Vie Professionelle

SOS open space

Fini les bureaux fermés et isolés, la mode est à l’open space. Des bureaux ouverts censés fluidifier la communication dans les entreprises tout en rapprochant les salariés. Un paradis du travail ? Loin de là, à en croire les « open spacers », qui souffrent de plus en plus de cette organisation des bureaux.

De vastes plateaux ouverts, des bureaux alignés en rang d’oignons, des écrans d’ordinateurs à la vue de tous… Bienvenue en open space. Depuis dix ans, les petits bureaux fermés cèdent la place à ces grands espaces sans cloisons. Economie de place, meilleure circulation de l’information… La tendance est au bureau ouvert. Mais également à la polémique : si les salariés sont de plus en plus nombreux à y travailler, ils seraient également de plus en plus à mal le vivre. Selon un sondage du journal du Net datant de 2006, ils étaient 60% à déclarer le travail en open-space "plutôt gênant" voire "clairement insupportable".

Cool attitude

Pourtant, l’open space a d’abord été conçu comme un espace convivial, la proximité rendant la communication plus facile. Fini les bureaux fermés aux portes desquels les employés n’osaient pas frapper et les secrétaires qui empêchaient de s’en approcher : les chefs sont désormais au milieu de tous. L’ambiance est à la convivialité et le tutoiement souvent de mise, comme les pots ou les déjeuners entre collègues. Une atmosphère presque bon enfant où la hiérarchie semble moins apparente. En illusion. « Elle revient dans la disposition : les n+1 et les n+2 (les cadres supérieurs) ont le dos au mur tandis que les nouveaux sont placés au beau milieu du passage. Derrière cette ambiance cool, se cache une violence dans les relations au travail et un isolement de chacun sur son projet », constate Thomas Zuber, consultant et co-auteur de L’open space m’a tuer, (Editions Hachette Littérature).

Cocktail party

Toujours selon le sondage du Journal du Net, le bruit serait la principale nuisance dans les bureaux ouverts. Dans un open space, on voit et on entend beaucoup de choses. Trop parfois. Sonneries des téléphones fixes, des portables, rugissement de l’imprimante, « confcall » -ces conférences avec le haut parleur-, musique des uns, forts décibels des autres… Sans oublier ceux qui hèlent leur collègue situé à l’autre bout du plateau. Au final, le fameux cocktail party où chacun finit par parler de plus en plus fort. Une véritable cacophonie

Bruit et Big brother

Chargée de communication, Marion travaille en open space depuis un mois à peine : « C’est l’enfer ! Même avec des boules quies, il est vraiment difficile de se concentrer. On est obligé de supporter les coups de fils, les discussions, les rires des autres... Et toutes les deux minutes, quelqu’un vient te déranger. Parfois, je n’arrive plus à travailler tellement il y a de bruit.» Christophe est journaliste et secrétaire de rédaction dans un titre de presse jeune. Pour faire ses interviews, il peut s’isoler dans des cellules de 5 m2 environ. Entre deux parois en verre, une table ronde, deux sièges et un téléphone. Le plateau voisin semble vide : il n’en sort pas un bruit. En fait, vingt personnes s’affairent, munis de casques et de boules quies. Bel exemple de communication…
Big Brother
Dans sa rédaction, Christophe occupe un poste en plein milieu du passage. « Je n’ai aucune intimité dans mon activité du moment. En open space, tout le monde peut surveiller tout le monde. Que ce soit en regardant sa montre, l’écran de son voisin ou en tendant simplement l’oreille, il est extrêmement facile de fliquer les autres. » L’open space, version travail de Big Brother ? Il est vrai que le moindre appel, la moindre conversation peut être saisie par tous les membres du plateau. Chacun sachant bien qui surfe sur Internet, chatte sur Skype ou consulte son profil Facebook. Et que celui qui n’a jamais louché sur l’écran de son voisin jette la première pierre.

En open space, c’est comme ça : tout le monde voit et entend tout. « Le soir, c’est comme un bal de contorsionnistes : c’est à celui qui va oser partir en premier. Dès que l’un se décide, la vague de départs s’enclenche. Chacun développe une technique pour partir. On éprouve toujours le besoin de se justifier. Certains restent ainsi à surfer dans le vide jusqu’à 20 heures, craignant les réflexions. Dans l’open space, les gens s’autocontrôlent », commente Thomas Zuber. Le bureau ouvert ne serait-il en fait qu’un lieu d’enfermement que l’on n’ose pas quitter ?

Open stress

Collés les uns aux autres, obligés de porter des casques,surveillés… L’open space, une course au mètre carré faisant fi du bien-être des salariés ? Selon Denis Valode, cofondateur de l’agence d’architectes Valode et Pistre, il fait pourtant ses preuves : « Notre agence ne pourrait fonctionner autrement qu’en open space. Je ne suis pas seul dans mon bureau : j’ai besoin de communiquer avec mon associé, mon assistant… » Certains métiers seraient-ils alors plus adaptables que d’autres à une organisation en open space ? « Sans doute. Mais ce qui compte, c’est la manière dont ils sont faits. Les immenses plateaux sans possibilité de cloisonner sont inhumains. Dans un bon open space, tout est éclairé naturellement, et on a réfléchi à la correction acoustique intérieure, à des cloisonnements partiels, à des salles de réunion… Dans ces conditions, l’open space a de gros avantages. »
Même son de cloche chez Loïc, consultant. Il a travaillé un an en open space, en mission au sein de plusieurs sociétés. Dont une entreprise de construction automobile. « J’ai le souvenir d’un plateau spacieux, lumineux, pas trop grand avec des cloisonnements intelligents, des espaces de réunion et de pause fonctionnels et agréables. » A l’inverse, chez le concurrent, il se retrouve dans « un espace gigantesque, aux meubles et aux murs gris et au faux sol qui bougeait et résonnait à chaque pas. Plantes et photos familiales étaient interdites. A bout, certains ont fini par changer d’employeur. »

Kit de survie

Entassés dans des bureaux souvent pleins à craquer entre sept et dix heures par jour, les « open spacers » doivent faire preuve d’adaptation. De tolérance envers celle qui a toujours froid et qui ne veut pas ouvrir la fenêtre, ou celui qui ne supporte pas l’éclairage général au néon. Et surtout, s’approprier un petit coin de ce grand espace ouvert. Plantes, photos, affiches, fond d’écran, lampes, figurines… Chacun tente de se recréer une bulle personnelle. Emmanuel, journaliste, travaille en open space depuis quatre mois. « Un open space est ouvert à toutes les énergies. On est loin des principes Feng shui. L’agression vient de partout. Au début, j’ai eu l’impression d’être nu devant tout le monde, obligé de me cacher. Avec un casque ainsi qu’un portemanteau et une armoire pour fermer mon bureau, j’en ai fait ma chambre. »
Pour ceux qui n’auraient pas de portemanteau, un américain commercialise un kit de survie spécial open space. Tout y est, des boules quies, au panneau « Come back later », en passant par les pinces à linge pour se protéger des odeurs et le rétroviseur pour voir qui vient derrière soi. Mais surtout, l’open space reste un mode de travail, de vie dont les règles restent à fixer. En bonne intelligence.
       

Travail : J’ai testé la mythologie pour trouver ma voie

Ennui, démotivation, stress… Et si vous n’aviez pas fait les bons choix professionnels ? Une méthode inspirée du mythe de Thésée propose d’y voir plus clair, en suivant son fil d’Ariane. Notre journaliste l’a testée.

Premier week-end du printemps, un vaste bureau dans le XVe arrondissement, à Paris. Autour d’une table, six personnes venues participer à un séminaire au nom en forme d’énigme : « Autographie-Projets de vie ». Il va être question de labyrinthe, de Minotaure, de fil d’Ariane et de projets, nous n’en savons pas plus. Pourquoi suis-je là ? A 33 ans, je ressens le besoin de faire le point sur le chemin parcouru, professionnel et personnel. De savoir où j’en suis pour mieux savoir où je vais.
« De quel lieu venez-vous ? » : c’est justement la première question posée par Françoise Bernard, conseil en formation, psychanalyste et créatrice de cette méthode d’orientation et d’accompagnement de projets. Sur une feuille blanche, j’écris : « De Belgique », et j’ajoute sans vraiment réfléchir : « Pays flou où le ciel, la terre et la mer se confondent. » De ce pays quitté voici dix ans, de ces racines un peu imprécises du côté de la mer du Nord, je décide de faire le point de départ de mon jeu initiatique. Le premier fil de mon histoire.

Le mythe de Thésée

Puis vient le temps du mythe. Françoise Bernard utilise le mythe de Thésée affrontant le Minotaure : une histoire d’exploits, de renoncements, de désirs et de destin. « Le mythe permet un détour par l’imaginaire, donc un détour vers soi. Il offre à chacun la possibilité de traduire tel ou tel pan de son vécu dans d’autres images, de mettre ses pas dans un chemin déjà emprunté par d’autres et d’être ainsi soutenu dans son interrogation. »
Elle nous encourage, après avoir conté les exploits du futur roi d’Athènes, à dessiner notre propre labyrinthe, à nommer notre propre Minotaure et à donner un titre générique à la scène du duel. Je me lance dans une fresque rouge et noire baptisée « La lutte finale » : Thésée, casqué et ailé, s’avance prêt à en découdre avec un Minotaure qui lui barre la route vers la lumière. Je suis surprise par la tournure passionnelle des événements ! J’ai l’impression de voir une scène mille fois jouée où je reconnais des révoltes, de fiévreux enthousiasmes et aussi des peurs qui m’empêchent encore d’avancer comme je le voudrais… Et je formule pour moi-même : « Assez lutté, j’ai envie de m’ancrer. »

Je recherche mes points cardinaux

A ce stade du travail, mes questions pourtant demeurent : « Suis-je à la bonne place ? Ai-je fait les bons choix ? Toutes ces luttes, ces coupures, m’auraient-elles fait perdre mon fil d’Ariane ? » Pour nous permettre de prendre de la hauteur, Françoise Bernard nous propose de remplir notre Dédalescope. Plus qu’un curriculum vitae réduit à sa seule dimension de « course de vie », cet exercice se présente comme une table d’orientation destinée à recevoir l’inscription de nos « carrières de vie ».
« Cette étape donne une vue synthétique et dynamique de ce qui pouvait être ressenti comme un puzzle, voire comme un champ de ruines, précise encore Françoise Bernard. Il aide à s’orienter et révèle bien souvent le fil d’Ariane qui court à travers ce que nous pourrions appeler la géologie du moi. » Avec mes compagnons de labyrinthe, nous entreprenons donc de relire notre carte géographique : notre filiation, les événements marquants de nos vies, nos études formelles et informelles, ce qui nous a été transmis, ce que nous transmettons… Chacun s’ouvre aux autres de ses découvertes. Pour ma part, j’évoque quelques images de mon enfance : mes lectures, mon envie d’écrire, mes rêves d’ailleurs… Je m’attarde sur ma maîtrise de droit obtenue, je le sais maintenant, pour solder une dette familiale. Puis j’embraye sur mon départ vers Paris, ville-labyrinthe choisie pour m’inventer loin des attentes des autres et devenir journaliste. Dans les entrelacs de mon récit, je revis les doutes, mais surtout les rencontres et les découvertes de cette époque. Et je me dis que, à l’image de Thésée, moi aussi j’ai pris le taureau par les cornes ! Je n’ai pas eu peur de (me) perdre… pour (me) gagner.
Tel que je viens de l’écrire et de le raconter aux autres stagiaires, mon chemin professionnel se révèle dans sa cohérence : à la fois nécessaire et formateur. Rassurée sur mes ressources comme sur mes racines, mes Minotaure se font moins menaçants. Quant à Ariane (ma boussole intérieure, ma créativité), elle peut à nouveau m’inspirer des projets : fictions à écrire, formations à entreprendre… « La lutte finale a déjà eu lieu », me dis-je apaisée, sûre de tenir le bon fil et prête à m’ancrer en terre d’écriture. « Dans cette démarche, ce qui importe, c’est que le “je” advienne en même temps que son projet », conclut Françoise Bernard avant d’ajouter avec malice : « Mais, bien sûr, les “je” ne sont jamais vraiment faits… » Car l’histoire de Thésée, c’est l’histoire d’une vie. Une vie à remettre son destin en mouvement pour naviguer au plus près de sa vérité.

