donnant une note inférieure ou égale à 6 sur 10 (30 %). Curieusement, le fait d’être en couple ou célibataire n’influe pas vraiment sur la note.
C’est un peu comme si le temps passé avec l’autre n’avait pas contribué à nourrir la complicité, la connaissance du corps et des goûts de celui qui partage leurs nuits. Si la plus forte proportion de femmes (21 %) qui donnent une note située entre 9 et 10 est mariée, ce sont également elles qui distribuent les plus mauvaises appréciations
En termes de fréquence, en tout cas, la rareté des rapports sexuels n’est pas la norme. Aujourd’hui, une femme sur deux déclare faire l’amour au moins une fois par semaine (51 %, dont 4 % au moins une fois par jour, 27 % entre deux et cinq fois par semaine et 20 % une fois par semaine).
Malgré ces résultats, beaucoup souhaiteraient faire l’amour plus souvent. Presque une femme sur deux aimerait avoir des relations sexuelles plus fréquentes qu’aujourd’hui (47 %), et seulement 6 % avouent qu’elles préféreraient faire l’amour moins souvent (contre 46 % qui se montrent satisfaites de la fréquence actuelle de leurs relations sexuelles). Est-ce la vie quotidienne stressante qui les épuise et les éloigne du sexe ? Ou les hommes auraient-ils, à leur tour, « la migraine » ? Sont-ils effrayés par les femmes, particulièrement par les jeunes ? Les 18-24 ans sont en effet très nombreuses à affirmer vouloir faire l’amour plus souvent (61 %).
La psychanalyste Catherine Blanc refuse, elle, d’aborder le problème sous un angle quantitatif : « Nous n’avons pas besoin de faire l’amour quatre fois par jour. Que voudrait dire cette revendication : faire la démonstration de nos capacités ? La sexualité, c’est la rencontre de deux élans, celui du corps – la mobilisation du système nerveux – et ce que l’humain va en faire : refuser peut-être cette excitation corporelle, ou l’accueillir. Et qui sait, avoir un orgasme ? Tout cela dépend de l’individu, de son âge, de ses préoccupations et de sa quête dans sa relation au partenaire, mais aussi à la société. La sexualité est le théâtre de grands enjeux : nous ne sommes pas seuls dans un lit. Nous sommes avec notre corps, avec l’idée que nous en avons, mais aussi avec la relation, ses impératifs, la perception que nous nous en faisons, avec l’enfant que nous étions, avec ce que la société imagine de ce que nous devons être à 20, 30, 40, 50 ou 60 ans. »

C’est cette influence de l’environnement extérieur, des normes définies par la société, qui perturbe notre rapport à la sexualité, assure Sophie Cadalen. « L’angoisse de mes patients se résume toujours à cette interrogation : “Est-ce que je suis normal ?” Et à mon sens, quand les femmes affirment vouloir faire plus fréquemment l’amour, c’est de ça dont il est question car, pour le reste, elles ont l’air assez satisfaites : 7,1 comme note, ce n’est vraiment pas mal.
Se plaignent-elles parce qu’elles ont envie ou parce qu’“il faudrait” ? Honnêtement, j’ai l’impression que les femmes deviennent aujourd’hui de plus en plus actrices de leur sexualité. » Une affirmation corroborée par les chiffres : 53 % affirment prendre souvent l’initiative de l’acte sexuel. Les jeunes âgées de 18 à 24 ans sont 18 % à affirmer le faire très souvent (contre 6 % pour les 45-59 ans). L’égalité est en marche.
                                            

7 exercices pour éveiller ses sens

Comment éveiller ses cinq sens ?

La vue, le toucher, le goût, l’odorat, l’ouïe, il est possible de stimuler ses cinq sens et de raviver ainsi tout son être charnel. Suivez les recommandations de nos experts en sensations.
Nous naissons avec une attention extrême et quasi permanente à tout ce que nous percevons par chaque pore de notre peau. Il en va de notre survie. Et de notre apprentissage du monde, qui se laisse d’abord découvrir, très primitivement, par ses odeurs, ses saveurs, ses bruits et ses images. Puis, au fil des années, notre vigilance s’amenuise. Par nécessité : rester sans cesse disponible à toutes les informations reçues par nos sens serait sans aucun doute invivable ! Mais aussi par facilité et par négligence, avec l’idée, plus ou moins consciente, que la vue nous suffirait presque, à l’ère du « tout images ». Cette hiérarchie des cinq sens n’est pas propre à notre époque. Les penseurs occidentaux ont toujours eu tendance à déconsidérer l’odorat – « de tous les sens, celui qui paraît contribuer le moins aux connaissances de l’esprit humain », note Condillac in Traité des sensations(Fayard, 1984) –, l’ouïe ou le goût, au bénéfice de la vision. Depuis Platon, qui nous exhorte à sortir de la ténébreuse caverne pour accéder aux idées claires, penser et voir semblent être les deux dimensions d’un même mouvement.

Des exceptions existent cependant, aussi sensorielles que spirituelles, tels Montaigne le glouton – « Je mords ma langue, parfois mes doigts, de hâtivité » (in Essais, Pocket, “Classiques”, 2009)–, Nietzsche le mélomane, accusant les philosophes du passé d’avoir eu « de la cire dans les oreilles » (in Le Gai Savoir, Le Livre de poche, “Les classiques de la philosophie”, 2008), ou encore Lévinas, chez qui la caresse, parce qu’elle consiste à « ne se saisir de rien » tout en cherchant quelque chose, devient un moyen d’accéder à une autre réalité : « Elle transcende le sensible. » (in Totalité et infini, essai sur l’extériorité, Le Livre de poche, “Biblio essais”, 2009).  Des penseurs à lire et à relire, comme autant d’invitations au réveil des sens. Pas seulement par plaisir, mais parce que, comme le dit le maître zen Jacques Castermane, auteur de La Sagesse exercée (Le Relié, 2013) en citant Karlfried Graf Dürckheim, « les sens sont les portes qui s’ouvrent sur notre propre essence ». Voici quelques façons simples de vous reconnecter à chacun des vôtres.

Découvrez votre main

Par Éric Pireyre, psychomotricien

« Tout en la bougeant lentement, portez toute votre attention sur votre main : regardez sa forme, sa constitution, sa texture, ses mouvements… Efforcez-vous de percevoir toutes ses sensations : variation de chaleur, souplesse ou raideur… Cet exercice de redécouverte visuelle peut être appliqué à différentes parties du corps. Ensuite, prenez un sèche-cheveux, approchez le souffle de votre main et ressentez chacune des sensations que cela vous procure. Ou demandez à une autre personne de tenir le sèche-cheveux et de se mettre à l’écoute de ce que vous ressentez. Le plus souvent, cela ravivera des sensations positives, mais il faut aussi être prêt à voir remonter des émotions plus complexes, selon l’histoire de chacun. »

Jouez avec les épices

Par Patty Canac, olfactothérapeute

« Lors d’un dîner entre amis, disposez sur la table des pots contenant des herbes fraîches et des épices entières : cumin, basilic, persil, menthe… Et laissez chacun en agrémenter son plat, en utilisant un mortier ou des ciseaux : les aromates vont immédiatement révéler leur puissance odorante, que l’on ignore habituellement au bénéfice de leur saveur. Tentez ensuite, à la dégustation, de retrouver chaque épice dans vos bouchées : que reste-t-il de son parfum ? Comment s’est-il modifié ? Puis ressentez sa forme, sa texture, ses effets sur les autres ingrédients… Cela permet de prendre conscience qu’odorat et goût sont dépendants l’un de l’autre. »
Plus d'infos sur olfarom.com

Devenez chasseur de son

Par Cécilia Jourt Pineau, musicothérapeute

« Transformez vos trajets du matin en trajets de découvertes sonores : bruits, sons, voix, musiques… Qu’entendez-vous ? Soyez plus attentif et pleinement présent dans l’écoute de ce paysage sonore qui fait votre quotidien et qui vous accompagne tous les matins. Si vous avez des enfants, partagez avec eux vos découvertes, ils adorent ; ce sont de véritables chasseurs de sons ! »

Pratiquez la "danse du souffle" à deux

« La pratique du watsu, sorte de shiatsu dans l’eau créé dans les années 1980, nécessite un bassin suffisamment grand (trois mètres de long) pour s’y déplacer à deux, une eau à 35 °C minimum, et, pour cet exercice, une frite. Une personne est le donneur, l’autre, le receveur. Dans des gestes lents, à l’aide de la frite calée sous ses genoux, le receveur doit se retrouver à flotter sur le dos, le côté droit de son corps contre le torse du donneur et sa tête venant se poser sur le coude gauche de celui-ci. Le donneur enlève ensuite la frite, qu’il remplace par son bras droit. Le receveur flotte ainsi sans effort et en toute sécurité entre les bras du donneur, qui porte toute son attention sur l’autre. La respiration de chacun doit rester tranquille, naturelle. La température de l’eau offre un confort absolu, comme si intérieur et extérieur du corps se confondaient. À chaque inspiration, le corps flottant descend un peu dans l’eau, puis se soulève à l’inspiration. Le donneur peut accompagner et accentuer ces variations en rapprochant ses bras l’un de l’autre à l’inspiration puis en les écartant à l’expiration. Cet exercice de dix à quinze minutes invite le donneur à se mettre entièrement à l’écoute de l’autre, et le receveur, à celle de son propre corps, qu’il ressent à la fois très libre et contenu grâce au soutien de son partenaire. Suivi dans sa respiration, il a la sensation d’être accepté inconditionnellement, dans une relation de bienveillance. »