        

Travail : comment partir plus tôt ?

Votre journée touche à sa fin et votre stress monte. Votre conjoint vous attend pour le dîner, les enfants aussi. Ou bien c’est le jour de votre séance de sport. Mais vous avez encore des e-mails à traiter, un dossier à boucler et puis… les collègues qui vont remarquer votre départ jugé hâtif. Pire, vous risquez, en franchissant la porte, l’apostrophe qui énerve : « Tu as pris ton après-midi ? ». Les solutions de Sophie Péters, coach et psychanalyste, pour partir plus tôt du bureau.
Éduquez votre hiérarchie. Ne renoncez pas sous prétexte que votre entreprise fait partie de celles où il est de bon ton de rester tard. Une hiérarchie, ça s’éduque ! Il est préférable d’instituer votre rythme dès votre prise de poste plutôt que décider d’un seul coup de partir plus tôt, ce qui risque d’amener vos collègues à s’interroger sur votre niveau d’investissement.
Expliquez vos raisons en toute transparence. Par exemple, que votre cours de sport est essentiel à votre motivation. Si la santé au travail requiert de l’organisation de la part de vos supérieurs, elle reste avant tout la responsabilité des salariés. Cela s’appelle prendre soin de soi.
Appuyez-vous sur le collectif. À cette idée, vous opposez déjà une foule d’arguments : c’est impossible dans mon service, trop mal vu, incompatible avec la culture de l’entreprise, etc.
Sondez vos collègues et étudiez une organisation qui permettrait à chacun de mieux équilibrer ses temps de vie. Construisez ensemble des solutions. Vous constaterez probablement que votre désir de partir plus tôt encouragera les personnes avec qui vous travaillez à faire de même.
Éliminez les projections imaginaires. Si la question soulève en vous des impasses, peut-être interprétez-vous trop la situation en faisant seul les questions et les réponses, sans même oser en parler à votre chef.
Comment connaîtrait-il vos besoins si vous ne les exprimez pas ? Ce n’est pas parce qu’il vous sait parent de trois enfants qu’il se souciera de votre équilibre de vie. Ce n’est pas son rôle. Il s’agit de votre choix, qu’il vous incombe de faire valoir pour rester investi.
Sinon, vous risquez d’en vouloir à votre hiérarchie, sans qu’elle réalise que vous entrez en résistance et que vous vous démotivez. Avant de vous lancer, il s’agit donc de débusquer les freins imaginaires.
Le piège à éviter : tomber dans la supposition de ce que l’autre (votre chef) attend de vous. Comment : en vous interrogeant (qui est-ce que je satisfais, moi-même ou l’autre ?)... Et tordez le cou à votre croyance que vous êtes indispensable et que votre sens du travail bien fait vous assigne ce rythme.

Soyez pleinement sujet. N’oubliez pas qu’être dépendant de son environnement est le plus fort générateur de stress. Pour sortir du sentiment d’impuissance ou de celui de se sentir indispensable, il faut se mettre au service de son objectif et non de celui des autres. Et ne plus chercher dans des décisions éminemment personnelles une approbation extérieure.
Le choix ne sera en aucun cas une réalité fixe et pérenne, du côté professionnel comme du côté personnel. L’équilibre étant l’art de bien vivre ses extrêmes.
       

Travail : déstressons-nous !

Le stress au travail, nous connaissons tous. Comment moins le subir ? En prenant soin de nous-mêmes… au bureau. Bonne posture, pauses, étirements, vrai sas avec la vie privée… Gilles Diederichs, sophrologue et spécialiste de la relaxation, nous donne les clés du bien-être professionnel.
Débordés, pressurisés, soumis au culte de la performance et de la rentabilité… Le stress au travail concerne chacun d’entre nous.
Mais il ne constitue pas une fatalité, selon Gilles Diederichs, sophrologue et spécialiste de la relaxation. « C’est quelque chose de tout à fait naturel. Dans la vie, il y a des moments hauts, heureux et des moments bas, pénibles. C’est entre les deux que l’on doit se construire une voie. Et ceci implique de muter, d’accepter que certaines choses changent, meurent même parfois. En cela, le stress nous oblige à évoluer. Lorsqu’il nous révèle notre potentiel de développement, de changement, loin d’être un ennemi, il devient un véritable allié. Et peut même nous renforcer ». A condition d’apprendre à le gérer. D’apprendre aussi à laisser le travail à sa juste place, à ne pas se laisser envahir par les tensions, la fatigue…
Pour y arriver, un seul moyen : prendre soin de soi, non seulement dans sa vie privée, mais aussi professionnelle. Et l’enjeu est de taille. Gilles Diederichs l’assure : le travail est un chemin privilégié de développement intérieur, personnel.

Se constituer une réserve anti-stress dès le matin

Pour beaucoup d’entre nous, la course quotidienne commence dès le réveil : dès que celui-ci sonne, nous sautons du lit, nous nous jetons sur une tasse de café, mangeons peu (ou pas du tout), et partons précipitamment. Le matin, nous n’avons « pas le temps », répétons-nous à l’envi.
Et si, désormais, nous essayions de le prendre ?
L’enjeu
Gilles Diederichs : « En dormant, nous nous ressourçons très profondément. Que nos nuits soient bonnes ou agitées, elles sont l’occasion d’un vrai travail psychique, chimique, énergétique. Mais il est important de se défaire de cette humeur de la nuit pour faire place au jour. Il faut donc prendre le temps de passer à autre chose, de tourner la page. C’est comme un bébé à qui l’on apprend à faire la différence entre le jour et la nuit. Aujourd’hui, les adultes semblent de nouveau confondre l’un et l’autre. Ils continuent à penser pendant la nuit, à s’agiter nerveusement, physiquement… Pour commencer sa journée avec une nouvelle énergie, il est important de faire du lever un moment à soi. »
L’exercice 
Dès le matin, nous pouvons nous constituer une « réserve anti-stress ». A condition de prendre quelques minutes pour nous lever du bon pied.

Mettre à profit nos trajets

Métros, trains ou bus bondés, embouteillages monstres ; temps de trajet de plus en plus longs… Se rendre au travail constitue souvent la première source de stress de la journée. Mais il est possible de tirer parti de ce passage obligé (et souvent redouté !).
En s’automassant, en écoutant de la musique ou des sons de la nature, en s’étirant, en faisant attention à sa respiration, on peut en profiter pour s’occuper de soi et ainsi arriver en forme au travail.
L’enjeu
Gilles Diederichs : « Que vous soyez dans un train, un métro ou une voiture, l’objectif est de vous centrer sur vous, et particulièrement sur le centre de votre corps, au niveau de votrehara. L’énergie que vous allez ainsi développer va vous rendre disponible pour travailler. Vous aurez créé un sas, et fermé la porte de votre vie privée. Ainsi, une fois au travail, vous ne serez pas atteignable. Il existe deux types d’immunité : l’une physiologique, l’autre psychologique. Si vous arrivez au bureau avec une énergie faible, avec des failles, il est certain qu’à un moment ou à un autre, vous allez vous sentir piqué par une remarque, agressé, en défaillance, et tous vos problèmes intérieurs vont alors ressortir. Il est donc important de vous construire une aura de protection dès le matin. »
Pour les Japonais, le hara, zone située trois doigts en-dessous de notre nombril, constitue un réservoir d’énergie vitale.

Gagner de l’énergie avec une bonne posture

Combien sommes-nous à ne pas nous tenir correctement devant notre bureau ? A être mal assis, tordus, avachis ? Et à en avoir conscience, sans pour autant y changer grand chose ?
Pourtant, une bonne posture est le gage d’une bonne circulation de l’énergie. Quand, à l’inverse, une mauvaise position peut nous en faire perdre…
L’enjeu
Gilles Diederichs : « Une mauvaise posture fait perdre environ 20 à 30% d’énergie. En effet, elle demande à être rectifiée constamment par de micromouvements. Le problème, c’est que nous nous habituons très bien à de petites douleurs qui sont douces. Si vous êtes mal assis, votre énergie entre le haut et le bas de votre corps va moins bien circuler. Conséquence : le stress va commencer à se faire sentir. Une bonne posture permet aussi une bonne vision. Celle-ci peut prendre 80% de l’énergie pour bien fonctionner. En sachant que le cerveau en a besoin de 20%, il n’y a plus rien pour le reste. »

Décompresser en faisant des pauses

Pour évacuer le stress et la fatigue, quoi de mieux qu’une pause ? Mais si les fumeurs descendent régulièrement allumer une cigarette, d’autres passent des heures assis derrière leur bureau, leur écran, sans parfois même se lever.
Résultat : une nuque souvent contractée, un dos noué, des yeux fatigués, une tête sur le point d’exploser... Pour lutter contre ces tensions, une seule solution : bouger !
L’enjeu
Gilles Diederichs : « Dans l’idéal, levez-vous au moins toutes les 40 minutes. Il ne faut pas avoir peur d’être regardé par les autres. On ne devrait pas être jugé lorsque l’on cherche à prendre l’air ou à faire un mini sport intérieur. En une minute à peine, vous pouvez vous lever, faire quelques mouvements de pied, tourner vos poignets, votre tête, retendre votre dos et vous rasseoir. Vous pouvez aussi chauffer vos mains entre elles et les passer sur votre visage, vous masser la nuque, les mains… Deux fois par jour, accordez-vous également des pause coupe stress : n’oubliez pas notamment de manger - des fruits secs par exemple -, pour éviter les moments d’hypoglycémie et les sautes d’humeur 

Prévenir les coups de barre

Sensation de lourdeur, de fatigue, envie de sieste... Difficile, dans une journée de travail, d’échapper aux fameux coups de barre.
La solution pour les éviter ? Plutôt que se ruer sur un café, ce qu’il faut à ce moment-là, c’est revitaliser son énergie.
L’enjeu
Gilles Diederichs : « Lorsque l’on n’a plus d’énergie, c’est qu’il faut prendre du temps pour soi. Les coups de barre, on peut toujours les masquer. Le problème, c’est que les gens prennent des excitants, qui ne donnent pas de l’énergie à long terme. Si vous avez besoin de tenir encore un peu, assis, faites comme les enfants qui sont impatients. Tapez des pieds par terre tout en tapant en même temps sur vos cuisses. Cela va vous relancer, mais encore une fois, à court terme. Il n’y a qu’une chose à faire pour un corps fatigué : se mettre au repos. »

Se préparer à des rendez-vous importants

Mains moites, rythme cardiaque qui s’accélère… Pour éviter toute panique lors d’une réunion ou d’un rendez-vous, il est important de s’y préparer, tant mentalement, que physiquement.
La clé ? Ne pas hésiter à prendre soin de soi, à se faire du bien, avant toute échéance.
L’enjeu
Gilles Diederichs : « En faisant attention à vous, votre pensée va se concentrer sur du bien-être. Cela va vous ancrer dans l’ici et le maintenant, éliminer toutes les pensées parasites, et vous rendre disponible, non seulement aux autres, mais d’abord à vous-même. Et c’est important dans un rendez-vous : il faut avoir une immunité psychologique, sans quoi, on risque d’être manipulé. Après, l’essentiel de la préparation repose sur la respiration. Si vous prenez une inspiration courte, par le nez, avec une respiration plus longue, plus lente, en pinçant la bouche, un peu comme si vous souffliez dans une paille, vous allez chasser votre stress. Si, à l’inverse, vous prenez des inspirations beaucoup plus longues que les expirations, vous allez vous dynamiser ».
         

Le chômage, une occasion de se réinventer ?

Bien sûr, perdre son emploi est toujours difficile. Il y a ce profond désarroi de ne plus pouvoir se définir par un travail, cette inquiétude pour l’avenir. Mais, à condition de changer sa vision de l’épreuve, cette parenthèse subie peut être l’occasion de rebondir. C’est ce que dit le funemployment.

Aux États-Unis, certains arborent de curieux badges colorés « No job, no problem » ou « I watch TV all day », symboles du chômeur décomplexé, qui revendique le droit au bonheur en dehors du salariat. En France, le funemployment – contraction de fun, « amusement », et de unemployment, « chômage » – pénètre doucement les esprits. De plus en plus de cadres, de jeunes, de trentenaires déçus par des carrières qui plafonnent, par des employeurs qui n’ont pas pris de gants pour les licencier cultivent une nouvelle distance avec le monde de l’entreprise. « La confiance a été altérée et les salariés entretiennent un rapport plus mercenaire au travail », observe Marc Traverson, psychothérapeute et coach, auteur deLettre à ceux qui ont momentanément perdu leur emploi (Payot 2010). Dans un contexte où l’emploi devient volatil et où les retraites se réduisent comme peau de chagrin, « chacun doit désormais prendre en main sa propre employabilité, comme une petite entreprise de services qui prospecte ». À la recherche d’un CDI se substitue une nouvelle quête de sens, l’envie très actuelle de se consacrer à des occupations plus « essentielles » – thérapie, bénévolat, engagement citoyen, activité artistique… Les adeptes du funemployment espèrent qu’en suivant le fil de leurs aspirations, ils se donnent des chances de rebondir vers un nouveau métier, plus conforme à leurs désirs.

S’accorder le temps du deuil

Parler de chômage-plaisir à l’heure où la France compte plus de 3 millions de chômeurs peut sembler choquant. Car le travail est un attribut identitaire. Dans une ambiance qui contribue à rejeter la responsabilité de la précarité sur celui qui la subit, le mal nommé « inactif » finit tôt ou tard par se fustiger de son « inutilité ». « L’entreprise incarne un cadre, des obligations, un réseau, quelque chose qui soutient, souligne Marc Traverson. Le chômage, c’est un trou d’air. Vous êtes seul face à vous-même et à des journées vides, l’oeil rivé sur les comptes dans la crainte de ne plus pouvoir payer le loyer, dans l’attente de rares entretiens qui vous font grimper des pics d’espoir avant de vous replonger dans la déception. L’équilibre du couple se trouve modifié par le désoeuvrement de l’un et le malaise qui l’accompagne. Et, tandis que l’on se joue à soi-même la comédie du “même pas mal”, c’est la peur du grand déclassement qui vous saisit à la gorge. » Avant d’arriver à rebondir, c’est tout ce désarroi auquel il faut pouvoir s’habituer, cette souffrance qu’il faut pouvoir reconnaître, sans se condamner à une solitude punitive. La temporalité du chômage n’est pas sans évoquer celle du deuil. Il faut avoir traversé la sidération, la colère, le chagrin de la perte avant d’être capable de remonter. « Et faire, avec un psy ou un coach, le point sur son histoire professionnelle pour comprendre comment on en est arrivé là, et vers où repartir », encourage Marc Traverson. Après le chômage qui mine vient alors le temps du chômage qui construit.

S’affranchir des normes

« Plus l’individu s’est construit en dehors du travail, plus il pourra passer en mode fun », affirme le psychothérapeute et coach. Comme Olivier, que ses nombreux voyages et sa récente paternité ont tourné vers d’autres horizons. « Ceux pour qui l’importance sociale se mesure à l’aune du salaire et du temps passé au bureau vont avoir plus de difficultés à assumer leur chômage… » L’héritage familial conditionne aussi la capacité à se déculpabiliser de sa condition. Céline a vu ses parents anéantis par la perte d’emploi. Pas question pour elle de baisser la tête. À la rituelle et dérangeante question : « Et toi ? Que fais-tu dans la vie ? », les pionniers du funemployment assument de répondre « rien » ou du moins « plein d’autres choses ». « Pour rebondir en toute quiétude, il faut être capable de s’affranchir du jugement des autres, notamment de celui de ses proches, estime Marc Traverson. En ce sens, il s’agit d’une forme de résilience. »

Cultiver la « sérendipité »

Plutôt que de se laisser mettre au ban de la société, les adeptes du funemployment cultivent une convivialité stimulante et valorisante. Grâce à son blog ouvert en 2009, Mon amie chômeuse, où elle proposait toutes sortes de loisirs auxquels les travailleurs n’ont pas le temps de s’adonner (expos, lecture, cinéma…), Élodie, 28 ans, s’est créé une communauté. Repérée pour ses billets d’humeur, l’ex-responsable marketing chez L’Oréal a depuis été embauchée par l’hebdomadaire Marianne. Lilou Macé, 34 ans, a couché son désarroi sur le papier. Résultat ? Un livre : J’ai perdu mon job et ça me plaît (Guy Trédianel Ed. 2011). « Soit je m’ouvrais aux autres, soit je sombrais. En me mettant à nu, je me suis réveillée », explique- t-elle. Depuis, elle a monté sa web TV6 et parcourt les États-Unis à la rencontre d’inconnus. « Je ne cherche plus la réussite matérielle. Je fonctionne avec le coeur, moins avec le cerveau. Ma philosophie s’inspire des lois de l’attraction : si on est cocréateur de sa vie, elle devient plus belle. » Lister ses envies, organiser sa semaine, soigner son corps, entreprendre des formations…, il y a de multiples façons de rester constructif. Et, parmi elles, une qu’affectionne Marc Traverson, la « sérendipité », ou l’art d’associer des idées dans des registres différents. « J’aime, pour ma part, entendre des conférenciers sur des sujets qui m’intéressent, écrit-il. Le fait de se mettre en écoute permet à l’esprit de vagabonder, de faire surgir des associations d’idées inattendues, de faire revenir à la conscience des idées que nous avions perdues de vue. » C’est ainsi, en cultivant des petites pousses, que surgissent les grandes opportunités.

Témoignages

Céline, 36 ans, ex-juriste, aujourd’hui formatrice
« Je suis passée d’un rapport coercitif au travail à un rapport de plaisir »
« En trois ans, j’ai enchaîné une trentaine de CDD. J’étais dans une situation de demande et de soumission : j’espérais que l’entreprise me recrute, car j’avais un loyer à payer. Aujourd’hui, je donne et j’apprends, c’est un échange. Je suis passée d’un rapport coercitif au travail à un rapport de plaisir. J’ai grandi avec le souvenir de mon beau-père, licencié à 42 ans, qui a loupé plein d’opportunités faute de prendre le risque de se recycler. J’en avais ras le bol de mon métier, j’avais le sentiment de ne pas avoir réussi ma vie sentimentale, il ne fallait pas que je rate en plus ma vie professionnelle. Au lieu de voir le chômage comme une contrainte, j’en ai fait une période propice au changement. L’optimiser m’a rendue plus employable, moins stressée. J’ai suivi une formation en sophrologie pour devenir formatrice en gestion du stress et, surtout, une psychothérapie, qui m’a appris à devenir actrice de ma vie. J’avais une vision fataliste des choses. C’est comme une forme de résilience, un travail sur l’estime de soi très progressif. On n’est pas tremblant un jour et conquérant le lendemain. Désormais, plus j’enchaîne les missions, plus ça me fait de références clients. C’est la classe ! Alors qu’avant, avec ces CDD à répétition, j’étais perçue comme quelqu’un d’instable… Cela me troublerait beaucoup de redevenir salariée, car, en free-lance, je choisis avec qui je travaille. Depuis cette reconversion, je monte en compétences. À chaque mission, je m’interroge sur ce qu’elle m’a apporté. Je me constitue une bibliothèque de souvenirs positifs. Les obstacles, dans la vie, c’est comme le yin et le yang, ils peuvent aussi être bénéfiques. »
celinecamoun.hautetfort.com
Sophie, 49 ans, ex-responsable de la promotion des ventes dans une major du disque
« Le marché de l’emploi ne veut pas de moi? Eh bien, je ne veux plus de lui ! »
« J’ai été élevée dans la valeur travail. Ma mère était femme de ménage, mon père électricien. Ils se crevaient à la tâche, mais ils en étaient fiers. Bac en poche, je suis entrée à la Société générale puis chez Warner, une maison de disques. J’étais dans mon élément. Et les charrettes se sont succédé. Après quatre mois d’arrêt pour épuisement, j’ai été licenciée. Je pensais retrouver du travail rapidement. En fait, cela fait dix ans que je suis au chômage. J’ai envoyé plus de mille huit cents CV et reçu près de cinq cents lettres négatives. Après une grave dépression, j’ai voulu connaître le “mal” dont j’étais victime, comme un malade face à son cancer. J’ai épluché tout ce que je trouvais sur le chômage. Ma conviction ? C’est un statut indispensable au fonctionnement de l’économie libérale, car il permet de niveler les salaires par le bas. Cette découverte m’a libérée. J’ai longtemps comparé ma quête à celle d’une femme qui court après un homme qui ne veut pas d’elle. Dans les histoires d’amour, l’entourage vous conseille d’arrêter, alors que décider de ne plus chercher de job est perçu comme irresponsable ! Le marché de l’emploi ne veut pas de moi ? Eh bien, je ne veux plus de lui ! Ce qui ne veut pas dire que je ne travaille pas. Une mère de famille, un retraité, un chômeur travaillent. Aujourd’hui, j’anime un site d’informations à destination des demandeurs d’emploi actuchomage.org. J’améliore ma condition et celles des autres. Ce n’est pas le fait d’être chômeur qui est indigne, c’est la société qui intime aux individus d’avoir un emploi alors qu’elle est incapable de leur en fournir un décent. »
Olivier, 38 ans, ancien directeur artistique, aujourd’hui acrobate
« J’adore le temps que je passe avec mon fils »
« Mon premier voyage en Inde a été une révélation. À l’époque, je passais mon temps au boulot, je me suis rendu compte que je courais après des leurres, que je perdais ma vie à la gagner et que je pouvais travailler différemment pour vivre mieux. J’habitais dans le VIIe arrondissement de Paris et je voyais ces bataillons de cadres rentrer à des heures impossibles pour payer leur loyer sans profiter de leurs enfants. Quand mon fils est né, en 2010, il était hors de question de le mettre à la crèche à 3 mois et de rebosser comme un fou ! J’ai arrêté. Ma compagne a pris un congé d’un an et nous avons fait le tour du monde avec le petit. J’ai toujours eu un rapport au travail assez particulier. Je viens d’un milieu privilégié, j’ai été élevé chez les jésuites, où la valeur travail est essentielle. Pour mes parents, je gâche mes possibilités. Mais ils ont aussi compris qu’il fallait profiter du temps qui passe avant qu’il ne soit trop tard. Pendant des années, quand on me demandait ce que je faisais, je répondais que j’étais oisif. Ça ne me dérange pas d’être perçu comme un dilettante. J’adore le temps que je passe avec mon fils. Ma femme, qui travaille comme une folle, se déstresse de la vie de tous les jours car elle sait que je suis là. Le plus compliqué à assumer n’est pas le fait de ne pas travailler, de dépendre des allocations chômage – après tout, j’y ai droit, j’ai cotisé pour! –, mais la culpabilité du regard des autres, jaloux de vous voir épanoui. Pour moi, ce temps libéré est une réussite, car il permet de nouer des contacts, de dénicher des idées, que je n’aurais pas eus en étant coincé derrière un bureau. Ce sont des portes ouvertes qui nourrissent d’autres activités. D’ici à un an, j’aurai suivi une formation en oenologie-viticulture et acheté des vignes dans le Midi. Ce sera notre port d’attache. »
         

Mon chef m'énerve

Votre patron vous agace et vous stresse. Le seul bruit de ses pas dans le couloir suffit à faire monter en vous un mélange de colère et de crainte. Ou bien votre découragement prend le dessus en réunion. Sophie Péters, coach et psychanalyste, propose des solutions pour mieux vivre cette situation professionnelle.
Il arrive qu’un patron malhabile ou dont le comportement est abusif – il fait preuve d’un leadership directif ou, pire, ne fait confiance à personne – vienne à bout de la motivation la plus solide. Mais il n’y a guère qu’avec quelques collègues triés sur le volet, parce qu’ils sont du même avis que vous, que vous pouvez aborder un sujet aussi politiquement incorrect. Et pourtant tellement naturel : qui n’a jamais pesté contre son (sa) chef ?
Pour désamorcer cet agacement, tout légitime qu’il puisse être mais qui vous envoie de la mauvaise énergie, commencez par repérer chez votre manageur ce qui vous énerve ou vous stresse. Les motifs sont nombreux, mais il vous faut les trier pour agir dessus.
S’il s’agit d’éléments de sa personnalité – son look, sa façon de s’exprimer, son caractère… –, votre marge de manoeuvre est plus intérieure qu’extérieure. Il vaut mieux commencer par admettre vos différences, reconnaître que ce que vous n’aimez pas en lui vous renvoie à quelque chose en vous et apprendre à pactiser avec cette part d’ombre à laquelle il sert de révélateur.
S’il s’agit de vos rapports concernant le travail– il est trop ou pas assez présent, il ne vous reconnaît pas à votre juste valeur, critique la moindre de vos initiatives… –, vous vous devez d’en discuter avec lui. Car vous risquez sinon de perdre en estime de vous-même. Ce n’est pas facile, direz-vous d’emblée, parce qu’il n’écoute jamais rien, parce qu’il est méprisant ou, pire, parce qu’il est réputé pour être caractériel ou pervers. Qu’à cela ne tienne, en le sollicitant sur des éléments factuels ayant trait à votre travail, il pourra difficilement se dérober. L’essentiel étant de ne jamais déraper sur un versant personnel.