Ressentez votre corps avec une balle dans le dos

« Allongez-vous sur le dos, une balle souple d’environ huit centimètres de diamètre posée à côté du bassin. Sentez le contact avec le sol, sans modifier votre position, dans le but, par exemple, d’y coller votre région lombaire. Ce processus mystérieux qu’est l’acte de sentir vous permet rapidement de différencier les zones de votre corps qui appuient vraiment sur le sol et celles qui, au contraire, semblent l’effleurer ou ne sont pas en contact avec lui. Ensuite, placez la balle sous votre sacrum. Restez allongé dessus pendant quinze minutes dans une parfaite immobilité. N’ayant rien à faire – rien à faire, mais à fond ! –, accueillez l’acte d’inspirer qui se présente à ce moment-là à travers la sensation, puis l’acte d’expirer de la même façon. Et, à l’occasion de chaque expiration, posez-vous sur la balle un petit peu plus. Si vous souffrez de douleurs lombaires, ne forcez pas ! Quand le quart d’heure est atteint, retirez la balle en roulant légèrement sur un côté et, aussitôt, laissez-vous retomber sur le dos, sans modifier votre posture. Commence alors l’expérience qui est le but de cet exercice : se sentir allongé sur le sol et accueillir toute sensation. Il n’est pas rare d’être étonné par la présence d’un vécu intérieur inhabituel. Je m’interdis de le nommer. À chacun de découvrir les effets de ce passage de “l’idée d’un corps que l’on a à l’expérience du corps que l’on est” en s’impliquant dans l’exercice et l’expérience du sentir. »
Plus d'infos sur www.centre-durckheim.com

Voyagez dans vos émotions olfactives

Par Patty Canac, olfactothérapeute

« En marchant dans la rue, portez votre attention sur ce que vous sentez, sans chercher à nommer précisément l’odeur : à quelle catégorie appartient-elle ? Alimentaire, industrielle… ? Quel souvenir ravive-t-elle ? À quelle période ? Avec qui étiez-vous ? Et, progressivement, tentez d’entrer dans ce souvenir comme dans une vidéo. Le sens olfactif a, plus que tout autre, le pouvoir de nous faire voyager dans un espace-temps émotionnel où revivent l’ensemble des sens. »
 Mieux écouter, c’est aussi mieux travailler sa mémoire sonore et musicale. Mémoire qui perdure très tard en âge, même chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer. Voici trois façons de travailler cette mémoire sonore. 1. Tentez de vous souvenir d’une musique de votre enfance. Commencez par la chantonner dans votre tête, puis fredonnez-la. Ensuite, faites la comparaison avec la version originale. Plus vous vous entraînerez, meilleurs seront vos résultats. 2. Rappelez-vous d’un bruit ou d’un son plaisant de votre enfance. Quelles sensations cela déclenche-t-il en vous ? Souvent, ce sont des souvenirs particulièrement prégnants, un peu comme des madeleines de Proust sonores. 3. Osez communiquer avec votre entourage au sujet de vos trésors sonores, ces sons que vous aimez, ceux qui vous ramènent en enfance, ceux que vous avez découverts récemment – on le fait souvent pour la musique, mais très peu pour les sons –, et soyez curieux en leur demandant les leurs. »
                          

Elles ont fait la paix avec leur corps

Elles ont fait la paix avec leur corps

Chacune à sa manière, Émilie et Ingrid malmenaient leur organisme. Mais celui-ci a, un jour, atteint le point de rupture et les a contraintes à changer leur façon de vivre. Elles racontent.

"J’ai retrouvé la satisfaction simple de manger”

Émilie, 25 ans, en recherche d’emploi
« Les premiers troubles ont surgi à 14 ans. Il me semblait manger trop. J’ai supprimé le sucré, le gras, puis réduit les portions pour finir avec un fruit par jour. Au bout de deux mois, je ne ressentais ni l’envie ni le besoin de me nourrir. C’est lorsque mes parents m’ont fait hospitaliser que j’ai entendu parler d’anorexie. Je pesais 34 kilos pour 1,67 mètre. Cette pathologie cachait un mal-être profond : mon tempérament tourmenté dévorait mon corps devenu, à mes yeux, inutile. On m’a nourrie par sonde pendant quatre mois, jusqu’à ce que je n’en puisse plus de l’hôpital. Je me suis réalimentée pour… pouvoir sortir. Mais j’ai souffert d’un grand vide que j’ai comblé par la boulimie. Du contrôle, j’ai basculé dans le lâcher total. Je suis montée jusqu’à 69 kilos. Ces années ont été les pires, entre crises de boulimie, tentatives de suicide, hospitalisations… Heureusement, il y avait les séances avec une psychiatre et l’écriture. J’ai pu dialoguer avec ma mère à travers des lettres et coucher mes maux dans un livre, Disparaître pour exister (Édilivre, 2008). Vers 18 ans, j’ai réussi à me stabiliser en rentrant dans un “processus anorexique conscient”. Mon séjour, l’an dernier, dans un foyer international a été une étape décisive. J’ai retrouvé la satisfaction simple et innée de manger. Ce fut une renaissance gustative et sensitive. Aujourd’hui, je ne me nourris pas pour me nourrir, mais pour éprouver du plaisir. J’avais tenté de tuer mes sens, ils se sont démultipliés. Grâce à la psychanalyse, je commence à m’apprivoiser, à accepter ma complexité. »

"Je ne danse plus en force, jusqu’à la douleur"

Ingrid, 31 ans, danseuse
« J’ai subi un grave accident il y a cinq ans. Je travaillais dans un cirque équestre. En une fraction de seconde, ma vie a basculé. Dans un numéro de danse aérienne, mon partenaire m’a lâchée, j’ai chuté de quatre mètres. Je me suis retrouvée à l’hôpital avec deux barres en titane et six vis dans le dos. Après six mois d’hospitalisation et de longs mois de souffrances, je suis remontée sur scène. Mais je ne suis plus la même. Je suis devenue hypersensible, fragile. Moi qui étais dotée d’une grande souplesse, je ne peux plus jouer la carte de la performance. Mais j’ai acquis celles du plaisir et de la sincérité. Je danse avec mes émotions – la joie de pouvoir remonter sur scène, ma peur de ne pas être à la hauteur, ma féminité. Cette sensualité apparaît surtout lorsque je danse le flamenco ou les pin-up dans Divine Compagnie, une revue que j’ai cocréée après mon accident. Mon corps est libéré. Je vis et sens chaque geste. Même lorsque je suis simple interprète, je danse en finesse : une musique, un son, un mouvement vont me parler et m’inviter à leur donner une signification. Si j’ai autant de choses à dire, c’est à cause de mon accident et grâce à lui. Mon corps ? Je le préserve. Je ne danse plus en force, jusqu’à la douleur, comme je l’ai fait pendant des années. Je l’ai trop malmené depuis mon entrée au conservatoire, à 10 ans. J’ai grandi avec l’idée que je devais toujours pousser mon corps au-delà de ses limites… Jusqu’à mon accident. Il a fallu que je passe par là pour comprendre qu’il n’était pas une machine. Aujourd’hui, je vis de la danse, mais je me prépare à devenir comédienne. Je veux que cette décision d’arrêter soit la mienne et non celle de mon corps. »
                                    

Mon corps, mon ennemi ?

Mon corps, mon ennemi ?

Ressentir, se faire plaisir, c’est d’abord se mettre à l’écoute de son corps. Mais en sommes-nous encore capables ? À l’heure du bien-être et de l’hédonisme assumés, pourquoi notre sensualité semble-t-elle endormie ?
urir. Cela faisait neuf mois que j’attendais de pouvoir rechausser mes baskets et m’échapper dans les bois, à la façon d’un chien fou dont on vient de décrocher la laisse. Sensation de liberté. Bonheur d’autant plus grand de reprendre possession de tous mes moyens physiques que, durant des mois, ce corps enceint n’a pas été que le mien et qu’il ne lui ressemblait même plus. Mais ça y est, j’y suis, enfin. Corps tout entier. Les jambes lourdes et les bras engourdis se réveillent lentement, les genoux chauffent sous l’effet du mouvement répétitif, les chevilles, raides, se détendent péniblement à chaque foulée, partout la chair vibre, le souffle se cherche en oscillant. Je redécouvre chaque muscle, chaque articulation, par les seules sensations… De douleur ou de plaisir ? Difficile à dire, les deux se mélangent sans distinction. Mais le bonheur est total : bonheur de se sentir « être » un corps. Psychomotricien, Éric Pireyre confirme : « Ressentir son corps en mouvement est, en soi, une source de plaisir. C’est la définition de la sensualité : le plaisir à activer sa sensorialité, c’est-à-dire le fonctionnement physiologique de son organisme. » Et, d’après lui, « ce plaisir tient au sentiment d’être “entier”, de prendre la mesure de soi dans sa globalité ».

Le "tombeau de l'âme"

Aurais-je pu confier un tel plaisir « global » et « sensuel » il y a, disons, cinquante ou cent ans, sans craindre d’être classée au rayon pornographique ? Pas sûr. Durant des siècles, le corps, « tombeau de l’âme » d’après Platon, a été dénigré, oublié, caché, les plaisirs ou les douleurs qu’il procure étant, comme le dit le philosophe grec, des « clous » qui nous rivent à lui et nous empêchent de penser. « Ce n’est pas un hasard si le plaisir sexuel a été appelé la petite mort, remarque la philosophe Chantal Jaquet, car il soustrait à la vie, la suspend, de sorte que le sujet s’anéantit momentanément en lui et ne pense plus à rien. » (in Les Liens corps esprit, Dunod, 2014). Sur fond d’une séparation triviale, mais généralement admise, entre corps et esprit, les plaisirs physiques sont soupçonnés de tirer vers le bas l’esprit, qui ne peut plus s’élever vers la connaissance. Et encore moins vers Dieu : la tradition judéo-chrétienne perpétuera ce rejet du corps et des sens, associés au péché et aux plus vils instincts.

Mais tout cela est de l’histoire ancienne ! Il suffit de constater comment les offres de massages en tout genre ont envahi les rues et les spas des hôtels pour prendre la mesure du renversement culturel : contre le stress ambiant, il est désormais une priorité que de savoir se « faire du bien ». Notre époque court après les plaisirs du corps, non seulement par hédonisme et du fait de la libération des mœurs, mais parce qu’elle admet enfin que cela lui réussit « globalement ». La banalisation du terme « psychosomatique » en rend compte : les interactions entre corps et esprit, notamment mises en avant en Occident par la psychanalyse, ne sont plus un secret pour personne. Et c’est ainsi que les pratiques orientales, qui ont, elles, toujours envisagé l’être dans cette globalité, nous séduisent tant aujourd’hui – le yoga, qui signifie « union », en est un exemple.

Un "objet à disposition"

Le message actuel est donc clair : prenez soin de votre corps, bichonnez-le. En un mot : jouissez ! Et vous éloignerez le spectre de la maladie et du stress. L’évolution est remarquable. Mais elle a ses travers. Car ce report d’attention sur le corps s’est déroulé sur fond de mode, de marketing, et qu’il a aussi rencontré notre narcissisme. Ainsi, après avoir été oublié et honteux pendant des siècles, le corps se retrouve, plus que soigné, sans cesse observé, pesé, mesuré, remodelé, cœur de nos préoccupations et de tant d’efforts. Deux conceptions opposées, mais qui constituent un même dénigrement, un même « adieu au corps », pour reprendre le beau titre du livre du sociologue David Le Breton. « Le corps est devenu, constate-t-il, un objet à disposition sur lequel agir afin de l’améliorer, une matière première où se dilue l’identité personnelle et non plus une racine identitaire de l’homme. »

Quand je lui annonce avoir repris la course à pied, mon médecin me dit comprendre : « Moi aussi, j’essaie de rester en forme et de retrouver la ligne, alors j’ai acheté un tapis de course. J’installe ma tablette devant moi, je regarde un film et j’essaie de tenir une demi-heure. C’est génial, je cours sans m’en rendre compte ! » Ce n’est pas faux : une étude scientifique (inThe Journal of Sports Medicine ans Physical Fitness, 2012) a démontré qu’écouter de la musique en pratiquant du sport bloque jusqu’à 70 % des sensations, ces informations physiologiques étant retenues par la diversion musicale avant d’atteindre le cerveau. Et l’on imagine que, lorsque à cette musique s’ajoute un film, la diversion doit frôler les 100 % ! Oui, mon médecin fait du sport sans que son corps s’en rende compte. D’ailleurs, celui-ci le lui rend bien : il est toujours aussi pesant et peu musclé !

Notre volonté de maîtrise

En l’entendant me décrire son expérience de coureur sur tapis, je mesure combien lui et moi ne parlons pas du même corps ni du même plaisir. Il y a le corps que l’on ressent, que l’on habite, qui nous enracine dans l’instant, porteur des marques de notre histoire et de nos origines, ce corps qui perçoit la chaleur, le froid, les odeurs, qui voit, qui apprécie, qui vomit, qui jouit, qui caresse… Bref, le « corps que l’on est ». Et puis, il y a le corps que l’on regarde dans un miroir, que l’on tatoue, que l’on pare, que l’on mesure, ce corps que l’on fait courir sur un tapis sans le ressentir dans le seul but de lui donner une certaine « forme » et une certaine « ligne ». En d’autres mots, le « corps que l’on a ». Ce corps-là aussi sait procurer ses plaisirs, bien sûr : quand le bip final de son tapis roulant retentit, mon médecin connaît celui d’avoir tenu bon. Fier de son courage, il est satisfait d’avoir surmonté la douleur et l’impatience. Quand il s’habillera, il constatera peut-être qu’il pourra resserrer sa ceinture d’un cran et il sourira de contentement. Ces plaisirs sont réels, puissants, motivants. Mais ce sont les plaisirs de l’ego, nés de la maîtrise du corps. C’est le « moi » qui se réjouit d’avoir su devenir, pour paraphraser Descartes, « maître et possesseur de la nature » que représente le corps. Ce plaisir-là repose sur le sentiment de toute-puissance de celui qui se croit au-dessus des lois du corps – donc inaccessible à la souffrance, à la maladie, à la mort.

Une histoire de peau

Je mentirais si je disais que, passé l’état de grâce des premières foulées en plein air, je n’avais pas, moi aussi, très envie que l’on aide mon cerveau à ne pas recevoir les douloureuses informations envoyées par mon corps ! Et si je niais que, bientôt, ma motivation pour chausser mes baskets serait moins souvent la joie de ressentir ma chair vibrer que la conviction de participer à la fonte des graisses superflues… Se focaliser toujours sur le « corps que l’on est », rester sensoriel et sensuel n’est pas une sinécure. D’abord parce qu’en recherchant le plaisir nul n’est jamais sûr de ne pas croiser son contraire, comme l’a constaté Socrate tandis qu’il se grattait la jambe en prison : « Quelle chose déconcertante ce que les hommes appellent l’agréable, et quel étonnant rapport sa nature entretient avec ce qu’on tient pour être son contraire, le pénible : […] si on poursuit l’un et qu’on l’attrape, on peut presque dire qu’on est aussi obligé d’attraper l’autre. » (in Phédon de Platon, Flammarion, GF, 1991)

Se remettre à l’écoute de son corps, c’est aussi prendre le risque de se confronter à ses failles, à ses carences, à sa finitude, dont sa matérialité est un rappel radical. Cela suppose également d’être prêt à réveiller des parts de soi plus ou moins consciemment passées sous silence : « Lorsque vous portez toute votre attention sur votre ressenti physique, vous ne pouvez pas prédire les émotions qui vont surgir, ni leur violence », explique Éric Pireyre. Notre histoire est écrite à fleur de peau ; certaines zones et certains sens ont été davantage investis que d’autres, plus ou moins positivement, depuis nos premiers contacts avec nos parents et avec le monde. Sans parler des complexes qui ont pu se greffer sur certaines parties de ce corps, alors détesté de ne pas être aussi beau, vif, mince et lisse que nous le souhaiterions dans nos rêves dopés à l’image parfaitement « photoshopée ».

La honte d'être humain

Enfin, revenir au corps, c’est se remettre à l’écoute de soi dans l’instant, quand, dans notre quotidien en accéléré et avide de technologies, tout tend à disperser notre attention. Notamment en nous offrant toujours plus de gadgets pour faire obstacle entre nous, notre peau, notre vue… Bref, entre nos sens et le monde. Combien, par exemple, savent encore apprécier un spectacle ou un paysage autrement qu’à travers l’écran d’un Smartphone ou d’une tablette ? Et ce n’est qu’un début. Dans le monde du posthumain qu’on nous promet, il ne sera plus nécessaire de se lever de son canapé pour vivre toutes sortes d’expériences. « Tout tourne autour de l’idée de dématérialisation, donc, croit-on, d’une spiritualisation », analyse le philosophe Jean-Michel Besnier, spécialiste des technologies de l’information et de la communication. Mais, selon lui, cette « idéologie posthumaniste provient plus du sentiment d’impuissance, de la dépression. […] Cette fatigue d’être soi, cette honte d’être humain me paraissent l’élément le plus intéressant. Il explique pourquoi, aujourd’hui, plus on déteste l’homme, plus on aime les machines, pourquoi on tente de prendre la fuite dans le goût pour les automatismes » (in Humain, une enquête philosophique sur ces révolutions qui changent nos vies de Monique Atlan et Roger-Pol Droit, Flammarion, 2012). Ainsi, le nouveau rejet du corps serait non plus le fait d’une surpuissance accordée à l’esprit mais, au contraire, le symptôme de la profonde déprime de celui-ci. En d’autres mots : adieu Descartes, bonjour tristesse.

L'oublier pour exister

Heureusement, il nous reste l’autre. Comme le souligne Éric Pireyre, « le corps existe bien mieux à deux ». Caressé, effleuré, embrassé, notre corps oublie de se regarder et de se « penser » : il n’a plus qu’à se laisser percevoir et ressentir, en même temps qu’il perçoit et ressent l’autre corps. C’est l’expérience du « touchant-touché » décrite par le philosophe Maurice Merleau-Ponty : « Toucher c’est se toucher. » (InLe Visible et l’Invisible de Maurice Merleau-Ponty, Gallimard, 1979) Ainsi, caresser, sentir, aimer l’autre, c’est en même temps caresser, sentir, réapprivoiser son propre corps et l’aimer à nouveau. Pas de plus juste et de plus agréable retour au « corps que l’on est », sans doute, que dans la relation à l’autre. Non seulement via les sens, mais aussi par leur description : « Partager ses sensations, décrire à l’autre ce que l’on vit, par exemple en courant, permet de se ressentir encore plus, complète le psychomotricien, et d’être encore plus conscient de sa sensorialité. » Courir, oui, mille fois oui ! Mais plus jamais seule.

Psychanalyse : le corps, une création de l'esprit

Pour la psychanalyse, le corps ne se réduit pas seulement à sa réalité biologique, anatomique, celle que nous percevons, dont s'occupe la médecine : une tête, deux bras, deux jambes et quelques organes. Freud, en analysant ses premières patientes, des femmes dont les principaux symptômes étaient des somatisations sans cause médicale repérable, a compris que chaque personne possède une image fantasmée de son corps, capable d'agir sur sa matérialité. Notre corps est une création de notre esprit.
Nourrisson, nous nous vivons comme un prolongement du corps maternel. Durant les premiers mois de la vie, nous nous réduisons à une surface corporelle livrée à des pulsions, à une jouissance désordonnée. Pour reprendre une idée de Françoise Dolto, nous sommes un corps-sensation, morcelé, sans réelle unité.

Vers l’âge de 3 ans, le "stade du miroir" nous rend capables de penser "c'est moi" quand nous voyons notre reflet dans une glace. Nous devenons enfin une unité corps-esprit. Nous passons de la jouissance sans loi à des plaisirs plus policés. Le narcissisme, le plaisir d'être vu, de s'occuper de soi se mettent en place.
Mais la conscience de soi comme totalité corps-esprit exige l'intervention d'un autre - la mère ou un autre nourricier et aimant. Sans son regard, sans ses mots qui nous initient au "je" et au "tu", sans ses caresses qui délimitent les contours de notre enveloppe charnelle, impossible d'accéder au plaisir de vivre.