Prenez soin de ne pas le remettre personnellement en cause. Parlez de vos besoins ou de ce que vous vivez afin qu’il ne se sente ni accusé, ni blessé, ni menacé. Être conscient de vos compétences et de votre valeur vous aidera pour intervenir. Le calme tout autant.
Trouvez le moyen de vous valoriser aux yeux de votre manageur maladroit en lui prêtant main-forte. En plus de gagner sa confiance, vous serez à même de faire bouger les choses de façon à créer une situation « gagnant-gagnant ».
Prenez garde à vos attentes émotionnelles, à votre besoin d’approbation et de reconnaissance, à une attitude mentale d’enfant délaissé par un parent indifférent ou malhabile. Le risque est alors grand de vous percevoir comme une victime… jusqu’à croire la situation sans issue. Or un patron qui ne possède pas de compétences humaines – il y en a ! – ne saura pas répondre à ces besoins.
Agissez en tenant compte de votre chef tel qu’il est, omniprésent bien malgré vous.
         

Jusqu'où parler de soi à son patron ?

Parler avec son chef de sa vie personnelle, de ses désirs et ses projets... Risqué ou pas ? La relation hiérarchique est-elle compatible avec la confidence? Enquête.

Lors de son entretien de recrutement, puis durant sa période d’essai, Karine, 38 ans, ingénieure en informatique, a dissimulé sa grossesse, tout juste commencée, à son employeur. « J’ai serré le ventre jusqu’à la signature de mon CDI, raconte-t-elle. Bien entendu, lorsque je lui ai révélé que j’étais enceinte, il était furieux. Je lui ai demandé ce qu’il aurait conseillé à sa fille si elle avait été à ma place. Il s’est rasséréné… » « Les femmes ont souvent du mal à établir une distinction entre ce qui est privé et ce qui ne l’est pas, note Fatma Bouvet de la Maisonneuve, psychiatre à l’hôpital Sainte-Anne, à Paris. Et pour cause : elles sont pénalisées par l’entreprise dès lors qu’elles deviennent mères. » Beaucoup hésitent encore à parler de leur enfant malade ou d’un problème de nounou pour demander un aménagement d’horaires, comme si leur vie personnelle était inconvenante. « Nous ne sommes pourtant pas là dans le registre privé, observe la psychiatre. Il s’agit simplement d’un fait : la parentalité, qui concerne non seulement les femmes – près de la moitié du salariat –, mais aussi les hommes ! Ceux qui revendiquent aujourd’hui de ne pas sacrifier leur vie familiale se trouvent à leur tour décrédibilisés. »

Une place pour l’émotion

Pourtant, tout comme dans la relation à l’autorité, à la parentalité ou à ce que l’on appelle aujourd’hui la diversité, la place de la parole individuelle dans l’entreprise est en train de changer. « La difficulté consiste à évaluer où se trouve le danger, estime Fatma Bouvet de la Maisonneuve. Dans le fait d’évoquer un mécontentement au risque de perdre sa place ? Ou de le taire au risque de mettre en péril sa santé ? » Ne pas avoir pu dire à son chef : « En réunion, tu as dit quelque chose qui m’a disqualifié, je suis blessé et en colère… » est extrêmement toxique. Les blessures d’amour-propre, les déceptions, les incompréhensions sont toute fois monnaie courante dans les relations de travail.
« Au-delà de la tâche à accomplir, les émotions sont la matière avec laquelle nous travaillons. Elles peuvent parfois être le point de départ de souffrances et il faut arriver à en parler pour gagner en respect mutuel, mais aussi en efficacité », incite la psychiatre. Encouragée par elle, l’une de ses patientes est ainsi allée trouver sa responsable de service pour lui expliquer son malaise après une petite phrase lancée entre deux portes : « Elle s’attendait à se faire rabrouer. À sa grande surprise, sa chef s’est excusée pour sa maladresse et a pris soin de la féliciter pour son travail. 
Pris en étau entre des équipes qui leur reprochent leur manque de disponibilité, leur précipitation ou leur rudesse, et une hiérarchie qui les pressurise, les cadres intermédiaires n’ont souvent pas conscience des effets de leur stress sur leurs collaborateurs. Beaucoup s’en désolent dès lors qu’ils en prennent la mesure. « On multiplie les observatoires, les baromètres, les questionnaires dont on ne sait pas ce qu’ils deviennent, déplore Fatma Bouvet de la Maisonneuve. Certaines entreprises ont même mis en place une touche “SOS psy” sur les téléphones de bureau. Imaginez la distance qui s’est installée entre les collaborateurs pour que l’on n’envisage même plus de pouvoir s’épauler. »
Rien ne vaut, dès lors, une conversation en bonne intelligence. « Actuellement, tout le monde est en difficulté dans l’entreprise, assure le psychiatre Jacques- Antoine Malarewicz. Parler de ses difficultés est devenu une norme après avoir été un interdit. C’est donc de mieux en mieux accepté, d’autant que le recours au coaching ou aux psys est entré dans les moeurs. »

Et du côté des chefs

Le problème, selon Luce Janin- Devillars, coach et psychanalyste, ce sont ces organisations où le tutoiement est la règle : « On glisse aisément vers une forme de familiarité qui conduit à ne plus savoir faire la différence entre les règles de l’amitié et celles du travail. » « C’est la fameuse génération Y, ces 25-30 ans, dans les métiers des nouvelles technologies ou de la publicité, qui tendent à remplacer les relations d’autorité par des relations de connivence, ajoute Jacques-Antoine Malarewicz. Mais il arrive toujours un moment où la connivence entre en conflit avec les exigences du travail. Car ce sont les buts de l’entreprise qui priment et, de manière inconsciente et collective, le système tient à l’écart tout ce qui pourrait constituer une entrave à son exigence de rentabilité. Du coup, on se sent trahi par celui ou celle que l’on prenait pour un ami. »
Florence, 48 ans, directrice de communication, est à la tête d’une équipe d’une vingtaine de personnes. Lorsqu’elle recueille les confidences d’un salarié, elle se sent toujours partagée entre son élan personnel et ce qu’elle conçoit de sa fonction. « J’ai envie d’écouter et d’aider, explique-telle. Mais je redoute plusieurs écueils : à quel moment le fait de se montrer compréhensif finit-il par poser des problèmes d’organisation ? L’attention que j’accorde à une personne sera-telle perçue par les autres comme du favoritisme ? À quel moment mon empathie risque-t-elle d’être ressentie comme indiscrète ou déplacée ? La personne qui s’est confiée va-t-elle ensuite se méfier de moi ? »
Et puis ces autres questions que se posent certains managers : suis-je tenu à une forme de réciprocité ? Puis-je me livrer, moi aussi, sans y perdre mon ascendant ? Suzanne, 40 ans, éditrice, n’aime pas qu’un chef se confie à elle. « Parce que je ne peux pas lui répondre comme à un ami, poser les barrières là où je souhaiterais qu’elles soient. C’est déjà difficile d’établir de bonnes relations de travail. Si en plus elles se compliquent d’une pseudo-amitié sur laquelle on ne peut pas vraiment se reposer… » Anne, 29 ans, formatrice junior, apprécie en revanche que sa patronne lui fasse part de ses difficultés professionnelles : les hésitations qu’elle a concernant un client, les décisions sur lesquelles elle estime s’être trompée, sa crainte de commettre des erreurs de management. « Pour moi, c’est très formateur de voir une chef d’entreprise qui ne prétend pas s’en sortir tout le temps ni toute seule… »
Que risque-t-on à se confier ? D’abord, « de se heurter à l’immaturité du manager, qui le rend indigne de confiance », prévient Jacques-Antoine Malarewicz. Parce qu’ils sont très peu formés aux relations humaines et en particulier à la gestion de conflits, certains tentent de ménager la chèvre et le chou, et retournent leur veste quand le vent tourne. Ce qui est recueilli un jour sous le sceau de la confidentialité est divulgué le lendemain à qui ne devrait pas l’entendre. Autre écueil : voir se former de petits clans qui échappent à la règle commune. « Il peut y avoir, du côté du chef comme de celui des salariés, la tentation de se rendre sympathique pour se prémunir d’éventuels reproches d’incompétence », diagnostique le psychiatre. D’où l’intérêt de se reposer sur un cadre, qui replace la confidence dans une perspective professionnelle. On demandera un rendez-vous plutôt que de se confier entre deux portes. « Ce que l’on vise, en exposant ses difficultés familiales ou ses états d’âme, c’est d’examiner ensemble comment travailler au mieux, indique Dina Scherrer, coach. La discussion aura d’autant plus de chances de porter ses fruits que le supérieur hiérarchique sera assuré que le salarié aspire, à terme, à retrouver de l’implication. »
L’entretien annuel d’évaluation peut être l’occasion d’évoquer des sujets personnels. « Mais c’est aussi le rendez- vous que les salariés redoutent le plus, le moment où la médecine du travail et la DRH sont en alerte, car ils sont souvent conçus par les managers comme le moment de “recadrer” leurs troupes », rappelle Fatma Bouvet de la Maisonneuve. Mieux vaut installer l’échange en douceur, se demander si c’est la bonne personne – « On sait d’intuition lesquelles nous tirent vers le haut ou pas », affirme Dina Scherrer –, le bon moment… « N’hésitez pas à demander à votre interlocuteur s’il est possible d’évoquer tel sujet, s’il est disposé à l’entendre maintenant ou si cela le met mal à l’aise », poursuit la coach. Une conversation entamée sans tarder est toujours préférable à une situation qui s’envenime et devra de toute façon être dénouée… par le dialogue.
         

Oser demander une augmentation

Manque de reconnaissance ? Collègues toxiques ? Pierre Blanc-Sahnoun coach et conseil d’entreprise, décrypte pour nous les mille et un aléas de la vie au boulot.
Cela fait deux ans que je n’ai pas été augmentée. Pourtant je n’ai pas démérité. En 2005, je n’avais qu’un an d’ancienneté. En 2006, les résultats de l’entreprise n’étaient pas bons, et il a été annoncé que personne ne serait augmenté. J’ai appris que certaines personnes avaient néanmoins obtenu gain de cause. Je me sens frustrée, niée, au bord de la démission Je vais demander des explications à mon boss », explique Valentine, 36 ans, contrôleur de gestion à l’international.

Décryptage

La colère de Valentine est parfaitement compréhensible et légitime. L’entreprise est en faute car elle ne fixe pas clairement les règles de rémunération ni de progression,. Mais la colère n’aide pas à négocier. De plus en tant que femme, il sera facile de la cataloguer comme « hystérique » et insatisfaite chronique. Son patron va voir débarquer quelqu’un qui demande réparation d’un préjudice, et qui se sent déjà coupable de « réclamer ».
Valentine doit prendre le temps de réfléchir à pourquoi cette situation la touche tant. En « réclamant », elle va être renvoyée à la dépendance qu’elle avait vis-à-vis de ses parents, et également à la logique récompense / punition. Car Valentine pense que l’augmentation devrait récompenser son mérite et légitimer son existence (dans l’entreprise). Elle est victime d’une confusion courante : l’idée que notre valeur est déterminée et mesurée par notre salaire.