"Pas de cerveau, pas de plaisir"

Questions à Lionel Naccache, neurologue

Spinoza avait raison contre Descartes : corps et esprit se modèlent l’un l’autre. Et le plaisir, dans tout ça ? Explications de Lionel Naccache, auteur du Nouvel Inconscient et de Perdons-nous connaissance ? (Odile Jacob, 2009 et 2010)
Psychologies : Le plaisir, est-ce dans le corps ou dans le cerveau ?
Lionel Naccache : Il y a des régions cérébrales spécialisées dans le plaisir. C’est ce que l’on appelle le faisceau de la récompense, qui, sous l’effet d’une stimulation, libère de la dopamine. Donc : pas de cerveau, pas de plaisir !
Sauf que ce cerveau seul ne peut pas grand-chose…
L. N. : Effectivement : il lui faut être en interaction avec le corps pour activer ses circuits du plaisir – ou du déplaisir. Et, plus important, c’est dans les interactions du corps avec le monde extérieur, autrement dit dans les informations qu’il envoie régulièrement au cerveau, que naît notre propre perception du plaisir : ainsi, telle information sensorielle activera tel souvenir, donc procurera du plaisir pour l’un, quand elle laissera un autre de marbre. Certes nous naissons avec un cerveau programmé depuis des millions d’années pour coder le plaisir et le déplaisir sans que nous y puissions rien, mais, à l’échelle d’une vie, nos propres expériences ont le pouvoir de modeler ces sensations de plaisir ou de déplaisir pour leur donner une couleur qui n’appartient qu’à nous.
Le cerveau traite-t-il de la même façon toutes les sources de plaisir ?
L.N. : Dans le cerveau, on distingue deux mécanismes : bottom-up (du bas vers le haut) ettop-down (du haut vers le bas). Ainsi, on peut avoir un plaisir d’abord guidé par le ressenti corporel : une saveur, une caresse, une odeur perçue, etc. C’est le bottom-up. Mais le plaisir peut aussi venir du cerveau lui-même, car celui-ci est capable d’associer à des stimuli extérieurs – un paysage, une parole… – des souvenirs, des fantasmes agréables… Donc, de faire naître de la seule pensée une sensation de plaisir. Ainsi, notre plaisir peut venir aussi bien de notre perception que de notre imagination, et le même circuit cérébral est mis à contribution.
                                         

Le "slow sex" : jouir en conscience


Et si le secret d’une sexualité aussi épanouissante qu’intense était la lenteur ? C’est la conviction de la sexothérapeute américaine Diana Richardson, qui consacre son dernier livre à ce concept.
lentir pour découvrir de nouvelles sensations en restant connecté à ses émotions. Selon Diana Richardson, qui enseigne le slow sexdans ses ateliers depuis 1993, il est urgent d’apprendre à redonner la parole à son corps. « Nous proposons de ralentir et d’être pleinement présents à chaque instant de la relation sexuelle au lieu de faire l’amour d’une façon si intensément tournée vers l’orgasme que nous passons à côté de la possibilité de ressentir de subtiles nuances tout au long de l’union sexuelle », écrit-elle dans l’introduction de son livre Slow Sex, faire l’amour en conscienceUne conception de la sexualité à l’opposé de notre culture dominante, qui n’associe le désir et le plaisir qu’à la pulsion et à l’excitation. 
« Mettre de la lenteur dans la rencontre sexuelle est le fondement du tantrisme et du taoïsme, précise Alain Héril, sexothérapeute et formateur. Cette approche permet une remobilisation de nos sens, elle ouvre un espace aux émotions et affranchit, surtout les hommes, de l’obligation de performance. »
Même constat pour Mireille Dubois-Chevalier, médecin sexologue et thérapeute de couple, qui considère le ralentissement comme la « porte d’entrée en sexologie ». Que ce soit pour traiter les problèmes d’éjaculation précoce ou pour remettre du liant et du désir dans les relations au long cours. « Ce n’est pas un hasard, poursuit-elle, si les pionniers de la sexologie moderne, William Masters et Virginia Johnson, ont élaboré le sensate focus, une méthode d’exploration lente et consciente du corps, qui fait de celui-ci un laboratoire d’expérimentation sensorielle. »

Oublier la performance

Pour autant, il ne suffit pas d’être convaincu des bienfaits de la lenteur pour la mettre facilement en pratique.
« Le plus difficile est sans doute de changer de temporalité, explique Pilar Lopez, thérapeute et sophrologue. Dans notre culture, et du coup dans nos esprits, le temps doit être rentable. Y compris le temps de la sexualité, d’où un conditionnement pour aller droit au but, à savoir l’orgasme. Le slow sex, c’est exactement le contraire : le plaisir, c’est le chemin ; les caresses, le regard sont les sensations et les émotions associées. La tête et le corps ne font plus qu’un. 
Pour Alain Héril, ce changement de temporalité permet également de mettre l’autre à la place de partenaire et non plus seulement à celle d’instrument de plaisir. « En ralentissant, nous devenons plus conscients de lui ou d’elle, de sa singularité, physique et émotionnelle, nous sommes dans un rapport d’altérité et d’égalité : chacun est à la fois actif et passif. »
Un postulat qui peut dans un premier temps dérouter les hommes, mais aussi les délester d’une trop lourde responsabilité. « Nombre d’entre eux se plaignent d’être celui qui porte l’entière responsabilité de l’excitation et du plaisir de leur compagne, constate le sexothérapeute ; ce rééquilibrage des rôles permet à chacun de donner et de recevoir, donc de faire baisser pression et frustration. »

Un strip-tease sophrologique

Ralentir, c’est être davantage conscient de soi et de l’autre, mais aussi de soi sous le regard de l’autre. « Cela n’est pas si simple, surtout pour celles et ceux qui souffrent d’inhibitions et de complexes, avance Mireille Dubois-Chevalier. C’est pourquoi je recommande la pratique régulière, voire quotidienne, de la relaxation, dans son lit ou dans sa baignoire ; juste relâcher ses muscles et se sentir dans son corps, détendu. Tout simplement parce qu’un corps crispé, tendu a du mal à ressentir. Plus on se décontracte, plus on ressent ; plus on ressent, moins on se regarde et plus on s’abandonne dans un climat de confiance et de respect réciproque. »
Pour s’alléger, Pilar Lopez conseille de pratiquer le « strip-tease sophrologique ». Cela consiste à imaginer qu’à chaque vêtement que l’on enlève on abandonne un complexe ou un souci.
« Une fois nu, explique-t-elle, on est libéré et disponible. Cela marche très bien, les femmes qui le pratiquent n’en reviennent pas. On est ensuite prêt à se laisser guider par son corps. En lâchant les inhibitions, les attentes, les représentations pour se concentrer sur les sensations et pour en explorer de nouvelles, on se redécouvre et on se rend aussi compte que c’est nous qui restreignons notre sexualité et notre sensorialité. Le corps, lui, ne demande qu’une chose quand on fait l’amour : qu’on débranche la tête et qu’on lui laisse les rênes ! »

Dans l’approche slow sex, l’environnement sensoriel joue un rôle majeur. Senteurs, couleurs et matières contribuent à remettre les sens au coeur de la rencontre intime.
« Les bains, les massages prennent aussi une dimension érotique qui sacralise le moment, détaille Alain Héril. Il s’agit de s’honorer personnellement et réciproquement. Ce n’est pas un hasard si le tantrisme considère le corps comme un temple. Le décorum qui entoure la rencontre favorise de fait le ralentissement, car tout est à savourer avec nos cinq sens, et cela ne se fait évidemment pas dans la précipitation. »

S'interroger l'un l'autre

Arranger le lieu, se préparer à la rencontre en conscience font déjà partie du rituel amoureux. « Et le meilleur moyen pour ne pas se mettre la pression est de l’envisager comme une simple expérience sensuelle et sensorielle, conseille Mireille Dubois-Chevalier. Si celle-ci se transforme en rencontre érotique et sexuelle, c’est bien ; si elle reste sensuelle et sensorielle, c’est bien aussi. L’important est de ressentir du bien-être en profondeur et de se déconditionner de sa sexualité habituelle. »
Se masser, se caresser, se parler, explorer de nouvelles zones érogènes… Tout cela participe du slow sex. « Le but est vraiment de varier les plaisirs du corps et de s’étonner soimême, affirme Pilar Lopez. Notre cerveau n’aime pas les surprises. Or, ralentir pour inventer de nouvelles façons de ressentir le déstabilise, et c’est cela qui renouvelle l’excitation et relance le désir. »
Pour autant, préviennent les professionnels, il ne s’agit pas de faire de la lenteur la nouvelle norme et le Graal de la sexualité. Une pratique plus impulsive, plus animale fait aussi partie de la sexualité humaine.
« Celle-ci possède à sa source une saine agressivité qui ne doit pas disparaître. L’important est que chaque couple puisse se sentir libre d’expérimenter joyeusement les différentes facettes de sa sexualité », conclut Alain Héril. Libre de jouir à son rythme, selon ses envies et ses humeurs. Sans obligation de résultats. Enfin !