Les solutions

Bien comprendre que toute activité rémunérée, n’est pas une vente de soi. Ce n’est pas vous que l’entreprise achète, mais le résultat de votre travail, qu’elle revend avec marge à ses propres clients. Cela permet de prendre une distance avec ses affects.
Obtenir un rendez-vous
Préparer l’entretien avec des faits précis, qui permettront de garder une attitude calme : réalisations, objectifs, réussites, et liste des bonnes raisons d’être augmenté. 
Ne pas récriminer « une telle a été augmentée et pas moi », mais demander quelles sont les règles du jeu, s’il est possible d’être augmenté à ce poste, et si oui, comment doit-on s’y prendre.
Dire clairement : « Je souhaite gagner plus » ET « je trouve que je mérite de gagner plus ». Et pas « je vaux tant », ce qui est perçu comme de la prétention. En cas de réponse négative, négocier autre chose : prime, bonus, une formation, du temps…
         

Mon chef peut-il être mon ami ?

Dans un monde où prime la compétition, l’amitié entre collègues ou avec ses supérieurs hiérarchiques est parfois risquée.
Pour éviter les ennuis, il faudrait, recommandent certains, ne pas mélanger vie privée et vie professionnelle, et, par conséquent, cultiver ses amitiés plutôt en dehors du travail. « Fort heureusement, se réjouit Fatma Bouvet de La Maisonneuve, médecin psychiatre, nous ne sommes pas des robots. Nous sommes humains et nous tissons des liens. » La frontière entre vie privée et vie professionnelle est donc forcément poreuse : le conjoint ou la nounou appellent au bureau, les collègues viennent dîner à la maison…
Le travail est même, après nos études, le principal vivier dans lequel nous tissons des amitiés profondes et durables. Logique : nos parcours et centres d’intérêt sont similaires, et nous passons avec nos collègues l’essentiel de notre temps. Josette Halégoi, sociologue clinicienne, confie d’ailleurs avoir besoin de travailler avec des amis : « Il m’est indispensable d’avoir une confiance aveugle dans mes collaborateurs et de partager les mêmes valeurs, le courage, lorsqu’il faut se dire ou dire au client des choses pas forcément agréables, et la solidarité, lorsqu’il faut parfois travailler tard le soir. » L’amitié entre collègues est donc un plus, tant au niveau affectif, car il est plus agréable d’avoir plaisir à se retrouver chaque matin, que professionnel, dans la mesure où elle procure un cadre sécurisant et crée de l’émulation.

Cela dit, « la logique de l’amitié et celle du travail sont parfois contraires », note Fatma Bouvet de La Maisonneuve. Et c’est là que certaines difficultés peuvent survenir. « J’ai beaucoup d’affection pour Anne, raconte Stéphanie, 39 ans, chargée de clientèle dans une compagnie d’assurances, mais je me méfie de son ambition. Je pense qu’elle fera toujours passer sa carrière avant nos relations. Et pourquoi pas ? C’est le jeu. Mais, pour moi, la rivalité et l’amitié ne sont pas compatibles. » Dans sa consultation, Fatma Bouvet de La Maisonneuve entend de nombreux récits de souffrance liée à des amitiés déçues : « Parfois, effectivement, il y a eu trahison, l’un a manoeuvré en douce aux dépens de l’autre. Mais la plupart des gens sont bienveillants. S’ils se blessent entre amis, c’est le plus souvent par maladresse, parce qu’ils n’ont pas prévenu, pas su expliquer leurs arbitrages professionnels. » Je suis contraint de prendre telle décision, j’ai l’intention de demander tel poste, je voudrais t’expliquer pourquoi je fais ce choix… « La transparence est le meilleur moyen de prévenir les blessures et de préserver la confiance », assure Josette Halégoi. Elle n’est pas toujours possible, mais l’intégrité s’éprouve dans le temps. À condition que cela soit possible. Pour Josette Halégoi, « tout est fait, dans l’entreprise, pour isoler les salariés en les mettant en compétition : la course à la rentabilité, l’assignation d’objectifs individuels plutôt que d’objectifs d’équipe, les évaluations basées sur la performance… »
La mutation des métiers, elle aussi, crée de l’angoisse et de la solitude. La sociologue décrit la situation d’une banque dont elle a accompagné les équipes : « Jusque-là, les salariés travaillaient derrière le guichet, en contact direct avec la clientèle. Les locaux étaient petits, ils se connaissaient bien et avaient plaisir à se retrouver. Du jour au lendemain, on les a déplacés vers de grandes platesformes téléphoniques. Ils étaient désormais cent cinquante, soumis à des objectifs élevés et avertis que, s’ils ne les atteignaient pas, leur position dans l’entreprise serait reconsidérée. Dans ce contexte, l’amitié en prend un coup. »
Des liens d’amitié peuvent également se tisser dans le cadre de rapports hiérarchiques. La relation n’a alors pas la réciprocité que l’on peut attendre d’une relation d’amitié (même si celle-ci est toujours illusoire, l’un étant souvent plus à l’écoute, plus disponible que l’autre). « Implicitement, pour reprendre les concepts de l’analyse transactionnelle, il y a quelque chose dans la relation hiérarchique qui s’apparente à la relation parent-enfant, détaille Josette Halégoi. Cela n’interdit pas que naissent, entre un salarié et son supérieur, de l’a) ection et de la connivence. » Tristan, 43 ans, chargé de communication, dit n’avoir jamais redouté que ce qu’il confiait à son chef sous le sceau de l’amitié se retourne un jour contre lui. « C’est cela qui me permet de dire que nous sommes amis, même s’il tient plus pour moi du grand frère ou du mentor que du copain », affirme-t-il. « C’est plutôt vis-à-vis de l’entourage que les liens privilégiés entre un salarié et son supérieur hiérarchique peuvent poser problème », estime Fatma Bouvet de La Maisonneuve. « Je tente de naviguer entre deux écueils, explique Christophe, 44 ans, chef de service. Le reproche que pourraient me faire les membres de mon équipe de favoriser ceux des salariés avec lesquels je suis ami. Et celui que me fait souvent ma direction, d’être trop proche de mon équipe, donc incapable de la manager. »

L’autorité est-elle incompatible avec l’amitié ? « Pas nécessairement, si les positions de chacun sont claires et bien acceptées », répond Josette Halégoi. Il y a alors des règles du jeu auxquelles on se prête au sein de l’entreprise (où les décisions appartiennent au chef), mais pas nécessairement en dehors. Clément travaille sous les ordres de Christophe. Ils étaient amis avant que Christophe soit promu. « Ça n’a pas toujours été facile pour moi d’accepter de recevoir ses critiques et de me plier à ses décisions, admet-il. Mais nous en avons discuté, et c’est beaucoup plus simple aujourd’hui. Nous n’avons pas la même place, pas les mêmes responsabilités, mais nous nous soutenons mutuellement. » Certaines cultures d’entreprise favorisent davantage la convivialité que d’autres. « Celles où l’on pratique le tutoiement, où les portes des chefs restent ouvertes, où le travail d’équipe est encouragé », décrit Josette Halégoi.
Mais même dans celles-ci, lorsque la situation économique de l’entreprise se dégrade, les amitiés dans la ligne hiérarchique sont mises à mal. « J’ai suivi un directeur qui devait mettre en place un plan social, se souvient Josette Halégoi. Il pleurait parce qu’il ne pouvait plus tenir les promesses qu’il avait faites à ses salariés. L’économie prenait le pas sur l’humain. Il savait qu’il allait y perdre non seulement des amis, mais aussi, en partie, l’estime de lui-même… » « J’ai un principe : ne jamais accorder totalement ma confiance à mes collègues, avance Tristan. À un moment ou à un autre, les contraintes du travail prennent le pas sur la loyauté amicale. »
Faut-il éviter de devenir amis au travail ? Fatma Bouvet de La Maisonneuve pense que non. Sa préconisation : cultiver plutôt la lucidité, mais prendre soin de la relation humaine, au travail comme ailleurs. « La solitude devient une des causes majeures de souffrance des Français, déplore-t-elle. Au travail, les salariés se plaignent de plus en plus que l’on ne se parle plus, par manque de temps et d’espaces de convivialité. Cette rupture de l’échange alimente la défi ance : on s’adresse des e-mails d’un bureau à l’autre pour se prémunir du reproche de ne pas avoir communiqué… Tout cela devient absurde. Si l’on n’a plus quelqu’un sur qui s’appuyer, quelqu’un pour qui compter, c’est terrible… »

Témoignage

S’associer entre amis ? C’est de la folie ! 
Catherine, 48 ans, graphiste
« À 30 ans, j’ai monté une société avec ma meilleure amie, qui était comme ma soeur. Autour de nous, les cassandres nous prédisaient le pire : “S’associer entre amis, c’est de la folie, vous allez forcément vous fâcher !” Pas nous, c’était impossible, nous étions liées “à vie” par la force de notre amitié. Nous étions actionnaires à égalité, je lui avais laissé le poste de P-DG. Pendant trois ans, nous avons développé avec ferveur notre projet de site Internet. Nos compétences étaient complémentaires, notre volonté, commune. Des circonstances malheureuses – le décès d’un collaborateur, la chute du Nasdaq – ont entamé notre confiance. Petit à petit, j’ai “encaissé” des remarques désobligeantes, mais je me suis interdit de lui en faire pour ne pas provoquer la rupture. Nous avons dû fermer la boîte. Qu’importe, nous restions amies. C’était presque plus important pour moi que de réussir mon entreprise ! Cinq ans plus tard, je lui ai confié un secret et elle m’a trahie. Cela a été la goutte d’eau, car, en réalité, je n’avais pas digéré toutes ces frustrations professionnelles. J’ai saisi l’occasion pour mettre fin brutalement, par texto, à une amitié dont j’ai finalement compris qu’elle était une relation d’emprise, néfaste pour mon équilibre. »
         

Je ne supporte plus la vie de bureau

Les réunions interminables, les déjeuners au restaurant d’entreprise, les réflexions des collègues… Au secours, la « bureauphobie » guette ! Comment faire pour ne pas claquer la porte trop vite ?


Pourquoi ?

Cela a surgi « comme ça », sans qu’elle puisse donner une explication à ce sentiment de ras-le-bol. « Soudainement, j’ai réalisé que tout me pesait, raconte Julie, 37 ans, cadre. Les deux heures pour aller au boulot, les discussions de bureau, les mêmes déjeuners avec les mêmes visages chaque jour. Je me suis dit que c’était passager… sauf que cela dure depuis six mois. »
Je ne me sens pas à « mon » bureau
L’open space m’a tuer : nombre d’employés en entreprise pourraient s’approprier ce titre de livre. « Avant, ils étaient seuls, ou partageaient leur espace à deux ou trois, rappelle Marie Pezé, psychologue, spécialiste de la souffrance au travail. Les nouvelles règles de management ont voulu favoriser la communication, elles ont surtout créé un supplément de stress. Le lean management, par exemple, a contribué à la dépersonnalisation des bureaux : les personnes sont invitées à ne plus accrocher de photos de leurs enfants ou de posters [lean en anglais signifi e “maigre”, ndlr]. Quant aux demi-cloisons, elles favorisent la surveillance entre les uns et les autres. » Ces aménagements rognent sur l’intimité, et contribuent à nier la singularité de ceux qui occupent les lieux. « La sociologue Danièle Linhart parle d’une “précarité subjective” », indique Marie Pezé. Cette uniformisation renvoie inconsciemment chacun à une condition de travailleur interchangeable. « Or, la richesse d’un travail tient à tout ce qu’une individualité y apporte. »
Je suis infantilisé
Jean-Luc Bernaud, professeur de psychologie au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), renchérit : « La position dans la société française est celle du contrôle des salariés, voire de la surveillance. » Et la comparaison avec le cadre scolaire est un pas aisé à franchir : contrairement à ce qui se pratique ailleurs, le « présentéisme » est encore considéré comme la norme ; les entretiens avec la hiérarchie prennent parfois des allures de conseil de classe; et le télétravail est vu comme une façon déguisée de flemmarder. Difficile pour les employés de s’épanouir au bureau quand ils se sentent ramenés au stade des années collège. Ou de se déployer quand la confiance et l’autonomie font défaut dans le management, niant, par là même, leur condition d’adultes responsables…

Je traverse une crise professionnelle
« Depuis une dizaine d’années, on ne construit plus son identité dans le travail », note Marie Pezé. Pour Jean-Luc Bernaud, « beaucoup souffrent de ne plus lui trouver de sens. Ils voient des personnes ayant consacré leur vie à un groupe se faire licencier à quelques années de la retraite, ce qui les interroge ». Le mal-être au bureau serait donc le reflet d’une société en crise. Mais aussi le symptôme d’un besoin de remise en question individuelle. « Après quelques années, chacun peut souhaiter un ajustement entre ses compétences et son emploi, analyse Jean-Luc Bernaud. Lorsque les postes se renouvellent d’eux-mêmes, la tâche ne cesse d’être enrichissante. Mais certains salariés considèrent que leur potentiel n’est pas valorisé. » Et de rassurer : « Cela n’a rien de pathologique. Cela fait même partie du développement normal de l’individu ! » L’open space respire déjà mieux.

Que faire ?

Restaurer la convivialité
La psychologue Marie Pezé, spécialiste de la souffrance au travail, se souvient qu’à Noël, lors des gardes à l’hôpital, les enfants des soignants étaient conviés. « Aujourd’hui, chacun file chez soi dès le service fini », regrette-t-elle. Or le mieux-être au bureau passe par la « célébration des temps sociaux dans l’entreprise ». Armé de quelques bonnes volontés, il peut être utile de restaurer ces temps de vivre-ensemble, qui permettent de (re)nouer avec chacun, au-delà des attributions hiérarchiques.
Échanger avec des aînés
Comme le note Jean-Luc Bernaud, professeur de psychologie, le ras-le-bol du bureau peut être symptomatique d’un besoin de changement et constitue une étape normale de la vie professionnelle. Afin de se sortir de l’ornière, pourquoi pas échanger avec des aînés – dans son entreprise ou non – ayant déjà connu ce questionnement ? Se nourrir de leurs expériences peut aider chacun à avancer dans sa propre réflexion.
Ne pas agir sur un coup de tête
Avant de claquer la porte, mieux vaut se poser et réfléchir, estime encore Jean-Luc Bernaud, « prendre du recul de façon informelle ou en consultant », surtout si le malaise n’est pas clairement défini. « S’agit-il d’un problème de motivation ? de compétence ? » interroge-t-il. Et de rappeler que « 45 % environ des praticiens du bilan de compétences sont diplômés en psychologie ». Une façon d’envisager toutes les facettes du problème.

Témoignage

Stéphanie, 43 ans, cadre bancaire 
« Étant donné la conjoncture économique, je n’ai pas les moyens de quitter mon travail. Or, je le supporte de moins en moins bien. Avant que mon malaise prenne le pas sur tout, j’ai décidé d’agir. J’ai demandé un temps partiel à 90 %. Je me suis mise au yoga pour renouer avec un bien-être physique, et que celui-ci influence mon moral. J’envisage d’utiliser mon droit individuel à la formation (DIF), pour sortir la tête de l’entreprise et faire le point sur mes désirs et besoins, avec un professionnel. »


Etudiants : bienvenue dans le monde du travail

Le travail forme la jeunesse, mais la jeunesse est-elle formée au monde du travail ? Une fois la porte de l’entreprise franchie, certains diplômés sont surpris de cet univers: nouveaux rapports hiérarchiques, relations humaines différentes, etc. Une transition difficile, source de stress et de remise en question. Quelques conseils pour mieux s’acclimater au mieux, à ce milieu.
Quand j’ai démarré mon emploi, on m’a bien fait comprendre que ce n’était plus la cour de récréation. J’ai alors du changer d’attitude et m’adapter très vite », explique Clémence, 23 ans, surveillante dans un collège. Et ce constat est commun à la plupart des nouveaux travailleurs.
Habitué au seul milieu scolaire, le jeune professionnel peut faire l’amalgame entre la vie universitaire et le monde du travail. Cela donne lieu à des quiproquos, des incompréhensions et parfois même à de sévères réprimandes de la part des supérieurs. « Il existe une fracture importante entre ces deux mondes, affirme David Bernard*, psychologue du travail, il faut passer directement de la théorie à la pratique ».
Intégrer ces règles devient alors pour l’ancien étudiant un défi, voire une obsession du quotidien. Un mal nécessaire pour se sentir légitime dans son travail et s’épanouir.

Les collègues de travail ne sont pas des camarades

Raconter son week-end ? C’est possible. Prendre un café après la pause déjeuner ? Aussi. Mais attention à ne pas vouloir d’emblée devenir ami avec ses collaborateurs : cela peut être mal perçu. « L’essentiel est de garder le cap sur sa mission et de ne pas se laisser distraire »,souligne le psychologue.
Et pour cause : l’acceptation par les autres membres de l’équipe se fera essentiellement au regard de la qualité du travail fourni, ainsi que du respect des valeurs de l’entreprise.
Ces rapports humains ne sont pas à négliger car selon une étude de TNS Sofres de 2011, 84% des sondés déclarent que les bonnes relations entre collègues sont le gage le plus important de la qualité de vie au travail.

Mon supérieur n’est pas mon professeur

Damien, responsable de rayons dans une grande surface, se souvient de ses débuts: « je posais sans cesse des questions à mon chef. Sa réponse était claire : tu te débrouilles et le travail doit être bien fait ! » Seul dans ce nouveau monde, l’ancien étudiant peut se sentir désarmé. Il doit alors rapidement établir la différence entre le professeur et le supérieur. L’un est là pour former, l’autre pour diriger.

Néanmoins, ces deux personnages peuvent avoir des fonctions similaires. En effet, « le manager a le devoir de guider le nouveau et de lui permettre d’apprendre, de digérer les codes de l’entreprise » selon David Bernard. « Ils doivent rappeler les règles à suivre, mais ils ont surtout la responsabilité d’accompagner et d’être à côté du jeune collaborateur. »

Changement de rythme

Il n’est pas toujours évident de s’habituer à des horaires réguliers quand la vie étudiante octroyait une certaine liberté.
C’est une nouvelle cadence aboutissant, la plupart du temps, à une fatigue chronique. « La grande difficulté : passer à des heures de travail régulières. Entre ma vie d’étudiant et mon travail, c’est le jour et la nuit ! J’ai mis environ quatre mois pour m’habituer », affirme Damien.
Ajouter à cela le passage de dix à cinq semaines de vacances par an, et certains peuvent se sentir découragés.
Il faut alors rapidement tourner la page de cette liberté étudiante pour appréhender plus aisément le rythme professionnel.
Alors pour vous encourager à franchir le cap, pensez aux bénéfices que vous pouvez en tirer : plus de devoirs le soir, plus d’examens, possibilité de grimper les échelons de la hiérarchie, enrichissement personnel…

Le droit à l’erreur ?

Vous avez fait une erreur et ce bruit court partout dans les couloirs de l’entreprise. De nombreuses personnes ont fait cette expérience. Les premières victimes ? Les nouveaux arrivants. Cette stigmatisation de l’erreur a de lourdes conséquences : « cela peut étouffer la capacité d’entreprendre, la créativité et amoindrir parfois de façon catastrophique, la confiance en soi » atteste le psychologue. Quel chef d’entreprise n’a pas commis un jour une faute ? C’est en parti par la compréhension de ses erreurs que l’on parvient à avancer.
Qui plus est, cela permet de mieux connaître l’entreprise et de prouver sa capacité d’adaptation. Une qualité indispensable et surtout très vite remarquée par ses supérieurs.

Comment établir cette transition en douceur ?

« Le défi de la transition est plus grand qu’on ne l’imagine » explique Jonas Masdonati, psychologue et conseiller d’orientation. Il est le symbole de l’entrée, dans la vie adulte. « Une entrée brusque car le monde professionnel devient de plus en plus exigeant ».
Afin d’amoindrir ce bouleversement émotionnel, le psychologue conseille d’accumuler les stages au cours de ses études pour percevoir l’ambiance des bureaux. « Il faut respirer l’air de l’entreprise, aller sentir et ressentir ce qui se passe ». En d’autres termes, « il faut savoir quels sont les codes en vigueur au sein de l’institution » Cette immersion permettra également de déterminer de façon précise notre orientation professionnelle. Le but étant de trouver son épanouissement personnel !
Un choix déterminant d’autant plus que 40 années de notre vie, voire plus, sont consacrées à notre travail !
         

Apaiser les relations au travail

Depuis trois ans, une grande société de services en informatique forme ses cadres à la communication non violente (CNV), une pratique fondée sur l’écoute et l’empathie qui permet d’atténuer les tensions. Reportage chez SQLI, à Lyon.

Se parler sans violence

Lundi matin. Le soleil brille sur les docks de la Saône transformés en quartier d’affaires. Le bureau de Didier, où se tient la réunion hebdomadaire des chefs de département, est baigné d’une lumière radieuse. C’est alors qu’est évoqué le cas Corinne, une informaticienne chef de projet à la compétence très demandée. La discussion aurait pu tourner au vinaigre. On aurait pu voir se former un petit nuage noir sur la tête de David, le directeur commercial en charge de décrocher de nouveaux contrats, et des éclairs jaillir de sa bouche au moment où il s’adressait à Éric. Au lieu de quoi son ton est resté parfaitement calme, son langage dénué de tout jugement ou reproche. À peine a-t-on vu sa narine frémir lorsqu’il a évoqué les faits, rien que les faits : « J’ai appris que Corinne passait sur le projet Doggy Croquettes. Le problème, c’est que, si elle lâche Green Electric, on se fait sortir », autrement dit, SQLI perd l’appel d’offres…
De l’autre côté de la table, Éric, le directeur des activités e-commerce, dont la mission est de placer les bons informaticiens sur les bons projets au bon moment, aurait pu se comporter en « chacal » (traduction en CNV française de « se replier sur son seul intérêt dans une réaction défensive ») et rétorquer qu’il avait besoin de Corinne, point barre. Au lieu de quoi il a observé un temps de silence. Une fraction de seconde pendant laquelle il est monté – en pensée – sur la colline de David afin d’examiner la situation de son point de vue. Revenu à sa place, c’est en « girafe » qu’il s’est exprimé (« avec bienveillance et empathie, en tenant compte des besoins de chacun », note de traduction). « Techniquement, la présence de Corinne n’est plus nécessaire sur Green Electric : le site web est prêt et tu es à deux doigts de signer, a-t-il observé. Mais ce que j’entends, c’est qu’elle rassure le client. En revanche, sur Doggy Croquettes, le site est à créer et ses compétences sont indispensables pour gagner l’appel d’offres. »
En deux minutes, un compromis était trouvé sans que Didier, le patron, ait besoin d’intervenir : Corinne resterait deux jours par semaine sur Green Electric et pourrait se consacrer les trois autres jours à Doggy Croquettes. « J’aurais vraiment pu m’emporter, a confié David après la réunion. Cela fait des mois que je prépare la signature du contrat Green Electric et je n’étais pas prêt à le voir échouer. Mais, depuis la formation, j’essaie de garder à l’esprit que la personne en face de moi a aussi des besoins et des contraintes. » Éric explique à son tour : « Il fallait que je garde mon meilleur élément et j’aurais pu gérer la situation égoïstement. Mais j’ai senti David inquiet. Et il l’a formulé de manière que je puisse l’entendre. La CNV nous a appris à dépersonnaliser les litiges. Elle nous a surtout fait comprendre que l’on pouvait trouver des solutions gagnant-gagnant. Plus qu’une autre façon de parler, c’est une autre façon de voir. » « Le monde de l’informatique est assez particulier, estime Didier, directeur régional pour les agences de Lyon, de la Suisse et du Maroc. C’est un monde de techniciens qui travaillent à des processus, derrière des écrans. Ils sont portés à croire que tous les problèmes se règlent par des processus, aux dépens de l’émotion, de la communication et de l’écoute : certains peuvent avoir tendance à se précipiter dans la recherche de solutions sophistiquées qui flattent leur ego, mais s’éloignent parfois de la demande du client. »
Leur mission au sein de SQLI : concevoir des sites web, des intranets ou des applications mobiles pour des entreprises qui ont besoin d’être présentes très rapidement sur le marché. Le stress, dans ce contexte, est omniprésent et a plusieurs causes : la pression des délais, la relation avec des clients exigeants, mais aussi la difficulté de synchroniser les différents métiers de SQLI mobilisés sur un même projet (développeurs, designers, consultants en communication…). « Dans les moments de charrette, ils peuvent être tentés de se renvoyer la responsabilité d’éventuels retards. Au fond, évalue Didier, l’essentiel de nos tensions est lié à des difficultés de communication en situation de flux tendu. » C’est pourquoi la CNV est naturellement apparue comme un rempart contre le stress, en offrant les outils pour éclaircir les malentendus, dénouer les conflits et fluidifier les relations de travail. Les premières formations démarrent en 2007, à l’initiative de Grégory, responsable des ressources humaines. « Marquez l’histoire ! » l’encourage le P-DG du groupe. Une dizaine de managers sont alors invités à participer à un stage pilote, animé par la coach Isabelle Desplats, formatrice en CNV et en « sociocratie » (un mode de gouvernance qui favorise l’émergence de l’intelligence collective).