Ils ont testé l'amour au ralenti

« J’ai préparé notre rendez-vous un soir où notre fille était chez ses grands-parents. Encens, bougies, musique, je n’ai lésiné sur rien. Nous étions un peu intimidés, comme si devoir aller lentement ne nous donnait pas droit au faux pas. Ce sentiment s’est dissipé quand j’ai commencé à masser Simon. Puis il m’a massée à son tour. C’était bon, mais pas superexcitant, jusqu’à ce que je m’allonge sur le dos et qu’il me masse en me regardant.
Ce face-à-face et ses gestes lents m’ont beaucoup troublée ; il l’a senti et ses gestes sont devenus plus sexuels. Nous nous sommes ensuite assis l’un en face de l’autre, mes cuisses sur les siennes, et nous nous sommes caressés le visage et embrassés. C’était à la fois sexy et amoureux, j’ai adoré ce moment.
Il s’est ensuite allongé sur le dos et je l’ai caressé avec mes mains et mon corps. Puis je l’ai chevauché et nous avons expérimenté ce que Diane Richardson appelle “changer de position en gardant la connexion entre les organes sexuels”. C’est-à-dire ne pas interrompre la pénétration en changeant de posture. Ça a été fabuleux, nous n’avions pas envie de nous détacher l’un de l’autre. Le plaisir a été explosif.
Même si nous n’allons pas faire l’amour tout le temps de cette façon, cette expérience a changé notre façon de nous toucher. Nous nous sommes rendu compte que tout le corps était érogène et que prendre son temps permettait d’intensifier les sensations, mais aussi le sentiment amoureux. »
                                        

Ils s'aiment mais ne font plus l'amour


Certains couples continuent de s’aimer malgré l’absence de relations sexuelles. Ils disent ne pas en souffrir. Comment gardent-ils la flamme alors que le désir s’en est allé ?
La dernière fois qu’ils ont fait l’amour ? Mathieu et Éva, la quarantaine épanouie, ne s’en souviennent pas. Mariés depuis treize ans, heureux parents de deux enfants, ils ont, de leur propre aveu, mis petit à petit de côté leur sexualité. Ce qui ne les empêche pas de rire ensemble, de se donner la main dans la rue ou de dormir l’un contre l’autre.
Sans pour autant le revendiquer ou s’inscrire dans la mouvance no sex en vogue depuis quelques années, Mathieu et Éva ont trouvé un équilibre conjugal qui leur appartient, refusant de faire de cette absence d’ébats un « problème ». Un choix assumé moins rare qu’il n’y paraît, le coeur ayant ses raisons que parfois le corps ignore… S’aimer sans faire l’amour, est-ce vraiment possible ?
Souvent, c’est après un accouchement, la perte d’un être cher ou d’un emploi, situations de deuil qui assoupissent la libido (la pulsion sexuelle) et, dans le cas du chômage, portent un rude coup à l’estime de soi, que le couple interrompt toute activité sexuelle. Les étreintes se raréfient, jusqu’au moment où elles disparaissent totalement du paysage conjugal. Car moins on fait l’amour, moins l’envie est là, puisque la pulsion sexuelle s’autoalimente, un peu à la façon d’une batterie. Notre partenaire excite notre désir non pas parce qu’il est beau, qu’il sent bon et qu’il est intelligent mais parce qu’il occupe une place particulière dans notre organisation psychique.

Selon la théorie freudienne, inconsciemment, une femme voit fréquemment en son partenaire l’homme qui va faire d’elle une mère ou le sauveur qui a tué symboliquement son père pour la libérer de son statut de petite fille. Un homme tend à voir en sa compagne celle qui va lui permettre de dépasser son propre père. C’est la raison pour laquelle la naissance d’un enfant qu’on sait être le dernier de la fratrie augure parfois une longue période sans sexe ou marque carrément la fin des ébats amoureux.
Dès lors, les conjoints doivent inventer une sexualité autre, d’où les problématiques de la maternité et de la paternité ont disparu. C’est aussi le cas à la ménopause. Il leur faut reconstruire des scénarios intérieurs, axés cette fois principalement sur la seule jouissance. Tâche psychique difficile si leur rapport au plaisir est teinté de culpabilité.
Ces couples ne vivent pas pour autant comme frères et soeurs, ni comme des colocataires. Souffrent-ils ? Très souvent, c’est l’idée de paraître anormaux dans une société où la jouissance est une norme, un devoir presque, qui peut les faire souffrir. Et l’absence de rapports sexuels n’est pas douloureuse en elle-même. C’est la frustration, l’impossibilité d’accéder à un plaisir espéré, souhaité, qui rend malade. Freud, inventeur d’une théorie liant sexualité et névrose, avait cessé toute vie sexuelle à la quarantaine.
Une réalité qui nous rappelle que, pour la psychanalyse, en la matière, justement, il n’y a aucune norme. « L’amour revêt de multiples formes, et il est manifestement possible de trouver d’autres façons de cimenter un couple, explique Gérard Tixier, psychiatre et sexothérapeute. Je dirais même que, lorsque l’on reste ensemble malgré l’abstinence, c’est probablement à cause de l’amour, parce que l’on décide d’investir dans sa famille, dans des intérêts communs, dans le confort d’une vie à deux. »
« Ce n’est pas ainsi que je nous voyais vieillir, confirme Éva, mais j’aime trop Mathieu et tout ce que nous avons construit ces dix dernières années pour décider de tout abandonner au motif que nous n’avons plus envie l’un de l’autre. »

« Au début, j’ai eu peur qu’il aille voir ailleurs »

Cet éloignement physique n’est pas arrivé du jour au lendemain, poursuit la jeune femme, expliquant que c’est après son dernier accouchement, particulièrement éprouvant, que le rythme des ébats a commencé à s’émousser. « Non seulement je n’arrivais plus à jouir, mais j’avais mal. Mathieu a fini par avoir peur de me faire souffrir. Il a donc cessé de me solliciter. Au début, j’ai eu peur qu’il ait envie d’aller voir ailleurs, mais j’ai fini par le croire lorsqu’il m’a assuré que ça ne pesait pas grand-chose au regard de l’amour que nous nous portions. »

« Ce n’est pas une philosophie de vie ou un parti pris, commente Mathieu. Si les circonstances avaient été différentes, si nous n’avions pas rencontré ces difficultés après la naissance de notre fille, peut-être que nous aurions aujourd’hui une relation plus sexuelle. Je n’ai pas fait une croix sur cet aspect-là de notre couple, mais aujourd’hui, c’est ainsi. Et curieusement, j’ai la sensation que nous avons développé une sensualité différente, qui s’exprime par exemple dans la façon dont nous apprécions un bon vin ensemble ou un repas dans notre restaurant préféré. Ce qui compte avant tout, c’est l’envie que nous éprouvons d’être ensemble, et cette envie-là est toujours aussi forte. » 
Le sexe est affaire de pulsions ; or elles trouvent à se satisfaire de diverses manières. Les plaisirs de bouche - déguster un grand cru, partager un dîner fin - satisfont la pulsion orale. Visiter une exposition, visionner un film, voyager, découvrir de nouveaux paysages assouvissent les exigences de la pulsion scopique – la pulsion du regard. Il ne faudrait pas croire que ces activités ne constituent que de pâles et pauvres substituts à la sexualité génitale, qui serait la voix royale vers le plaisir. C’est la pulsion sexuelle qui, sublimée, c’est-à-dire déviée de son but premier, inspire les artistes, les rend créatifs et créateurs.
« Il faut bien distinguer sensualité et sexualité, précise Albert Barbaro, médecin sexologue. Je vois des couples qui ne font plus l’amour au sens académique du terme, mais qui continuent de s’embrasser, de se toucher, de se câliner. Autant de preuves d’amour. Par définition, je ne reçois dans mon cabinet que des couples qui souhaitent sortir de cette abstinence. Mais je suis souvent étonné du temps qu’ils ont pu passer sans en souffrir. »
L’envie et le partage sont deux éléments essentiels à la longévité d’un couple, selon Myriam Beaugendre, psychologue clinicienne. « Lorsque l’activité sexuelle s’amenuise, voire disparaît, ce qui entretient l’amour, c’est la capacité à se faire plaisir ensemble », analyse-t-elle. « Deux personnes qui continuent à s’aimer sans relations charnelles ont en général su identifier ce qui les nourrit personnellement et à deux. Il y a une circulation d’amour entre les partenaires, mais pas nécessairement sous une forme sexuelle. Réduire l’amour à la sexualité ne rendrait pas honneur aux formes infinies par lesquelles on peut manifester ses sentiments à l’autre. »

« Il y a tellement de tendresse entre nous… »

Jeanne et Éric, jeunes retraités marseillais, ont eux aussi vu leur désir s’émousser au fil des années. « Éric n’a jamais été un foudre de guerre, et je suis probablement d’une génération de femmes à qui l’on n’a pas appris à parler de ces choses-là. Au départ, j’ai souffert de la situation, j’ai pensé que je ne l’attirais plus, qu’il avait rencontré quelqu’un d’autre. Mais il m’a juré que non, qu’il n’aimait que moi ; seulement voilà, “ça” ne fonctionnait plus trop. Parfois, je me dis que nous aurions dû en parler à un médecin, voir s’il y avait une solution, mais aujourd’hui c’est un peu tard et c’est devenu un peu tabou. »

Et s’il existait un moyen de faire renaître la flamme, en voudrait-elle ? « Pas forcément, confie Jeanne. Notre entente est très douce, il y a tellement de tendresse entre nous que j’aurais peur de bousculer tout ça. » Un aveu qui n’étonne pas Gérard Tixier : « Lorsqu’un couple se satisfait réellement de l’abstinence, c’est généralement parce que, pour l’un ou l’autre, voire les deux, la sexualité renvoie à une souffrance, qu’il s’agisse d’un dysfonctionnement physiologique ou d’une blessure remontant à l’enfance. Réveiller le désir implique aussi de réveiller cette souffrance, quelle qu’elle soit. »
Il existe en effet dans la pulsion sexuelle une composante agressive, animale, qui peut effrayer. Certaines personnes qui ne se sentent pas suffisamment aimables ou manquent d’estime de soi sont incapables d’associer réellement sexe et sentiments, comme si la matérialité de la chair s’opposait à la pureté de l’amour. Aussi, elles choisiront de se réfugier dans un lien de tendresse tenant lieu de cocon rassurant. Aucune pathologie dans cette décision, dès lors qu’elle permet un épanouissement.
Si Mathieu et Éva ou Jeanne et Éric vivent sereinement cet amour devenu platonique, c’est avant tout parce que chacun semble l’avoir accepté et que personne n’éprouve de frustration. Car, dès que l’un des partenaires n’y trouve plus son compte, le bel équilibre qui semblait pouvoir durer des siècles vacille. « Il peut parfois s’écouler des mois, voire des années, sans qu’il y ait d’activité sexuelle, observe Albert Barbaro. Et puis, un jour, ce qui semblait convenir aux deux n’est plus satisfaisant. À ce moment-là, il faut agir pour sauver le couple, sous peine que celui ou celle qui ne supporte plus la situation ne décide d’aller voir ailleurs. »

Rester ensemble bien qu’on ne fasse plus l’amour suppose en fait une définition commune de ce qu’est le couple : deux êtres qui se soutiennent, deux moitiés enfin réunies, une société d’admiration mutuelle ? Nous rêvons tous – ou presque – d’une complicité totale liant harmonieusement érotisme et entente intellectuelle. Or, avec les années, les corps changent, les goûts sexuels aussi. Et les fantasmes des deux partenaires n’évolueront pas forcément au même rythme.
Aussi, une association constituée surtout sur la base de passions communes, d’engagements idéologiques ou philosophiques identiques a plus de chance de résister au temps qu’un couple créé en raison d’une attirance charnelle irrésistible. Moins excitant à première vue, mais est-ce si sûr ?
                                          

Comment naît le désir sexuel ?


Comment percevons-nous le corps de l'autre pendant l'amour ? Qu'est-ce qui nous émeut ou, au contraire, nous bloque ? De quoi est fait le désir physique chez les hommes et chez les femmes ? Confidences intimes et explications en sept questions-réponses.
« Ce qui me mène à coup sûr à la jouissance, c'est une peau agréable à la langue, que j'ai du plaisir à lécher, raconte Louis, 41 ans. J'aime cette communion par la salive, la  sueur, les muqueuses...  C'est pour cela que je déteste les peaux bronzées aux UV : cette  horrible couleur orangée rend la peau acide  et sèche, comme si elle était craquelée ! »  
« Moi, dit Jean, 32 ans, ce que j'aime, ce sont les pieds : sucer les orteils, caresser le coude de pied... Je ne vois rien de supérieur à un pied parfaitement cambré. Et si la femme est réceptive à cette caresse, alors je suis sûr de grimper aux rideaux ! Un jour, je devais avoir 10 ans, je m'étais caché sous la table. Je regardais les jambes d'une femme quand sa chaussure a glissé... Ça m'a déclenché une érection. Depuis, les pieds des femmes m'ont toujours très fortement troublé. »

Comment les hommes perçoivent-ils le corps féminin ?.

« L'homme fétichise le corps de la femme, explique Philippe Brenot, psychiatre, anthropologue et directeur d'enseignement en sexologie à l'université Bordeaux-II. Il le voit comme un objet morcelé, constitué d'éléments séparés les uns des autres - les seins, les fesses, les jambes, le sexe - dont certains alimentent plus fortement ses fantasmes. » Une courbe particulière du corps, un ovale, un mouvement, voilà ce que les hommes remarquent au premier regard. « Un homme réagit à une pulsion très sexuelle, liée à ses expériences enfantines, analyse Marie-Laure Colonna, psychanalyste jungienne. Entre la naissance et 5 ans, le cerveau de l'enfant enregistre, à partir du vécu, une sorte de carte sensorielle qui orientera ses futurs choix sexuels. C'est pourquoi on peut dire qu'un homme se passionne pour une femme à partir d'une image. 

Et les femmes, que disent-elles du corps de l'amant ?

« Moi, raconte Jeanne, ce que j'aime, c'est débusquer les petits coins qui échappent à la maîtrise de mon mari, ces endroits qui ne sont pas apprêtés parce qu'il les oublie : le derrière de l'oreille, la pomme d'Adam, une zone un peu fripée à la jointure de la poitrine et de l'épaule qui marque un vieillissement dont lui-même n'a pas encore conscience. Ces endroits me plaisent parce qu'il n'y a que moi qui les vois et, alors, j' ai l'impression que mon mari m'appartient encore plus fortement ! »
Eléonore, elle, avoue qu'à la seconde où elle a aperçu cet inconnu qui allait devenir son compagnon, c'est dans sa rondeur qu'elle a eu envie de se réfugier : « Ce que j'aime, c'est ce corps qui pèse sur le mien. Rien n'est plus érotique pour moi que cette chair que j'entoure de mes bras, ce ventre contre lequel je me love, ces cuisses robustes contre lesquelles je frotte mes joues, tout ce grand corps que je pétris de mes doigts comme une pâte. » L'une débusque, l'autre malaxe... Les femmes semblent bien appréhender le corps de l'autre comme un tout et non une succession de parties.

Que nous fait ressentir le corps de l'autre pendant l'amour ?

« Il suffit que je lui caresse la petite courbe qu'il a juste au-dessus des fesses pour me sentir immédiatement excité, raconte David. C'est un peu étrange parce que ce n'est pas une zone qui m'attire particulièrement, mais chez Denis, c'est électrique. Et il sait que si je m'attarde à cet endroit je vais avoir très envie de lui... » Si David et Denis connaissent une telle osmose sensorielle, c'est qu'ils possèdent le même corps d'homme. Mais chez les hétérosexuels, il existe peu de témoignages sur le corps de l'aimé durant l'acte sexuel. Peut-être parce que nous restons désespérément accrochés à cet idéal qui suppose que l'autre ressent exactement comme nous.
« C'est faux, affirme Philippe Brenot. Comme l'a résumé Lacan en une de ces formules dont il avait le secret : "Il n'y a pas de rapports sexuels..." Ce qui revient à dire que, durant l'acte amoureux, le ressenti de l'homme et celui de la femme sont absolument différents. » Alors, comment capter ce ressenti ? Peut-être en prenant le problème à l'envers et en observant ce qui peut dégoûter. 
Arlette raconte : « Cet homme m'avait tout de suite attirée, j'adorais sa façon de parler. Au bout de quelques jours, nous avons fait l' amour. Tandis que l'excitation montait, sa peau s'est mise à suer en dégageant une odeur où se mêlaient des senteurs de lait et de vin écoeurantes. C'était comme si je serrais dans mes bras à la fois un gros bébé et un alcoolique. Pourtant, sa séduction a continué à opérer. Je me demande encore d'où lui venait ce pouvoir de me plaire malgré ce désagrément si fort. » Sans doute parce que souvent les femmes tombent d' abord amoureuses d'une parole, d'une personnalité, et qu'elles s'accommodent ensuite du physique de l'individu d'où le charme a émané.
On pourrait opposer à ce témoignage le commentaire de Don Juan, qui lançait à propos d'une femme qu'il ne désirait pas : « Sa peau ne me dit rien. »

Quand les hommes voient des femmes, les femmes ne voient qu'un homme...

Les hommes interrogés répondent spontanément au pluriel : « Ce que j'aime chez les femmes... » Tandis que les femmes parlent du corps de « leur mari » ou de « leur amant », adoptant le singulier. « Rien d'étonnant à cela, confirme Marie-Laure Colonna. Si chaque homme a dans la tête plusieurs silhouettes féminines types, la femme, elle, fantasme peu sur les parties du corps de l' homme en général. Elle se focalise sur celui qu'elle aime et qui est comme illuminé dans sa globalité. »
L'enquête de Philippe Brenot sur la correspondance amoureuse le confirme : l' homme évoque constamment le corps de la femme, tandis qu'elle ne mentionne jamais celui de l'homme mais son corps à elle dans ce qu'elle sait être objet de désir pour son amant. « Juliette Drouet a écrit dix-huit mille lettres à Victor Hugo sans jamais faire mention du corps de l' écrivain : était-il petit, grand, rond ou mince, de quelle couleur étaient ses yeux, aucun indice ne permet de le deviner ! »

Pourquoi un corps aimé avec passion peut finir par laisser indifférent ou, pire, répugner ?

C'est ce qui est arrivé à Maryvonne. Après deux ans de passion physique intense, elle décide de s'installer avec Philippe. Un mois plus tard, son désir s'est évanoui. Ce qui la bloque ? La lourde respiration de Philippe quand ils font l'amour : « Alors que je n'y avais jamais prêté attention, elle m'évoquait le souffle haletant d'un cousin qui s'était masturbé sur moi lorsque j'étais petite. Impossible de retrouver l'élan qui jusque-là m'avait guidée. »
Comment expliquer cette soudaine répulsion ? « Par l'enthousiasme qu'elle provoque, la phase passionnelle crée un état hypnotique qui occulte les traumatismes ancrés dans le corps, comme ceux relevant d'expériences sexuelles subies dans l'enfance,répond Philippe Brenot. Mais ces traumatismes peuvent réapparaître dès que l'intensité baisse. La femme a alors l'impression qu'elle n'a plus le même homme face à elle et, parfois, c'est irrémédiable. »

Le simple attrait physique peut-il mener à l'amour ?

Il arrive que des histoires qui commencent par un surinvestissement sexuel ouvrent, par la suite, d'autres portes. « Quand je suis sortie avec cet homme, j'avais honte,raconte Noémie, 25 ans. Il représentait tout ce que je déteste. Il n'était pas très beau, faisait des blagues lourdes. Pourtant, dès que nous avons fait l'amour, il y a eu un déclic. J'étais envoûtée par sa peau un peu molle, j'adorais m'enfouir dans sa chair, d'où je ressortais groggy. Avec lui, j'ai découvert que je pouvais avoir plusieurs orgasmes de suite. Malgré tout, je l'ai quitté parce que je ne l' aimais pas. Mais le manque était trop grand, et je me suis dit qu'il était idiot de passer à côté d'une telle entente physique. Peu à peu, je l'ai mêlé à ma vie, lui à la sienne. Nous vivons ensemble depuis six mois. »
« Cupidon fait flèche de tout bois, commente le psychanalyste Yves Prigent, et même quand une relation commence par une exacerbation de la sexualité, le feu peut ensuite gagner les autres niveaux. Cela dépend de l'intensité des angoisses que suscite pour les protagonistes l'idée d'être amoureux. »

Le désir de l'autre nous rend-il beau ?