Trois jours qui changent tout

Le contenu reste un peu flou dans les esprits, mais, de l’avis de tous, ces trois jours en vase clos dans un hôtel à la campagne ont tout changé. « Ce qui m’a surpris, c’est le travail sur le corps, se souvient Didier. Nous avons fait des assouplissements, de la relaxation, mais aussi des exercices d’équilibre à deux, ce qui n’est pas banal quand on est principalement en contact avec des machines. Il y avait aussi des jeux de rôle, dans lesquels nous devions rejouer des conflits vécus dans la sphère professionnelle ou privée. Ça nous a rapprochés de tomber nos masques de héros. »
« Ce qui m’a marqué, raconte Éric, c’est un exercice de gratitude. Nous devions remercier chacun des participants pour quelque chose. J’ai remercié des collaborateurs pour leur investissement, mais aussi l’un de mes supérieurs pour sa confiance, qui m’a permis de progresser. Un autre participant m’a remercié pour ma sincérité, elle lui avait permis d’oser s’exprimer… » À la fin de la deuxième journée, Éric a eu une prise de conscience : « Non seulement on pouvait exprimer ses sentiments sans que cela nuise aux relations de travail, mais, en plus, elles s’en trouvaient renforcées. »
Selon Julie, assistante d’agence, « il y a un avant et un après, même pour ceux qui n’ont pas fait le stage », dont elle. « Je ne sais pas ce qui relève de l’amélioration du marché, de la réorganisation des services ou de la CNV, mais je trouve les managers plus détendus », observe-t-elle. Julie s’occupe de la facturation, des contrats de travail, des notes de frais et billets de train. Elle connaît les tempéraments de chacun et apprécie les efforts de certains pour s’assouplir. « La principale source de stress, pour nous, ce sont les e-mails, juge-t-elle. Beaucoup de malentendus naissent de messages un peu expéditifs. Mais, aujourd’hui, lorsqu’une tension survient, la communication est tournée vers la recherche de solutions plutôt que la dénonciation des manquements. » Éric : « Je ne crois pas que nous soyons plus gentils qu’avant, mais nous sommes devenus plus efficaces en apprenant à éviter certaines impasses. »
Ce qui a changé pour lui et pour son équipe : « Je n’ai plus la crainte de recevoir un collaborateur pour le recadrer. Avant, j’abordais cette épreuve avec la boule au ventre et on se quittait fâchés. Maintenant, nous pouvons avoir un entretien sur ce qui ne va pas, puis aller déjeuner ensemble dans la foulée. Parce que je ne dis pas “Tu bosses mal”, mais “Ce projet a pris du retard” et “J’ai besoin qu’on voie ensemble comment le rattraper” ». « Attention, précise Karim, un autre manager, la CNV n’est pas une manière de ne pas dire ce qui doit être dit. Elle pousse au contraire à la prise de position. Ce qui implique de sortir du reproche. De prendre ses responsabilités dans la parole comme dans les faits. »
En attendant que les prochaines sessions entraînent l’ensemble du personnel dans la culture CNV, Didier fait de la formation à distance : « L’autre jour, j’avais un manager suisse au téléphone. Il était à deux doigts de poser un ultimatum à un client mécontent, sur le mode : “C’est comme ça ou nous nous retirons du projet.” Je l’ai guidé pour entendre, derrière la rudesse de son interlocuteur, ce qu’il pouvait en être de ses craintes : la pression de la concurrence, de sa hiérarchie… Mon manager a pu le rassurer, et lui exprimer à son tour que sa rudesse l’avait vexé. Le contrat a été sauvé… »
         

Travail : faire le deuil des changements

Départs de dirigeants, changements de postes, abandons de projets, rachats, fusions… La vie en entreprise est ponctuée de pertes et de ruptures. Des situations banalisées aujourd’hui mais qui doivent relever, pour le psychiatre Jacques-Antoine Malarewicz, d’un véritable travail de deuil. Objectif : lever les non-dits. Et un tabou.
En quoi les changements au sein des entreprises nécessitent-ils parfois un travail de deuil ?
Jacques-Antoine Malarewicz : Leur accumulation peut susciter chez les salariés un sentiment de lourdeur, de fatalité, d’autant que souvent, ils n’ont ni le temps ni le droit de parler de ce qui était avant. Ils se sentent alors dépossédés de ce qu’ils vivent. Et ont de moins en moins envie de s’impliquer dans l’organisation. Les rituels de deuil permettent de laisser libre cours puis de chasser ces sentiments ensemble et de reprendre les choses en main.
Pourquoi la question du deuil dans les entreprises est-elle particulièrement taboue ?
Ce déni de la mort est général à notre société. De manière générale, on n’en parle pas. Dans l’entreprise, s’ajoutent les contraintes économiques. On s’oblige à foncer, à toujours regarder devant, à être plus productif. On n’a pas le temps ou, si on le prend, il faut que cela soit pour quelque chose de rentable. Parler de la mort n’est pas un bon investissement. C’est assimilé à une perte de temps.

Quelles sont les conséquences psychologiques de ce déni sur les employés ?
Les gens se sentent violentés devant cette accumulation de deuils non-faits. Progressivement, ils se détournent de leur travail parce qu’ils ne s’y sentent plus exister. Ils ont du mal à s’impliquer face à cette pression constante et à ce système qui ne les reconnaît pas. Le problème, c’est qu’ils n’ont pas envie de rester, mais qu’il est également difficile de partir.
Pourquoi la vie professionnelle nous touche-t-elle tant au niveau personnel, affectif ?
Le travail fait partie intégrante de l’identité sociale de chacun. Aujourd’hui, on lui demande beaucoup plus en terme de reconnaissance qu’avant, surtout lorsque l’on éprouve des difficultés dans sa vie familiale ou conjugale. On le survalorise. En fait, on a tendance à chercher dans le travail la stabilité que l’on ne trouve pas ailleurs. Pourtant, c’est le domaine qui, entre la course à la rentabilité et l’explosion du chômage, est le moins susceptible de nous en donner !

En quoi les rituels de deuil sont-ils importants ?
Avant, on remettait une médaille du travail aux anciens. C’était un retour en arrière sur ce qu’avait été l’entreprise. Un hommage transgénérationnel porteur de sens, de reconnaissance. Ce genre de rite, qui associe le passé et le présent, a tendance à disparaître. A l’heure actuelle, les seuls rituels qui existent sont à connotation financière. Reste quand même le pot de départ, mais c’est vraiment peu de chose. Bien souvent, ces rites sont externalisés. Beaucoup de dirigeants se font par exemple coacher par des consultants extérieurs lors d’une prise de poste. Comme si leur nouvelle hiérarchie était inexistante. C’est dommageable pour les entreprises. Quand elles ne gèrent plus que les soucis économiques et financiers, c’est comme si elles n’avaient plus leur fonction humaine et sociale et qu’elles ne poursuivaient plus qu’un seul but : la rentabilité.
Départ d’un dirigeant, abandons répétés de projets, disparition de l’entreprise… Voici trois cas particuliers qui nécessitent un travail de deuil, décryptés par Jacques-Antoine Malarewicz.

Le départ d’un dirigeant.

Ce qui est en jeu
L’entreprise fonctionne comme un groupe humain. Elle est hiérarchisée. Le dirigeant est une figure d’autorité paternelle ou maternelle importante, même si le lien d’autorité a évolué depuis les années 1960. Son départ représente une perte affective, quelque soit le lien que l’on entretenait avec lui, surtout dans les entreprises familiales.
Comment faire ce deuil ?
Le deuil doit se faire à trois niveaux.
Le dirigeant lui-même va avoir besoin de faire un deuil de sa fonction. Une retraite se prépare. A condition de se donner les moyens de faire ce travail. J’en connais un qui, deux années avant son départ, a décidé de ne plus participer qu’à un comité de direction sur deux par an. Ce genre d’attitude est remarquable.
Ceux qui restent doivent aussi prendre le temps de faire un bilan du passé, pour réaliser ce qu’ils perdent. Pendant une demi-journée par exemple, ils peuvent se réunir pour parler de qui a été l’ancien dirigeant, de ce qu’ils aimaient chez lui ou non, de ce qu’ils ont appris… C’est important de passer par des émotions différentes vis-à-vis du passé.
Quant au nouveau chef, il doit d’abord faire le deuil de son ancienne fonction. Et avoir l’intelligence de rester en retrait et de respecter le travail de deuil de ceux qui restent. Plus ceux-ci auront du temps pour le faire, mieux il sera accueilli.

Quel risque à ne pas faire ce travail ?
Si le deuil n’a pas été fait, l’ancien dirigeant aura tendance à rester d’une façon ou d’une autre. A garder des liens avec ses anciens collaborateurs. Il ne sera pas capable de partir et n’aidera pas le nouveau à arriver.
Quant à ceux qui restent, ils auront du mal à accepter leur nouveau chef. Et si ce dernier ne fait pas ce travail d’humilité, il risque de disqualifier l’ancien dirigeant et ses nouveaux employés en se présentant comme un sauveur. Or, il ne doit surtout pas arriver comme si le monde commençait avec lui. 

L’abandon d’un projet

Ce qui est en jeu
C’est le cas le plus fréquent et peut-être aussi, le plus douloureux. Du jour au lendemain, un nouveau projet remplace de plus anciens qui n’ont pas abouti. Le projet peut prendre la forme d’une réorganisation. Dans certaines entreprises, il y en a trois par an. C’est violent pour les employés. En plus, autour d’eux, on fait comme si tout cela était évident, normal. Comme si le fait de regarder loin devant suffisait pour faire l’économie du passé récent. 
Comment faire ce deuil ?
Il faut se donner le temps d’en parler. Il ne s’agit pas uniquement d’énoncer les bonnes raisons de l’abandon du projet. La rationalité ne suffit pas. Il faut évoquer ce en quoi ce projet avorté peut aider à en développer de nouveaux. On peut prendre une demi-journée pour définir la zone de passage entre le passé, le présent et le futur. 
Quel risque à ne pas faire ce travail  ?
 Si tous les anciens projets sont subitement passés à la trappe, il est difficile de s’engager pour un nouveau. Et de sentir reconnu, valorisé dans son travail.

La disparition de l’entreprise

Ce qui est en jeu
L’entreprise disparaît dans une revente, un rachat, une fusion, un dépôt de bilan… Tout le monde se sent abandonné, perdu, orphelin.
Comment faire ce deuil ?
Lorsque dans une ville, une entreprise disparaît, des associations d’anciens employés se créent. Les gens se regroupent et ritualisent eux-mêmes le fait de se vivre comme des victimes. Ceci passe notamment par le biais d’une revendication financière. C’est une façon pour eux de faire le deuil. Ils se retrouvent ensemble, ils y associent leurs familles, car dans ce genre de situations, le père, la mère, le frère ou encore les enfants travaillaient souvent dans la même entreprise.
Quels sont les risques ?
Celui de s’enfermer dans une position de victime et de ne sentir reconnu qu’en cas de réparation, qui n’arrive pas toujours. Si la personne reste dans le passé, le processus de deuil se trouve alors bloqué. 
       