« Je n'aimais pas mes jambes que je trouvais lourdes et mal dessinées, raconte Juliette, 23 ans. Je les cachais toujours sous des pantalons. Quand je faisais l'amour, je prétextais que j'étais frileuse pour pouvoir me dissimuler  sous la couette jusqu'à la taille. Un jour, un homme, avec lequel je n'ai eu qu'une aventure, les a embrassées avec passion en les comparant à des colonnes de marbre. Je n'ai jamais oublié ses paroles et je suis, depuis, beaucoup moins obsédée par l'idée de les cacher. Je ne les adore pas, mais je sais qu'on peut les aimer. »
Le désir d'un être aurait-il le pouvoir de transformer la vision que l'on a de son propre corps ? « Le regard que porte un individu sur la personne qu'il désire révèle à celle-ci quelque chose sur elle-même qu'elle ignorait, explique France Schott-Billmann, danse-thérapeute et auteure du Besoin de danser (Odile Jacob). Quand on a envie de quelqu'un, on perçoit en lui une beauté invisible, un mystère qui, jusque-là, ne lui était pas accessible. C'est un regard libérateur qui apporte un supplément de vie. »
Même écho chez la psychanalyste Catherine Bensaid : « Le désir fait que l'on voit en l' autre ce qu'il a de mieux. C'est pour cela que nous avons tous la possibilité d'être beau pour quelqu'un. »
Comme Eric et Luce, mariés depuis vingt-cinq ans et imperméables à la lassitude. « Je suis toujours aussi troublé quand elle envoie ses bras en arrière, que je vois ses côtes saillir et que son léger strabisme s'accentue sous l'effet de la jouissance qui arrive, dit Eric. Je crois que je voudrais mourir en contemplant cette image. » De son côté, Luce explique combien sa passion pour le corps d'Eric, malgré les années qui passent, l'aide à accepter son corps vieillissant : « L' amour transfigure toutes les imperfections. Les deux rondeurs qu'Eric a maintenant de chaque côté des hanches, si elles disparaissaient, elles me manqueraient ! »
La passion amoureuse serait-elle le meilleur antidote au temps qui passe ? Victoria, 68 ans, en est sûre : « Il y a trois ans - j'étais déjà veuve -, j'ai retrouvé un homme que j'avais aimé à 17 ans. Dès que nous nous sommes vus, nous avons compris que du désir demeurait entre nous. Mais je ne me laissais pas convaincre d'avoir une relation physique : je me sentais trop peu sûre de mon corps vieillissant. Jusqu'à ce qu'il me dise : "C'est ton corps qui a vieilli, pas toi." »

Attention à ne pas tout dire

Emportés par le désir, les corps sont sublimés, les imperfections se dissolvent sous les mains aimantes dans la recherche du seul plaisir. Mais cet état de grâce semble difficile à atteindre lorsque le rejet de notre corps ou de certaines de ses parties est trop intense. « Surtout dans une société comme la nôtre qui met un tel accent sur l'apparence au détriment d'autres qualités, insiste la psychanalyste Catherine Bensaid. Quand le doute sur sa propre personne est trop profondément ancré, qu'il remonte à des fragilités nées dans l'enfance, il faut probablement envisager une aide thérapeutique pour pouvoir enfin s'accepter tel que l'on est. »
Dans une relation solide, l'aveu de ses doutes est largement facilité par la confiance que s'accordent les partenaires. Il vient même renforcer cette confiance.
En revanche, dans une histoire qui débute ou qui présente des failles, mieux vaut prendre quelques précautions. Grande est parfois la tentation de confier à l'autre nos complexes corporels pour s'assurer de l' indulgence d'un regard que l'on redoute. Un aveu s'avère positif lorsque l'on n'est pas totalement démuni de confiance en soi, mais il sera dangereux dans le cas contraire. On prend alors le risque de tomber sur un partenaire sexuel qui peut utiliser cette faille pour asseoir son pouvoir et démolir le peu d'assurance que l'on avait.
Sans compter que « mettre l'accent sur un détail que l'on n'aime pas est difficile à gérer pour un homme amoureux, explique Catherine Bensaid. Car alors il quitte ce regard de chasseur qu'il a parfois lorsqu'il morcelle le corps de la femme en objets partiels : seins, jambes, fesses, bouche, etc. Il voit dans la femme qu'il désire un sujet, un être dans sa globalité. » Avec ses qualités, mais aussi ses défauts.
                                         

Sexe : quand l'un veut, l'autre pas


« Pas ce soir », « Pas envie »... Dans un couple, tôt ou tard, chacun fait la douloureuse expérience du refus de son partenaire. Désirs en décalage ou inappétence passagère, ce « non » blesse toujours l'ego du demandeur. Sans généraliser, psys et sexologues s'accordent à reconnaître que le « je n'ai pas envie » de l'autre résonne différemment chez une femme ou un homme.
« J'ai beau savoir que ces temps-ci il a des problèmes au travail, mais quand il me fait comprendre tendrement "qu'il n'a pas vraiment la tête à ça", ça me fait mal. C'est comme s'il me disait : » Tu ne me fais pas assez envie pour que j'oublie mes soucis... », confie Anne-Sophie, 36 ans. Selon le psychanalyste Gérard Bonnet, le refus de son partenaire, même lorsqu'elle en connaît les raisons profondes remet en question la femme en tant que personne désirable. Et en arrière-plan rôde, toujours angoissante, cette question : « M'aime-t-il encore ? » Car pour la majorité des femmes, désir sexuel, valeur narcissique et sentiment amoureux sont étroitement liés.

En revanche, face à un refus, les hommes ressentent souvent de la frustration. « Il y a là quelque de très intense et de très archaïque qui est réactivé, poursuit Gérard Bonnet. Comme si, à ce moment-là, la femme assimilée à la mère censée satisfaire ses besoins le rejetait sans appel. »
Simon, 39 ans, avoue vivre très mal cette situation. « Je sens bien quand elle n'a pas envie, mais je tente quand même. Parfois ça marche, mais quand elle baisse le rideau, je ressens ça comme un caprice, une injustice. J'ai envie de lui dire : si tu n'as pas envie, je ne vais pas mendier, il y en aura bien d'autres qui voudront ! Ça reste mon petit cinéma mental, je ne passerai pas à l'acte, mais ça me fait du bien de m'accorder cette possibilité. »

Toujours selon Gérard Bonnet, le fantasme de trouver satisfaction auprès d'une autre partenaire s'expliquerait en partie par la position qu'occupe la mère dans l'imaginaire des hommes, c'est-à-dire une femme qui répond à tous ses besoins. « Et dans cet imaginaire, cela veut dire qu'il existe quelque part une femme qui ne refusera jamais.
Si dans le couple, le refus devient une arme régulièrement utilisée, il se peut qu'un jour le fantasme soit suivi d'un passage à l'acte. » Pour échapper à ce marchandage, explique Gérard Bonnet, les couples doivent apprendre non seulement l'art du compromis, mais aussi celui plus subtil du tri. C'est-à-dire purger la relation sexuelle des ressentiments qui transforment le lit conjugal en champ de bataille.
                           

Les hommes aiment-ils tous les gros seins ?

Chaque mois, Catherine Blanc, sexologue et psychanalyste, démonte une idée reçue.

Comme toujours, cette croyance a de solides fondements. Le sein renvoie à notre petite enfance, notre besoin d’être comblés.
Gros, il apparaît inépuisable, source de réconfort et de sécurité dans sa capacité à nous remplir. À cette dimension “maternante”, s’ajoute la dimension sexuée : l’homme, toujours curieux du sexe féminin si bien caché, est rassuré par ces gros seins, dévoilés, aisément manipulables.
De son côté, la femme, souvent dubitative elle aussi face à son sexe à l’apparence discrète, réalise le pouvoir que lui donne sa volumineuse poitrine et en fait un atout de séduction. À l’instar du pistil des fleurs qui, plus il est protubérant et coloré, plus il devient attractif pour les insectes mâles !

Mais l’inconscient se moque parfois des lois de la nature et s’invite dans la danse. Selon leur histoire personnelle, les hommes n’auront pas tous un attrait pour les gros seins, le même désir de plénitude, de sécurité. Si la mère a été perçue étouffante, ou “ogresse” insatiable, cette forte poitrine va raviver des souvenirs moins joyeux. Elle peut lui rappeler la douloureuse différence entre la toute-puissance maternelle et sa dépendance de petit garçon.
Cette dernière n’était pas envahissante ? Si l’homme a une image défaillante de lui-même, il peut préférer sentir sa partenaire en manque pour pouvoir la combler de sa virilité. Les gros seins deviennent alors anxiogènes, non parce qu’ils sont débordants, mais parce qu’ils soulèvent sa crainte de ne pas être à la hauteur.
De même, la femme peut être perçue comme agressive, faisant de ses seins volumineux des objets de rivalité avec l’homme. En dardant sa poitrine, elle lui montre qu’elle aussi a de puissants attributs sexuels : plus ils sont imposants et gros, plus ils peuvent faire peur à son partenaire.
Ajoutons que ce qui rappelle le maternel n’est pas toujours synonyme d’érotisme pour l’homme, tant s’en faut. Ce qui nous conduit à faire l’amour mobilise des fantasmes souvent plus bizarres les uns que les autres. Parmi eux, le fantasme oedipien du petit garçon qui veut rivaliser avec son papa et posséder sa maman peut, face à cette dimension maternelle des seins, remonter à la surface. Comment l’homme va-t-il faire face à ce fantasme-là ? Va-t-il l’accueillir ou être stoppé dans son élan sexuel par ce scénario ?
Par ailleurs, lors des préliminaires, l’homme s’amuse souvent à titiller les seins, les mordiller, les téter peut-être, et peut se trouver surpris d’être soudain dans la position d’un nourrisson enfoui dans cette poitrine généreuse. Certaines femmes en ont elles-mêmes horreur, ayant l’impression de nourrir un bébé, et non de faire l’amour avec un homme.
Pour l’un comme pour l’autre, il est toujours difficile d’accepter ses ambivalences, d’où leur tentative de toujours scinder le sexuel du parental. »
                                    

Un week-end pour doper sa sexualité

Envie de réveiller votre sensualité et de booster votre sexualité ? Et si vous y consacriez un week-end ? Au programme : deux jours entièrement dédiés à votre désir et à votre plaisir.
Routine, libido en berne, fatigue, stress… Le tourbillon permanent dans lequel nous évoluons met souvent à mal notre vie sexuelle, fréquemment reléguée derrière nos vies familiales et professionnelles et nos soucis quotidiens. Qui n’a jamais soupiré en pensant à la fougue des débuts ou rêvé à de nouveaux horizons érotiques ? Alors quoi de mieux qu’un week-end placé sous le signe du désir et du plaisir, pour insuffler une nouvelle énergie à notre vie sexuelle ? « L’idée, c’est de prendre du temps pour s’arrêter sur sa sexualité, explique la sexologue Marianne Pauti. Ce peut-être le temps d'un week-end, ou deux jours, n’importe quand. Ou même un seul, si on n’a pas un week-end, ou bien trois jours, si on a un peu plus de temps. » Objectif de cette parenthèse érotique et sensuelle ? Se retrouver, se détendre et s’épanouir sexuellement ensemble.