L'amour au bureau, exercice à haut risque

Il est souvent tabou, parfois même interdit, et fait l’objet de nombreux fantasmes. Mais l’amour au bureau est surtout une réalité : près d’un tiers des couples se rencontreraient au travail. Enquête sur un exercice périlleux.
Quand Olive344, l’un de nos psychonautes, et sa compagne se sont rencontrés au cabinet de conseil financier dans lequel tous deux travaillaient, ils ont d’abord tenté de cacher leur relation. Comme la majorité des couples qui entament une relation intime au bureau. Mais à l'instar de beaucoup de cas, « les choses se sont sues. Et tout s’est dégradé. Des problèmes de confiance, des non-dits, des malentendus sont apparus au sein de notre équipe. » Résultat ? Les deux amoureux ont fini par quitter l’entreprise. « Mais nous sommes toujours ensemble ! L’amour au bureau ? C’est un jeu très délicat, à ne tenter que si la personne en vaut la chandelle ! ». « No zob in job » dit le proverbe bien connu. Pourtant, le monde professionnel est l’un des lieux les plus propices à la rencontre - selon une étude réalisée par la société Monster, en Europe, 30% des couples s’y rencontreraient d’ailleurs- et les entreprises les plus innovantes seraient celles où les relations intimes sont les plus nombreuses. « Qui est avec qui ? » Une banale discussion qui a lieu chaque jour devant toutes les machines à café. Mais qui reflète une réalité bien plus compliquée qu’elle n’en a l’air et surtout, non sans danger.

Entre tabou et fantasmes

L’amour au bureau, on en parle partout : à la cantine, dans les couloirs, pendant les pauses… Sauf, à en croire Loïck Roche, auteur de Cupidon au travail (Ed. d’Organisation), entre les dirigeants et les responsables des ressources humaines des entreprises. « Quand on leur demande s’il existe des relations intimes ou sexuelles au sein de leur organisation, la plupart du temps, ils répondent ‘non, il n’y a pas de ça chez nous’. S’ils acceptent que des gens puissent prendre 10 minutes pour fumer une cigarette, il leur est inconcevable qu’ils puissent passer ce temps à s’embrasser. Comme si, quelque part, une hiérarchie officieuse se créait par le plaisir des corps, échappant à la hiérarchie officielle. » Aux Etats-Unis, certaines entreprises vont même jusqu’à interdire à leurs salariés de se fréquenter. L’amour au bureau : un sujet qui reste tabou mais qui en fait fantasmer plus d’un. Qui n’a jamais éprouvé de désir pour son chef, sa collègue de travail, le petit nouveau ou la nouvelle stagiaire ?

Un endroit propice aux rencontres

Il faut dire que le monde de l’entreprise est un lieu idéal pour rencontrer quelqu’un. « On y joue un rôle, explique Loïck Roche. Contrairement à chez soi, on s’oblige à faire attention, à s’habiller correctement, à respecter les règles de civilité. Dès l’entretien d’embauche, on se trouve dans un rapport de séduction. » En plus, nous y passons la majeure partie de notre temps et nous y travaillons avec des gens qui ont les mêmes centres d’intérêts que nous… De quoi faciliter la rencontre. « C’est venu comme ça, au bout de 6 mois, raconte Marie, 35 ans. On passait beaucoup de temps ensemble, on allait souvent déjeuner tous les deux. On avait fini par bien se connaître. Et on s’était découvert les mêmes goûts ». Et si l’on nous répète qu’amour et travail ne font pas bon ménage, tout nous invite pourtant à mélanger vies privée et professionnelle. Réunions tard le soir, dîners de travail, soirées, séminaires… Difficile parfois, d’établir une frontière.

Amour et productivité

Au départ, Marie n’avait aucune intention de tomber amoureuse de l’un de ses collègues. « Mais au final, c’était agréable d’aller au boulot avec le sourire à l’idée de le retrouver. C’était une motivation en plus ». Surtout dans un univers professionnel marqué par la crise, les restrictions budgétaires et les licenciements. « Nouer des relations intimes voire sexuelles sur le lieu de travail est une façon de reconstruire du vivant dans un univers souvent violent et parfois même mortifère, explique Loïck Roche. Cela permet de se sentir à nouveau exister, regardé(e), revalorisé(e). » L’amour au travail serait-il alors si dangereux que cela ? Ne peut-il pas, en plus, améliorer notre productivité ? Loïck Roche a étudié la question : les entreprises les plus innovantes sont celles où il existe le plus de relations intimes. « La pulsion de créativité n’est jamais loin de la pulsion sexuelle ».

Ragots, jalousie, méfiance

Mais pour ce docteur en psychologie et en philosophie, « le vaudeville est un luxe que le travail ne peut pas se payer. Il n’est pas fait pour cela. On se met en danger et on met son travail en danger. » Evidemment, rien ne nous interdit d’avoir des relations avec des collègues de bureau. Sauf si notre travail en pâtit. Mais ce qui est sûr, c’est qu’une telle relation amène son lot de complications. « Nous venions ensemble en voiture, l’un entrait toujours avant l’autre, se souvient Marie. Mais les gens n’étaient pas dupes ». Il y a les ragots, auxquels il faut faire face, la jalousie des uns, la méfiance des autres… Et les choses se corsent d’autant plus lorsque l’on travaille dans la même équipe. « Comment donner un ordre dans ces cas-là ? Cela interdit tout conflit. Et si l’un est augmenté et pas l’autre ? », interroge Loïck Roche. Dina Scherrer est coach. Pendant longtemps, elle a travaillé dans la publicité, où elle a rencontré son premier mari. « Quand on travaille dans la même équipe, il y a un risque de favoritisme, que chaque décision soit mal perçue, qu’on nous isole un peu aussi. Moi, j’étais devenue la femme du chef, celle à qui on ne dit pas tout. Les gens n’étaient plus naturels avec moi. »

Quand vient la rupture

Oui, l’amour au bureau n’est pas sans risques. Sur nos forums, Rachelka en témoigne. « Pendant un mois, j’ai eu une relation furtive et cachée avec mon boss. Ensuite, il a tout fait pour me faire partir, car j’étais devenue gênante. Et voilà comment on se retrouve au chômage en un rien de temps ». Au travail, 90% des relations sont éphémères, des passades pour la plupart, ou des aventures sans lendemain. De quoi faire réfléchir avant de se lancer dans l’exercice. Quoi de plus rebutant que de s’imaginer condamné(e) à passer ses journées en face… de son ex ?

Le code du travail amoureux

Seulement voilà, le propre de l’amour est qu’il nous tombe dessus sans crier gare. Dans ce cas, mieux vaut adopter un code du travail amoureux. Première règle : être discrets ! Pas d’allusion, de mots d’amour ni de marques d’affection, s’était promis Marie. « Et surtout, il ne faut pas raconter les hauts et les bas que traverse son couple à ses collègues. » Dina Scherrer, elle, a attendu que la relation devienne sérieuse pour l’officialiser… et partir. « Il avait un meilleur poste que moi et plus de responsabilités. Et je n’avais pas envie que les réunions continuent le soir à la maison. » Parvenir à établir une frontière entre le travail et la maison : voici le défi auquel sont soumis les couples qui travaillent ensemble. Chez Dina et Marie, aujourd’hui en couple avec des hommes qui ne sont pas leurs collègues, même son de cloche : il est préférable pour les membres d’un couple d’évoluer dans des univers différents. Et Dina de conclure : « si le travail facilite les rencontres, il n’aide pas, en revanche, à faire durer l’amour… »
               

Au bureau, je reste toujours à l’écart

Certains passent trente-cinq heures par semaine dans leur coin. Et quand l’équipe discute autour d’un café ou déjeune « groupée », ils n’en sont pas. D’où vient cette inhibition ? Et que faire pour échapper à ce repli sur soi ?
Assistante commerciale dans la location de véhicules, Vanessa, 35 ans, travaille avec plus de trente personnes dans un open space. « Très mal à l’aise, je n’ai jamais réussi à me lier d’amitié avec qui que ce soit, confie-t-elle. C’est entièrement ma faute, je le sais. Mais rien à faire, je reste dans mon coin. » Comme l’explique la psychanalyste Catherine Audibert, « certaines personnes ont un grand désir de solitude, sans que cela soit pathologique ». Même si, ajoute-t-elle, « un besoin de protection, conscient ou inconscient, est très souvent à l’origine de ce comportement de retrait ».

Pourquoi ?

Je n’ai pas le temps de discuter
Selon Fabrice Lacombe, coach et formateur en entreprise, cet isolement « est d’abord social, et vient de notre mode de vie actuel : tout va très vite, nous avons moins de temps pour nous rapprocher des autres et, souvent, moins besoin d’eux pour produire notre travail ». D’après lui, cette tendance au repli sur soi est exacerbée par le monde de l’entreprise : « Le lien social, toujours valorisé dans les discours, ne l’est pas dans la réalité, analyse-t-il. Les échanges fonctionnels et rentables sont privilégiés au détriment de la communication relationnelle. Le management est aussi de plus en plus exigeant : les salariés se sentent en insécurité et s’isolent pour se protéger. »
Je ne suis pas à la hauteur
Pour le gestalt-thérapeute Serge Ginger, le sentiment d’infériorité est l’une des causes les plus fréquentes de ce type de comportement : « Il se traduit par une peur des autres, de leur jugement, de leur regard. Ne se sentant pas à la hauteur, certains se font tout petits. » Selon lui, cela tient souvent à des expériences négatives précédentes ou concomitantes : échec sentimental ou professionnel, trahison amicale, diffi cultés familiales…, tout événement qui fragilise notre estime de soi – particulièrement nécessaire dans le monde concurrentiel de l’entreprise.
Je retrouve ma place d’enfant
« Le milieu professionnel réactive la place que nous avons occupée enfant au sein de notre famille », assure Catherine Audibert. Le supérieur hiérarchique rappelle une fi gure maternelle ou paternelle, l’équipe fait fi gure de fratrie… « Nous sommes alors confronté aux mêmes blocages qu’autrefois, poursuit-elle. Replacé dans un rapport infantile aux autres, resurgissent en nous les mêmes sentiments – d’intrusion, d’infériorité, de rejet… – qui engendrent des réactions similaires – protection, repli sur soi, défense… »

Que faire ?

Évaluer la situation
« Combien de temps passez-vous avec les autres sur votre lieu de travail ? Souffrez-vous réellement de votre manque d’implication, de votre inhibition ? Faire une évaluation concrète permettra de définir ce qui vous manque, ce qui vous frustre, préconise Fabrice Lacombe, coach et formateur en entreprise. Avant de pouvoir envisager des solutions… ou pas ! Après tout, vous n’êtes pas tenu de souffrir de la situation, surtout si vos liens sociaux et affectifs à l’extérieur sont forts. »
Apprendre à s’affirmer
« À cause de nos automatismes, il est difficile de changer seul de comportement, du jour au lendemain, remarque Serge Ginger, gestalt-thérapeute. Une approche comportementale peut aider à modifier ces mécanismes. Les thérapies de groupe, notamment, permettent de s’affi rmer dans sa juste place, de s’exprimer en présence des autres, d’exister dans le groupe. »
Remonter le fil du temps
« Essayez d’identifier ce qui, dans le passé, a pu être à l’origine de difficultés dans vos rapports avec les autres, conseille Catherine Audibert, psychanalyste : une rivalité entre frères et soeurs, une communication difficile avec votre père ou votre mère, un sentiment d’exclusion ? Observez ensuite les situations précises qui réactivent aujourd’hui ces sentiments ou comportements. Le but : développer votre capacité d’être seul “avec” les autres, signe de maturité affective et de confiance en soi. »

Témoignage

Cédric, 38 ans, employé dans une société d’import-export
« J’ai toujours été très critique envers mes collègues. Un jour, une amie m’a lancé : “À t’entendre, il n’y a que des nuls dans ta boîte. Mais si tu t’en moquais vraiment, tu ne parlerais pas d’eux sans cesse !” Cela a été comme un réveil. J’ai mesuré combien j’étais sur la défensive. Dès le lendemain, j’ai décidé d’agir autrement, de m’ouvrir aux autres et, surtout, de les écouter. Moi qui, depuis l’enfance, ai toujours été considéré comme un “ours mal léché”, j’ai tiré une réelle satisfaction de cette ouverture. J’ai appris que l’on pouvait se lier avec ses collègues sans pour autant se faire dévorer. »

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