Première étape avant le week-end : un peu d’introspection

Parler de sexe… Facile à dire, mais pas toujours à faire. Chez de nombreux couples, la sexualité reste même encore souvent un sujet tabou. « Certains ont beaucoup de difficultés à trouver les mots et les moments appropriés pour en parler, analyse Marianne Pauti. Du coup, ils n’évoquent jamais le sujet. Ou alors pour dire qu’il y a des problèmes. Il n’est jamais question de la sexualité qui va bien ». Avant le week-end, la sexologue recommande donc de se livrer, ensemble, à une petite introspection. « Il ne s’agit pas uniquement de remettre en question l’autre. C’est aussi se remettre en question soi, s’interroger véritablement. Et son couple aussi. »
=> Les pièges à éviter
 - Accuser ou culpabiliser l’autre ou soi-même.
« Les "c’est de ta faute" ou "c’est ma faute" sont à bannir. De même que les comportements castrateurs chez les femmes, ou dévalorisants chez les hommes. Le but, c’est de parler de ce que l’on ressent soi ».
 - Penser à la place de l’autre
« Lorsque que l’on est amoureux, on imagine souvent que l’être aimé sait ce que l’on pense. C’est source de quiproquos extraordinaires ! Se livrer à une introspection de sa vie sexuelle, c’est au contraire expliquer précisément à l’autre ce que l’on aime… ou pas. Et écouter ce dont lui-même a envie, ou non. Parfois, ce partage fait réaliser que l’on n’aime pas forcément les mêmes choses. Mais c’est bien de le savoir. D’autant que l’on finit toujours par trouver des terrains d’entente (parfois de nouveaux, d’ailleurs) ».
- Etre négatif
« Il faut être très positif si l’on décide de consacrer un week-end à booster sa sexualité. Comment avancer en se focalisant sur ce qui ne va pas ? On laisse donc tous les vieux dossiers concernant d’éventuelles mésententes ou déceptions sexuelles de côté ».
=> Quand parler de sa sexualité ?
« Si certaines personnes ont besoin de se sentir un peu désinhibées pour réussir à parler de sexualité, il est en réalité souvent difficile d’avoir une vraie discussion dans un contexte érotique, parce qu’elle risque précisément de briser l’érotisme. »

Préparer son week-end

S’évader le temps d’un week-end pour se consacrer à sa sexualité demande un minimum de préparation. Escapade à la mer, à la montagne, ou à la campagne, réservation d’un hôtel romantique, séjour à l’étranger… A chacun ses goûts et son budget ! L’enjeu ? Changer d’air. « Partir confère un caractère festif, particulier, au week-end. C’est pour cela que les gens ont une bien meilleure sexualité pendant les vacances, lorsque le quotidien et la routine sont mis à distance ». Pas question, donc, ce week-end-là, de faire des lessives, de tondre la pelouse ou d’aller déjeuner chez ses parents… Vous ne pouvez pas partir de chez vous ? Pas de problème, confiez vos enfants et vos animaux, cuisinez ou faites-vous livrer de bons repas, mettez-vous sur votre 31… Faites en sorte d’être tranquilles pour ne vous préoccuper que de vous !

Les derniers jours avant le week-end

Préparer sa valise
- Les incontournables : Contraception, préservatifs, lubrifiant si nécessaire… Pour ne pas courir les pharmacies pendant le week-end !
 - En fonction de votre appétit : huiles de massage, bougies, lingerie, jeux érotiques, sex toys, accessoires coquins, littérature érotique, déguisements… Pour Marianne Pauti, « il est important de faire les choses que l’on sent. Lorsque l’on essaye quelque chose uniquement pour faire plaisir à l’autre, on finit par s’en vouloir, par lui en vouloir. Il ne faut pas se forcer, ni chercher à forcer l’autre. Et si on veut transgresser un peu, mieux vaut le faire vraiment par rapport à ses envies ».
 - Déconseillé : son ordinateur, sa tablette, son smartphone constamment connecté à Facebook, la dernière série ou le dernier roman dont tout le monde est accro, des dossiers de travail… Au risque, sinon, d’emporter les soucis quotidiens avec soi.
 
Faire une cure de bonne forme
« Notre vie sexuelle est bien meilleure quand on est en bonne forme physique », estime Marianne Pauti. Au programme, donc, de la dernière semaine avant le week-end : de bonnes nuits, une bonne alimentation, peu ou pas d’excès (alcool en tête), du sport, et des moments passés à se chouchouter (soin en institut, nouvelle coupe de cheveux…).
Dernière nuit avant le départ : chacun de son côté
La veille, chacun dort chez soi, ou chez des amis ; ou l’un dans le lit, l’autre sur le canapé… Rendez-vous à la gare, l’aéroport ou même directement sur le lieu du week-end. « L’idée, c’est de se mettre dans l’état d’esprit de redécouvrir l’autre ». Et aussi de retrouver l’émoi des premiers rendez-vous…

Pendant le week-end, place à la sensualité, à l’érotisme et au sexe !

« L’attente, c’est la moitié du plaisir, rappelle Marianne Pauti. La préparation est tout aussi importante que l’acte sexuel en lui-même. On est déjà dans le plaisir : celui que l’on fait à l’autre, et celui que l’on ressent à se sentir désirable. Et le niveau d’excitation est beaucoup plus fort que si de but en blanc, on passe à la sexualité ».
Quelques idées de jeux sensuels : massages, caresses, promenade romantique, séance de lecture érotique, dîner aux chandelles, séquence souvenirs ou confidences, jeux de dés coquins…
L’important ? Etre dans la séduction. « Beaucoup de couples, surtout ceux qui sont ensemble depuis longtemps, ne savent parfois plus vraiment faire, ou ne se posent même plus la question de l'être. L’enjeu, c’est de retrouver la capacité de plaire à l’autre et de se plaire à soi-même. »
Après, à chaque couple de laisser libre cours à son imagination et faire l’amour comme bon lui semble !
Quelques idées de jeux torrides : expérimenter de nouvelles positions, faire l’amour dans l’eau ou dans un lieu insolite ; devenir le « professeur » de l’autre et lui montrer comment « s’y prendre encore mieux » ; l’amour les yeux bandés, sans aucune consigne cette fois ; raconter à l’autre les meilleurs moments de sexe avec lui ; se lancer dans un strip-tease, s’essayer au jeu de rôles (le docteur et l’infirmière, par exemple…) ; l’amour attaché ; avoir recours à un sex toy, par exemple à un œuf vibrant, qu’une télécommande actionne à distance…

3 principes importants

- Dédramatiser
Complexes, difficultés d’érection, panne sexuelle, absence d’orgasme… Il peut arriver que les choses ne se passent pas comme on l’avait souhaité. « Ce n’est pas un drame : on a tout un week-end, surtout, il ne faut pas se mettre la pression ».
- Oublier tout souci de performance
« Le but n’est pas forcément de grimper tout le week-end aux rideaux, mais de s’épanouir et de se faire plaisir. Et cela peut passer par des choses assez ténues. Certaines personnes ont par exemple une sexualité très douce, calme. Peu importe si leurs voisins, eux, hurlent pendant toute la nuit… Ce que font ou pensent les autres n’est pas important : l’objectif, c’est de se faire confiance à soi pour savoir ce dont on a envie ».
- Lâcher-prise
« Il faut éviter de trop gamberger : les plus "intellectuels" sont souvent ceux qui ont le plus de difficultés. Lâcher-prise, c’est se recentrer sur ce qu’on est en train de faire, sur ce qu’on ressent, sur sa sensualité, ses perceptions… C’est aussi laisser tout le champ des possibles ouvert ».

Tirer parti du week-end

Quelques jours après le week-end, il est bon de prendre le temps de faire, ensemble, un petit « debriefing », recommande Marianne Pauti. « Il s’est passé quelque chose, alors il serait dommage de ranger cela au fond d’un tiroir et de reprendre ses vieilles habitudes. Surtout qu’il y a sûrement des choses positives à retenir de ce week-end ». Des choses à approfondir, des leçons à tirer, des expériences à réitérer… pour booster sa vie sexuelle en général.
 Et faut-il, une fois le week-end terminé, prévoir le suivant ? « Si on a aimé, oui ! », répond la sexologue. Mais là encore, attention : « pour beaucoup de gens, la sexualité est une sorte de bulle, elle ne fait pas du tout partie de leur quotidien. Le risque, c’est de ne consacrer que certaines périodes de sa vie à sa sexualité. Alors que la doper, c’est au contraire faire en sorte qu’elle fasse davantage partie de sa vie »

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